En 2016 la firme de Hinckley revenait dans la course aux gros roadsters avec son fer de lance. Cette version « R » de la Speed présente une partie cycle à faire pâlir bien des références. Avec ses Ohlins et ses freins Brembo, l’esprit « racing » est bien présent. Sans parler de l’esthétique qui met une claque avec ce doré qui ressort magnifiquement bien.
Et puis elle a une ligne bien à elle la Speed Triple R. Ses formes arrondies, son double optique, son cadre tubulaire apparent et ce monobras… Rhâââââââ, ce monobras surplombé par la double sortie d’échappement ! D’autant plus que pour cet essai, l’anglaise s’est habillée pour moi vu qu’elle est équipée en Arrow pour chanter de manière plus mélodieuse.
Evidemment, la fourche inversée de 43 mm NIX30 et l’amortisseur TTX36 RSU sont entièrement réglables.
Dans cette version R, les finitions de la moto sont impeccables, preuve en est les finitions carbones, ou encore les rappels « Triumph » qui sont apposés ça et là, que ce soit en toutes lettres ou de par le symbole de la marque. Le seul bémol à mon enthousiasme, ces rétroviseurs en bout de guidon. Je ne suis pas un grand fan de ce placement, mais ce n’est qu’un détail qui pourrait se régler dans le catalogue d’options.
En selle maintenant. Confortablement installé, la selle est agréable et la position de conduite est idéale. Légèrement sur l’avant, la Speed Triple R annonce son orientation « attaque » sans pour autant être trop exclusive. Les commandes tombent sous la main, seul le bouton permettant le changement de mode se trouve un poil loin à mon goût.
La hauteur de selle est juste parfaite pour mon mètre 80. Les petites tailles ne poseront pas forcément les deux pieds à plat au sol, mais ils arriveront sans aucun souci à poser au moins un pied stable.
Avant de partir, on pianote un peu les commandes pour voir ce que nous offre ce tableau de bord très complet. Outre les informations habituelles et nécessaires, on peut définir le mode électronique sur lequel on va s’appuyer. Et la réflexion est intéressante puisque on a le choix entre 5 modes de conduite. Rain, Road, Sport, Track sont au menu et en dessert, pour les plus gourmand, il y a la possibilité d’opter pour le mode Rider, entièrement paramétrable.
Si chaque mode intervient sur la réponse à la poignée de gaz de type « ride-by-wire » et sur le contrôle de traction, il n’intervient à aucun moment sur la puissance délivrée par le trois pattes anglais. Pour bien comprendre le panel de choix possible, voici un tableau récapitulatif des réglages électroniques à disposition.
Fini la rigolade, maintenant, on veut savoir ce que ca donne en dynamique. On démarre la belle et immédiatement, on est envouté par le son atypique du trois cylindres. Lâché d’embrayage et la mécanique se met en branle en douceur.
Bien calé derrière le réservoir, tout est simple à bord de la Speed. Elle est compacte et le guidon plat facilite bien des manœuvres, malgré un réservoir qui écarte un peu les jambes. Si la maniabilité de la Triumph peut être mise à mal, notamment par un rayon de braquage restreint, ce détail se fait vite oublier dès qu’on roule à un rythme normal.
Rapidement, on regrette l’absence d’un quickshifter qui, comme bien souvent, fait partie des options. Mais sur une moto de ce calibre, on s’attend un peu à l’avoir de série. Surtout qu’il y a ce shiftlight en diodes bleues qui vous donne perpétuellement envie d’aller jouer dans les tours pour passer les vitesses pile-poil au bon moment.
Le moteur est tout simplement génial. Que l’on roule dans les tours ou, au contraire, à bas régime, les reprises sont présentes et la réputation du trois-cylindre est mise à l’honneur.
Lors de ce test longue durée, j’ai eu l’occasion de rouler la Speed Triple R sous la pluie. Pas une petite pluie de Mickey, hein, un vrai déluge bien de chez nous. Hé bien malgré une monte pneumatique qui n’est pas vraiment faite pour ces conditions (la Speed Triple R est équipée de Pirelli Supercorsa), le mode Rain se montre diaboliquement efficace. A l’accélération, on sent l’arrière de la moto bouger avant que tout ne rentre dans le droit chemin sans que l’on ait besoin de juguler son accélération. Pour le freinage l’ABS se déclenche plus rapidement et évite ainsi de se bourrer lamentablement. Bref, si cette météo n’était pas des plus agréables pour tester une moto, elle m’aura au moins permis de savoir que l’électronique est performante.
Mais je me doute bien que ce qui vous intéresse, c’est pas tant de savoir si la Speed est capable de faire les freins aux grenouilles… Alors oui, je l’ai aussi testée dans de (très) bonnes conditions. Vous voulez savoir ce que ca donne ? Alors on continue.
Un beau soleil, des routes sinueuses de montagne, je sélectionne le mode sport dans un premier temps, avant de passer sur Track.
Là on change la donne. Les accélérations sont aussi belles que veloutées. Aucune violence lorsqu’on tourne la poignée, mais au contraire une linéarité qui donne un sentiment agréable de tout contrôler, même quand ça va vite. Couplé à cette partie cycle démente la balade est un pur bonheur. 140 chevaux domptés pour apporter un maximum de plaisir vous extraient des virages dans lesquels on rentre en toute confiance. Merci Ohlins ! On sort donc du virage et on n’a qu’une envie, tordre la poignée pour entendre le son du trois pattes sortir des échappements Arrow… quelle musique ! C’est autre chose que ce qu’on entend à la radio aujourd’hui. A haut régime, la Speed Triple R hurle sa joie de vivre et transmet une irrésistible envie d’en remettre toujours plus.
Si en mode sport on sent un peu trop le traction control et l’ABS, ça s’améliore grandement en mode Track. Là, on a le roadster qu’on attend. Facile à emmener, coupleux à souhait, la Speed reprend même à bas régime avec du couple tout le temps, et des accélérations à rallonge. Sur ce mode, les aides électroniques sont transparentes, sauf quand on veut jouer avec la machine. Difficile pour ne pas dire impossible de mettre la moto de travers avant un virage et s’il est possible de délester gaiement la roue avant sur les franches accélérations, il n’y a pas encore de quoi appeler ça un wheeling.
La garde au sol est quand à elle parfaite on se surprends à ne pas trop déhancher dans les virages même quand on veut attaquer. Est-ce que le tout est efficace ? Demandez donc à ce sympathique motard en Yamaha R6 avec qui j’ai échangé lors de mon essai. Il se tuait à essayer de suivre le rythme que j’imposais avec la Speed dans les lacets de montagne alors que je ne cherchais pas le « chrono »…
A mes yeux, un roadster se doit d’être fun avant tout. Pas forcément ultra sportif sans quoi on se dirigera vers un missile sol-sol prévu pour la piste, ni à l’opposé, pas trop « confort ». Pour ça, Triumph a la très excellente Bonneville sous toutes ses formes.
Alors comment faire pour rendre la Speed Triple R encore plus joueuse ? He bien c’est simple, on paramètre le mode Rider qui permet de virer tout ce qui gêne et on fait comme avant. Sauf que là, une pichenette sur l’embrayage et on décolle. Idem sur les freinages de cochon ; l’absence d’électronique permet de mettre l’arrière de la moto en glisse et c’est bon ! D'autant plus que le freinage est tout simplement impérial ! C’est en fin de compte surtout pour ça qu’on enlèvera les assistances parce que mis à part sur certaines surfaces piégeuses, on pourrait se passer de l’électronique tant la Speed Triple R est saine.
C’est aussi ce qui nous amène à un raisonnement qui peut porter préjudice à la belle Triumph. Car cubant 1050 cm3 pour 140 chevaux, la Speed peut aujourd’hui paraître un peu en retrait face à la concurrence qui sort des roadsters avoisinant les 180 chevaux. Alors bien sûr, il y en a largement assez pour rouler tous les jours sur route et pour faire de son permis de conduire un trophée supplémentaire de Via Sicura. Mais d’un autre côté moins c’est raisonnable, et plus c’est bon. Avec son trois cylindres plein partout, il faudrait à la Speed 30 canassons de plus et elle rivaliserait méchamment avec la concurrence.
Quoi qu’il en soit, la Speed Triple R joue dans une autre cour que les hyper naked. C’est un peu la belle dame de la partie qui séduit par d’autres atouts dont sa finition irréprochable et qui, une fois dessus, nous montre tout son potentiel, certainement plus à la portée de la majorité d’entre nous.
Alors oui, avec plus de chevaux, elle se mêlerait à la lutte avec les MT-10 et autre SuperDuke R, mais elle perdrait peut être de sa facilité qui en fera toujours un best seller.