Avant de parler de la Multi en elle-même, commençons par un petit résumé : Pikes Peak, c’est un départ à 2’865 mètres d’altitude et une arrivée 1’440 mètres plus haut, après avoir parcouru 156 virages et 19,93 km. Le genre de course pour laquelle il faut déjà une sacrée expérience avant de s'engager, ou une bonne dose d’inconscience, et une bonne machine.
Or, justement, la Multistrada ne fait pas que s’approprier ce nom. Elle a brillé tout au long de ce tracé sélectif, qui, de part son altitude ainsi que du manque d'oxygène, met à mal les moteurs et, de part les changements de terrains, oblige à avoir une partie-cycle au top. Ce n’est, en effet, pas moins de 4 victoires que la Multistrada a glané sur ce terrain sélectif !
Mais venons-en à notre moto d’essai, la fameuse Multistrada Pikes Peak 2016. Quelles différences avec un modèle de base ? La plus visible concerne les suspensions qui proviennent du grand gourou Öhlins, gage de rigueur et de sportivité. Ensuite, au niveau de la finition, toujours pour le visible, la Pikes Peak fourmille de pièces carbone comme le saute-vent, et divers éléments de carrosserie. Vient ensuite les pinces de freins Brembo M50, comme sur la Panigale… gage de freinage d’anthologie. Enfin, l’échappement qui équipe notre moto d’essai est une superbe ligne Termignoni.
Par contre, le coeur de la Multi reste identique, à savoir le V-Twin en L de 1’198cc équipé du DVT, la fameuse distribution variable qui agit en permanence sur les paramètres des levées des soupapes. Ce système permet à la fois d’améliorer le couple et d'abaisser la consommation de la Multi.
Ce nouveau bloc à la pointe de la technologie, largement asservi par une électronique au top, développe la bagatelle de 160cv et surtout un couple de 136Nm sur une large plage de régime.
Pour calmer cette horde sauvage, une ribambelle de capteurs permet de détecter la moindre perte d’adhérence, que ce soit au niveau de l’accélération ou du freinage. Plusieurs modes sont préprogrammés, permettant de se balader en ville ou d'attaquer comme un ours dans les cols (en évitant soigneusement nos amis à casquettes).
Bon assez tergiversé, on ne va pas passer notre temps à vous livrer la fiche technique de la machine 4 fois victorieuse à Pikes Peak ! Il est temps de grimper en selle, et ça, même pour mon 1m72, (hé oui, j’ai rétréci de 2cm, selon mon rebouteux c’est à cause du nombre de fractures) ça reste largement accessible et mes deux petons chaussants du 43 fillettes se posent au sol sans aucun souci.
Une fois installé dans la Ducati, je remarque que la large assise est confortable, que les commandes tombent agréablement sous les mains et qu'il est aisé de manipuler tous les boutons à disposition.
Grâce à la clé codée, pas besoin de chercher le contacteur, une pression sur le démarreur et le twin est lancé. Un son caverneux et guttural, rappelant quelque peu les portes de l’enfer dans la trilogie du Seigneur des Anneaux, s’échappe du Termignoni. Je me dis immédiatement que le responsable des homologations chez Ducati doit avoir un cousin au service ad’hoc…
Départ pour une balade en ville de G’nève (avec l’accent), la Multi y est à l’aise. On comprend immédiatement pourquoi les SUV, vous savez ces gros 4x4 de ville, foisonnent comme les lapins de garenne en dehors des périodes de chasse. La visibilité depuis là-haut est juste parfaite et la position de conduite relax. En plus, le large guidon permet de changer de trajectoire dès qu’un de ces SUV décide de soudainement s’arrêter le long d’un trottoir pour ramener une baguette pour le souper ou un sac Vuitton.
Le mode « Urban » rend le moteur très souple, pour un twin de 1’200cc, tout en permettant de très bonnes relances lorsqu’il s’agit de dépasser. Le guidon haut placé et les clignos intégrés aux protèges-mains permettent de se faufiler sans trop de soucis. Avant d’affronter la jungle des cols, la Multi s’affranchit sans problème de la jungle urbaine !
Bon c’est pas tout ça, ma journée pour le travail « alimentaire » étant terminée, il faut (mais quelle corvée…) partir rouler au guidon de mon joujou à CHF 25’390.-
La route s’élargit, j’arrive en rase-campagne et sélectionne le mode « Touring ». Immédiatement la réponse à la poignée droite se fait plus virile, tout comme le freinage qui gagne en mordant. Cela me démontre l’efficacité de l’électronique Ducati. Magnetti-Marelli serait-il en train de damner le pion aux Japonais sur leur terrain ? Cela y ressemble tant les puces italiennes sont efficaces !
Mais il reste encore un step à franchir ! Je décide d’être fou (la folie n’est pas de vouloir être sage dans un monde de fous selon Erasmo ?) et je passe direct en mode « Sport ». Là, je me rends compte que le mode précédent permettait de se balader virilement avec Madame sur la selle passager, sans à-coups, quand le mode « Sport » rend la Ducati plus diabolique et plus sportive.
Voilà, le mot est lâché ! Sportive ! Avec ses suspensions Öhlins, la Multi est d’une rigueur à faire frémir un guichetier de poste allemand. Le châssis est rigide, les suspensions fermes et la fourche encaisse les freinages les plus puissants sans broncher ni talonner pendant que l’amortisseur TTX36 fait fi des 160cv et les digère comme un menu probiotique.
J’en profiterais cependant pour faire mon premier reproche à la Pikes Peak. Pourquoi sur une moto affichée à ce tarif, pour rappel CHF 25’390.-, n’y a t’il pas de suspensions électroniques ? La R1M en est bien équipée et venant du même fournisseur… Même si elles sont très bien réglées d’origine, il n’empêche que dès que vous voulez embarquer votre sac de sable chéri ou des valises, voire rouler un poil tranquillou (mais ça c’est dans une autre dimension), vous êtes obligé de sortir la trousse de toilettes, euh pardon la trousse à outils et ferrailler pour régler, ce pour autant que vous vous y connaissiez en suspensions… Dommage !
Revenons à notre pur-sang italien. En entrée de courbe la Multi est royale et bien peu de motos pourront lui faire les freins. Après c’est selon vous et votre style: vous pouvez soit rentrer en virage façon supermot’ avec le pied sorti ou alors façon vitesse en déhanchant (raisonnablement, on est sur route) le haut du corps à l’intérieur du virage bien en appui sur les cale-pieds. Surtout que le tout est accompagné d’un grondement moteur façon bulle de Joe Bar Team (broooooarp pour les incultes).
Une fois au point de corde, euh pardon, bien calé sur l’angle, la Ducat ne réclame plus qu’à ouvrir les gaz pour mettre à mal le gommard de 190/55. Par contre, c’est justement en sortie de courbe que j’ai un tantinet pesté contre les familles Magnetti et Marelli réunies. L’électronique, justement un peu trop efficace, empêche la roue avant de rejoindre le ciel à cause du DWC, comprenez le Ducati Wheelie Control.
Mais à chaque mal son remède, tous les modes moteur sont paramérables à souhait et il est donc possible de restreindre celui-ci, ou tout autre.
Un autre manquement m’est apparu à l’attaque, pourquoi diable la Pikes Peak, qui est la Multi la plus extrême, n’est-elle pas équipée d’un quick-shifter ? La plupart des motos l’ont, et sa concurrente buveuse de bière est même équipée d’un modèle up-and-down… Pour moi qui ai l’habitude de rouler sur des sportives, c’est vraiment handicapant car une fois essayé, c’est adopté comme le dit l’adage.
Bon, le pétage de plombs étant fait, je calme un peu le jeu, et surtout le rythme, pour prendre la pleine mesure de la Pikes Peak. Son tableau de bord full TFT en couleur en jette un max. Il suffit de changer de mode pour que l’affichage change. En mode « Urban », point besoin de l’affichage des tours-minutes, la vitesse suffit (vu le prix payé au km/h en sus c’est salutaire), et plus on monte en sportivité, plus le compte-tours prend de la place sous vos yeux. Le passage dans les tunnels ne sert pas qu’à assouvir vos envies de broarp-broarp du twin, mais également à constater que le tableau de bord change de ton pour plus de lisibilité.
Le réglage de la mini-bulle est aisé et permet de dévier l’air au-dessus du buste. Bien qu’elle soit minimaliste, elle est vraiment efficace ! D’ailleurs, la protection en général est bonne sur la Multi Cet essai a eu lieu lors d’une semaine particulièrement humide, il a d’ailleurs été compliqué de trouver un créneau pour faire les photos… Mais bon, cela m’a permis de constater que même sous la pluie, la Ducati reste redoutablement efficace ! Tiens, d’ailleurs… d’où lui vient cette teinte rouge ?
Toujours en mode à la cool, mais sans les dreds, j’ai apprécié le cruise-control, qui est comme le quickshifter précité, une fois qu’on l’a essayé, on ne peut plus s’en passer. C’est bien sympa de se caler sur un petit 128km/h compteur pour ne pas allumer les photomatons sur l’autoroute.
Le dernier reproche que je ferais à la Multi est le positionnement de sa pompe à eau. Une fois le circuit bien chauffé, la chaleur dégagée au niveau du tibia gauche est importante… Bon je dois avouer que je ne roule pas en full cuir, voire même en tenue légère en été, à chacun ses défauts.
Alors la Multistrada porte-elle bien son nom ? Perso je trouve que c’est une machine diaboliquement efficace (ah bah voilà pour le rouge), surtout qu’elle possède une gueule inimitable avec ses lignes qu’elle ne partage avec aucune autre, ses nouveaux phares à LED lui donnant un sourire presque sarcastique.
Par contre, vu le tarif astronomique affiché, elle aurait mérité des suspensions électroniques, même sans être actives, le pourcentage de pilotes capables de jouer du tournevis plat, moi en premier, n’étant pas légion. L’absence de shifter fait également cruellement défaut, mais on louera l’efficacité de son châssis, de ses freins et de son moteur à chaque hectomètre parcouru.
Encore un petit mot sur les aspects pratiques, une petite prise est disponible au tableau de bord pour brancher un GPS et sous la selle on trouve une autre prise du même format ainsi qu'une autre USB permettant de charger votre Ail-Phone ou votre Samsy Galaxung.
En résumé je dirais que « italien » ne rime vraiment pas avec « raisonnable » et cela vaut autant pour les motos que pour les… glaces/motos/antipasti/femme (barrez ce qui ne convient pas).