
Cela avait pourtant bien commencé. Immergés dans l'univers créé par la marque autour de ses motos trendy, on s'est régalé les yeux et les papilles au Scrambler Ducati Food Factory, où les plats régionaux façon fingerfood dans le décor travaillé et décontracté ont fait mouche. Comme le Café Racer, dont la génèse et les spécificités nous auront été dévoilés durant un petit déj'/conférence, diffusé en live sur la Web Radio dédiée à la marque.
Vendre du rêve, ce n'est pas toujours facile. Le staff de la "sous-marque" italienne a pourtant mis les petits plats dans les grands pour nous présenter son dernier jouet, à grands coups de fingerfood délicieuse, de décors ambiancés au possible et de très, très bonne humeur. Mis en valeur au centre du décor, le Café Racer n'a pourtant pas besoin d'artifices pour plaire : on pourrait le regarder au milieu d'une décharge, il serait toujours aussi beau.
C'est ce que je me dis en suivant notre petite troupe dans Bologne et en regardant les machines de mes confrères au milieu du trafic matinal. On est beaux. Tenues vintage assorties à l'engin, on en jette grave. La prise en main du Café Racer est facile, avec des guidons bracelets assez hauts et bien écartés : on est en appui sur l'avant, mais la position de conduite n'est pas éxagérée. Si la différence avec le modèle de base Icon est criante, avec des guidons plus bas de 175mm et avancés de 155mm, ainsi qu'une selle un peu plus haute, la maniabilité reste étonnante.
On admire le bloc compteur décentré, minimaliste mais lisible et riche de toutes les infos nécessaires. Les rétroviseurs, en bout de guidons, font le travail en plus d'être fort jolis.
Bercés par la pétillante voix sortant des deux flûtes siglées Termignoni de l'échappement d'origine, on sort avec style de la ville pour s'engager sur l'autoroute. Là, vous ne serez pas étonnés d'apprendre que le joli phare rabaissé et son très mignon saute-vent n'offrent aucune protection. Vous apprécierez plus les reprises convaincantes du twin 803cm3 refroidi par air, assez disponible à mi-régimes pour extraire notre colonne du monotone ruban gris après quelques minutes.
C'est le sourire aux lèvres qu'on attaque les premiers lacets, dans la campagne bolognaise. Le feeling du train avant est très bon, la fourche inversée Kayaba de 41mm absorbe bien les quelques irrégularités de la route et renvoie bien les informations du Pirelli Diablo Rosso II. Avec ses roues de 17 pouces, contrairement aux autres modèles de la gamme, le Café Racer est purement orienté bitume et on le sent. La maniabilité est excellente et l'ensemble s'avère très stable. Le moteur demande à être maintenu au-dessus des 6'500 tours/minute pour pétiller et pousse donc à hausser le rythme.
Mais voilà, le rythme n'aura pas vraiment augmenté pendant la matinée. Multipliant les arrêts d'attente, notre guide reste très raisonnable et pousse à déguster le Café Racer avec modération. On profitera des sessions photo pour pousser un peu et profiter des bonnes qualités dynamiques de l'engin.
L'agilité se confirme dans les enchaînements, la moto remue un peu sur les quelques bosses et passe d'un angle à l'autre avec légèreté. Sympa! On vient toutefois vite au bout de la garde au sol, mais le bon freinage avant, avec maître-cylindre radial, suffit à limiter les excès de zèle avant d'entrer en courbe. La position est agréable pour mon mètre septante-six et permet d'enfiler les courbes avec plaisir, en trajectant sourire aux lèvres (sauf sur les photos, désolé, ndr).
Le moteur fonctionne agréablement, même si Euro4 est venu pousser le couple plus haut dans les tours et étouffer un peu le chouette caractère du twin en L. Docile à bas régimes, dans une sonorité agréable, il grogne dans les tours et pousse jusqu'aux environs des 10'000 tours/minute. On manque presque un peu de puissance et de caractère, mais l'orientation tous azimuts du Café Racer explique aussi que l'engin ne s'avère pas explosif.
C'est forts de ces quelques évolutions sous les objectifs et décidés à en découdre que mes confrères français et moi... restons coincés derrière notre guide.C'est en rongeant notre frein qu'on tiendra jusqu'à la pause déjeuner, dans une maison de collectionneurs surprenante et rafraîchissante.
On profitera de la pause pour respirer et détailler le petit bijou concocté par les italiens. Il faut dire que de près comme de loin, le Café Racer est à tomber raide. En se rapprochant, on note donc le coloris noir et or, rendu célèbre par la 900 Darmah. La ligne de peinture sur le réservoir est en fait une arête "creusée" en forme de goutte, superbe. Les quelques pièces polies du moteur noir sont reprises d'une édition limitée du Scrambler Icon et mettent en valeur la plaque numérotée. Le 54 a été choisi en hommage à Bruno Spaggiari, célèbre pilote Ducati des années 60. Le monsieur a notamment gagné la Mototemporada Romagnola sur une machine équipée d'un moteur dérivé de la ... Ducati Scrambler de l'époque.
La belle s'admire et partout et on s'extasie également sur la selle chocolat, coifée de son capot sur le siège passager. Le régal passe également par l'échappement, aux tubes savamment coudés, et le support de plaque monté sur le bras oscillant, qui affine la coque arrière. La finition est superbe et l'engin magnifique. Chapeau.
Plein d'espoirs, nous reprenons les bracelets pour les derniers 50 kilomètres du très joli parcours emprunté à travers la région. Espoirs de courte durée, car le rythme a semble-t-il encore baissé, malgré nos demandes et remarques lors du lunch. C'est donc carrément mal à l'aise qu'on poursuivra notre route, finissant coincés derrière un camion pendant une dizaine de kilomètres malgré de longues lignes droites à disposition...
Ce qui est fait est fait, nous avons suivi la conduite prudente de notre guide avec docilité, s'échauffant seulement en fin de parcours, dans le trafic très dense de Bologne et quelque peu exaspérés de n'avoir pas pu exploiter comme souhaité ce petit Café Racer.
Car la recette des barista de Scrambler Ducati fonctionne. Le coup de coeur visuel est immédiat et se poursuit en détaillant la bête. Le comportement en conduite normale (d'accord, j'arrête... ndr) est sans reproche et on passe de bons moments au guidon. Tout l'accastillage aux couleurs de la marque et les pièces spéciales permettront également aux clients de personnaliser leur machine et afficher leur look aux yeux de tous.
C'est peut-être cet aspect de mise en avant de la "communauté" qui fera tiquer les sceptiques et adeptes d'authentiques préparations. Très, peut-être trop accessible, le Café Racer est un vrai très bon produit, qui vend autant de lifestyle et d'image de marque que de qualités dynamiques. Un produit très branché, qui s'échange tout de même contre presque 13'000 francs. Il lui manquera cette louche de caractère, d'inconfort et d'imperfections pour convaincre les purs et durs. Mais on se laissera volontiers resservir un peu de Café.