
Jamais on aurait cru autant baver devant une "vulgaire 125" et une "petite 300". Et pourtant, au sommet du Lingotto, célèbre bâtiment ayant abrité les anciennes usines Fiat, on s'extasie devant la ligne radicale des petites Duke. Gravement.
"Elle se devait de ressembler à la Superduke." La moto 125cm3 la plus vendue en Europe s'offre la dégaine du roadster le plus monstrueux du monde... et ça marche. Le phare avant à LED acéré, le cadre treillis surdimensionné, l'échappement latéral et le tableau de bord TFT en couleur : elle a tout de la grande ! Et le travail accompli par KTM sur son mini-roadster ne s'arrête pas là. Encore moins sur sa "grande soeur" de 390cm3. Mais on y reviendra, il reste un peu de bave à faire couler.
Les représentants des anciennes générations critiquent ces jeunots qui, à l'âge où eux travaillaient dur et marchaient droit, restent rivés sur leurs smartphones, écoutent de la musique bizarre et s'habillent toute l'année en pyjama. Ils peuvent râler, parce que la jeune génération va surtout rouler sur des machines accessibles mais suréquipées !
La Duke 125 se dote donc d'un ABS déconnectable (mais c'est illégal, comme vous le dira le tableau de bord), d'une option KTM My Ride, qui connecte votre smartphone à la machine et vous permet d'écouter de la musique ou ... de recevoir des appels ! La sécurité restant importante, il faudra s'arrêter pour pouvoir décrocher et vous ne pouvez pas naviguer dans vos albums de musique, mais seulement passer de chanson en chanson.
La connexion avec la route est tout aussi importante, c'est pourquoi KTM propose une fourche WP de 43mm, réglable en détente sur le fourreau de gauche, en rebond sur celui de droite. Une astuce de plus en plus répandue, qui permet un réglage moins fastidieux et un comportement plus progressif suite aux-dits réglages. Le disque avant de 300mm, pincé par un étrier radial à 4 pistons, achève de vendre du rêve. On note également l'amortisseur arrière équipé d'une technologie à piston séparé. Une partie de la bombonne contient le gaz, l'autre le liquide, et ils fonctionnent "en parallèle". Efficacité constante et garantie de 0 à 50°C ambiants, dixit KTM. Quant au cadre treillis maousse costaud, il dispose d'une boucle arrière boulonnée au cadre "avant" et n'est plus en une seule pièce. Look terrible, économie en cas de casse : KTM a tout juste sur cet aspect.
Dernier point concernant la conduite, la position est revue, avec une selle culminant toujours à 830mm, mais un guidon plus en avant, des pieds un peu plus reculés, pour un meilleur ressenti et un maniement plus sportif de l'engin. Modifications figurant aussi sur la 390.
Et la 390, tout ça, elle l'a ? Ouais, et même plus ! Disque avant de 320mm, leviers réglables, mais surtout un ABS déconnectable ou disponible en mode Supermoto. Ledit mode, présent sur les Duke 690 et Superduke R, fait intervenir l'ABS seulement sur le frein avant, vous laissant libre de faire glisser l'arrière à l'envi. Autre système inédit sur le segment 300 : l'accélérateur ride by wire, tout électronique, qui a donné du fil (haha!) à retordre aux ingénieurs. Pour les décideurs, et donc les clients, un tel système sans le feeling d'un câble est inutile. Les fins techniciens orange ont donc trimé dur pour offrir la meilleure réponse possible et nous ont promis qu'on allait apprécier.
Dernier point fort de la 390, le monocylindre de 44 chevaux et 37Nm de couple. Un petit bijou 100% calqué sur la norme A2, qui propose une plus grande plage de puissance que son aîné, ainsi qu'un couple mieux réparti. Un moteur et un châssis qui ont été longuement testés par l'équipe de développement, afin de trouver le set-up convenable à la large clientèle visée : tous âges, tous gabarits et tous styles de conduite confondus.
Les deux petites balles font très bonne impression. On notera les différences de logos entre la 125 et la 390, sur un gabarit similaire et très valorisant. Franchement, une petite meule avec cette gueule, ça fait baver. Quelques petits détails de finition feront tiquer les plus méticuleux. La teinte noire des tés de fourche et du guidon fait un peu cheap, certaines durits disgrâcieuses accrochent les rétines inquisitrices, mais la finition globale reste convaincante.
Le lendemain matin, sous les gouttes, c'est la petite qui ouvrira le bal. Au programme, un shooting dans la rampe en tire-bouchon du Lingotto, au sec, avant une excursion urbaine à destination d'un skatepark ! Sur le bitume mouiilé du centre de Turin où la piste poussiéreuse de l'ancienne usine Fiat, le comportement de la petite Duke a été sans faille.
Impossible à prendre en défaut avec si peu de chevaux, le freinage est parfait et le feeling au levier excellent. Même sans ABS, sur un bitume humide, l'avant tient bon sur les gros appuis. Rassurant en cas de manoeuvre catastrophe pour éviter un joggeur suicidaire, s'arrêter devant un ballon de foot fugueur ou éviter de percuter un confrère en remontant les files de voitures (toutes ces situations sont arrivées en l'espace de 30 minutes, dans Turin, ndr.)
Maniabilité au top, bonne santé du petit moteur, malgré ses 15 petits chevaux, freinage laaaaaaargement suffisant : la Duke 125 en ville, c'est zéro défaut ! Et avec un look pareil, notre petite troupe ne passe pas inaperçue. Il faut dire qu'avec le stunter Rok Bagoros au milieu de la bande, en stoppie aux feux rouges ou en run au démarrage, on se fait vite remarquer... Arrivés au skatepark, le jeune Slovène a pu faire l'étalage de son niveau et des possibilités d'une Duke 125 d'origine. On a mitraillé à grands coups de portable, mais on faisait moins les fiers en roulant sur le même bitume poussiéreux, pendant le shooting, après la démonstration du Slovène.
On s'attardera sur la commande au guidon du tableau de bord, offrant pléthore d'informations, avec deux tableaux de données paramétrables selon l'envie et les besoin du pilote. On navigue entre les infos instinctivement, choisissant facilement la langue des menus, les unités de vitesse ou de consommation... le tout devant le plaisant et très lisible écran TFT, qui dispose d'une gestion de l'éclairage automatique. Bizarrement, il est resté en mode nuit toute la matinée...
Sous une pluie battante, trempés, mais contents, nous avons eu le privilège d'emprunter une partie de la piste d'essai de Fiat, au sommet du Lingotto. L'équipe photo Black & Rad de Sebas Romero, placée dans le banking en pavés, nous attendait. Là non plus, on n'a pas fait les fiers. Tenir les 50km/h requis pour rester sur la trajectoire s'est avéré plutôt épique, le virage incliné étant également très ondulé et couvert de petites bosses. Mais la Duke invite à braver toutes les péripéties et est sortie (à toc) avec mention très bien de l'exercice! Sensations de fête foraine garanties avec un tel revêtement! Il ne nous restait plus qu'à enfourcher la 390 pour réaliser le même parcours... agnaaaa...
Quoi de mieux qu'un banking en pavés, sous la flotte et dans le froid, pour juger de la réponse d'un ride by wire? Fesses (très) serrées, je sors du couvert sur le premier rapport et suis quasi-catapulté, roue avant à quelques centimètres du sol, vers le virage relevé ! Le passage de la 125 à la 390 y est pour beaucoup, mais le monocylindre marche fort. Oubliés les 50 km/h minimum, la pluie et les pavés : le grip est bon et j'avale le banking gaz en grand, secoué comme un prunier, la bave aux lèvres.
Qu'est-ce que ça marche ! Dès 6'500 tours, le petit mono s'énerve et le fait savoir par une sonorité de gros cube qui enchante les oreilles. Les passages suivants se feront dans la même ambiance, sans aucune critique à faire sur l'accélérateur, très précis et sans course morte. On a bossé dur, à Mattighofen, et ça se ressent. Nous reprenons possession de la rampe d'accès pour assurer des photos dynamiques, sourire aux lèvres au guidon de la Mini-Beast.
Après la pause déjeuner en ville, Ô Miracle, la pluie cesse et on se dirige vers les montagnes et le soleil. Pour une grosse marrade. Adrian, notre guide, veut nous emmener voir la neige et emprunte des routes de plus en plus tortueuses et de moins en moins bien revêtues, à bon rythme. Le terrain de jeu est idéal et la 390 se régale : freinages dantesques, pif-paf négociés en un claquement de doigts, belles prises d'angle, la KTM encaisse tout ! Sans se désunir, s'il vous plaît : on est bien remué mais l'Autrichienne garde le cap et rassure, ne semblant jamais dépassée par les événements.
La motricité est excellente et chacun des 44 chevaux est exploité au mieux, grâce au très bon grip des Metzeler Sportec M5 Interact, impériaux sur le sec et très agréables sur route mouilée. Le froid aura rendu certaines entrées de courbes, sur les freins (non, non, on n'attaquait pas...), un peu floues, mais sans dérobade. La Duke 390 roule comme les grandes et pourrait surprendre plus d'une grosse cylindrée dans le sinueux !
Si le frein arrière aurait mérité un peu plus de puissance, l'avant peut étaler son excellence grâce au très bon travail de la fourche. Des réglages plus sportifs que sur la 125 bonifient le train avant, qui offre un ressenti constant, alors que l'amortissement arrière ne souffre d'aucune critique.
Le comportement très joueur de ses grandes soeurs se retrouve chez la 390, avec la confiance accrue dûe à ses "faibles" performances. Comme avec une certaine Yamaha R3, on tire la quintessensce de toute la machine pour rouler vite et on apprécie d'exploiter plus de la moitié de son potentiel sur route. Les vitesses atteintes font moins scruter les bas-côtés, les accélérations moins transpirer : le plaisir est moins teinté de crainte et on se lâche comme de grands enfants.
Dérapages, wheelings au démarrage ou en jouant sur le relief : on est bien sur une Duke et aucune bêtise ne semble impossible. Pour le staff KTM non plus, d'ailleurs, puisqu'on s'éclipsera 5 minutes, une fois rendus à l'hôtel, pour une micro-séance de wheelings (forcément, on est mercredi) sous le soleil couchant, où la Duke a sorti le grand jeu malgré ma fatigue et mon faible niveau.
Plus on y pense, plus ces 300 sont des machines adaptées à notre époque et aux législations très répressives concernant le trafic routier. Mais les machines du segment n'en oublient pas d'offrir du plaisir et de bonnes sensations. La Duke 390 en est un parfait exemple et hausse encore d'un cran le niveau de la catégorie, avec des équipements de haut-vol et des performances qui n'ont rien à envier aux "grandes". Décidément, ce n'est vraiment pas la taille qui compte...