J’ai eu droit à un bref essai de 20 minutes aux commandes de la 790 Duke sur une route panoramique surplombant Salzbourg réservée pour l’occasion. Bien que cette moto ait été surprise de nombreuses fois par les paparazzi ces dernières années, KTM tenait à ce que le moins de détails possible ne fuitent même lors de l’essai. Je me demandais si, bien que l’essai soit court, j’allais retrouver des détails de la Yamaha TRX850 sur cette 790 Duke. De 20 ans son aînées, la japonaise m’aura acompagné durant 3 saisons de compétition entre 1995 et 1997 et avec laquelle j’ai gagné en 1996 la Formula 1 ProTwins de Daytona ainsi que la Sound of Thunder World Series en 1997 sous les couleurs de Yamaha Europe. Oui, le très pointu bicylindre en ligne TRiXie de Yamaha qui a encore de nombreux fans.
Disons que TriXie a ressuscité, mais dans une robe de drindl (ndlr: costume traditionnel bavarois de la région de Salzburg) plutôt qu’un Kimono et la différence est flagrante dès que l’on presse le bouton du démarreur. Le moteur KTM est calé à 270° et délivre un son si particulier. De plus, elle est généreusement équipée d’un contrôle de traction que la Yamaha n’a jamais eu, une aide bienvenue dans ces conditions précaires d’adhérence. Il fallait prendre garde à ne pas faire glisser les Maxxis Supermaxx ST (la monte d’origine) dans un excès d’optimisme. Je n’avais jamais roulé ces pneus auparavant, cependant ils s’en sont drôlement bien sorti sur route humide en me donnant un bon ressenti du train avant au travers de la fourche WP bien mise au point.
La position de conduite est plus orientée roadster que streetfighter, d’autant que ce n’est pas une sportive à laquelle on a retiré les carénages mais un sur-mesure dédié à ce style de machine. La KTM sera vendue contre environ 9000 € (ndlr: en Suisse s’articule un prix sous les 11’000.- CHF), les valeurs de puissance, de couple, de cylindrée et de prix n’étaient pas encore dévoilées au moment de l’essai. Au États-Unis on l’imagine en concurrence direct avec la Harley-Davidson 750 Street Rod fabriquée en Inde et vendue $8’695. Ce secteur est en pleine expansion, souligne Gerald Kiska, et ce avant d’indiquer que ce moteur 800 cm3 pourrait servir à un futur projet de Café Racer Husqvarna. Où est-ce que je signe ?
La 790 Duke est très différente de la Harley qui souffre d’une position de conduite et une ergonomie imparfaite. Le bicylindre autrichien est plus un twin qui se prend pour un mono tandis que la F800R, autre concurrente, est un bi se comportant comme la moitié d’un 4 en ligne. Déjà visuellement le bloc est si compact qu’on peine à croire que deux cylindres dansent à l’intérieur, impression amplifiée quand on est installé dessus et qu’on adopte une conduite plus dynamique. Elle semble si légère et agile, elle se balance avec aisance d’un angle à l’autre sur ces routes de montagne tortueuse. Son moteur tourne vers l’avant pour réduire le poids et minimiser la perte de puissance, créant une force gyroscopique ne perturbant heureusement pas la direction. KTM a choisi cette construction pour s’épargner un arbre de transmission inversant le sens de rotation de sortie du moteur, contrairement à la MV Agusta F3 800 ou toute les Moto GP actuelle. Le pneu arrière Maxxis en 180/55ZR17 est un autre facteur de l’agilité de la moto, le constructeur a résisté à l’appel d’une monte plus large qui alourdit la direction. Notez aussi la présence en série d’un amortisseur de direction WP sur la 790 Duke, donc je m’interroge, la géométrie de la moto étant si radicale, la direction serait-elle trop légère de base ?
La prise en main est intuitive, entre autre grâce au large guidon plat. Je serais surpris d’apprendre que le poids à sec de la moto dépasse les 150kg tant elle est facile à mettre sur l’angle. Ce qui expliquerait aussi ses accélérations si vigoureuses. Le moteur s’apprivoise très vite et a une personnalité forte; tout comme TRiXie à l’époque. Gaz en grand en 6ème, il reprend dès 3’000 tr/min jusqu’au limiteur fixé à 10’800 tr/min. Aux alentours de 7’000tr/mn je me fais un peu rudoyer, mais je ne qualifierais pas le cas de vibration. Sur tout le reste de la plage, le parallèle-twin est volontaire et coupleux avec tout juste ce qu’il faut de vibrations restant du filtrage pour vous rappeler que vous êtes sur une moto et non une machine à coudre. Même chose pour l’embrayage anti-dribble, idéalement réglé pour poser une 2ème avant une épingle avec du frein moteur mais sans bloquer l’arrière sur la soudaine montée en régime. “Nous avons fais ça délibérément pour ajouter de la personnalité,” admet Simke, “mais alors combien en laisser ! Je suis heureux que ça te plaise.”
Oui j’apprécie, bien que les très bon freins soient fournis par-une-grande-entreprise-qui-n’est-pas-Brembo (KTM n’avouera pas qui!), le réglage du quishifter est idéal. Sur ces routes de montagne je ne me suis pratiquement pas servis de l’embrayage. Deux pressions du pied et je laisse faire le frein moteur pour ralentir la moto. Si vous attaquez vous utiliserez plus sérieusement les freins. Les efforts nécessaires à l’action du levier d’embrayage est une agréable surprise, pour un usage urbain au quotidien vous ne finirez pas crampé arrivé sur votre lieu de travail.
Lorsque je suis convié à l’essai d’un prototype de pré-production, je ne participe normalement pas au lancement du modèle de série. Mais la 790 Duke m’a convaincu au point que je demande à KTM de compter sur ma participation lors de son lancement. Je suis impatient de l'étrainer pour un essai plus long, sur une route présumément sèche qui permet une conduite bien plus sportive. Cette excellente moto place la barre très haut pour ses concurrentes de moyenne cylindrée. De plus, c’est une véritable KTM qui réincarne quelque part la TRiXie de Yamaha apparue il y a deux décennies.