Alors que tout a été dit ou presque au sujet de la Triumph Street Triple, surtout de sa version R, qui s’avère être l’une des machines les plus jouissives de la production moto depuis plusieurs années. L’arrivée en Suisse d’une version Rx peut sembler anecdotique, le modèle piochant dans le catalogue des options disponibles. « Mais pas que », pour reprendre une formule simple. Deux changements viennent rendre la Street Triple Rx absolument géniale.
La très effilée coque arrière de la sportive Daytona prend effectivement place sur la boucle arrière, toute de rouge vêtue, pour donner une croupe plus sportive encore à la Street’. Le saute-vent et le sabot moteur couleur carrosserie, mais surtout les jantes rouges très, très voyantes, parachèvent le travail. Le look déjà très agressif devient carrément explicite.
En clair: on n’est pas là pour enfiler des perles et le système quickshifter TransLogic monté d’origine est là pour le rappeler. Rendant superflu tout autre mouvement que celui du pied gauche pour monter un rapport, le système ancre la Triumph dans son orientation zygomatico-sportive. C’est-à-dire sa capacité de relier A et B en un temps ridiculement court tout en offrant des sensations ridiculement jouissives.
Penché sur l’avant, on saisit le large guidon noir avec empressement pour éveiller la bête. Au coup de démarreur, le petit trois-cylindres entame son entêtante litanie et tire déjà le coin des lèvres. Facile à manœuvrer, la Street Triple Rx n’oublie pas ses gênes de roadster mid-size et rassure lors des évolutions à rythme tranquille. La capacité de passer dans toutes les mains n’est pas donnée à toutes les motos de la planète et la Street’ peut toujours se vanter de cette qualité.
Sur voies rapides, lorsqu’on résiste aux appels du moteur pour aller gratter l’autre bout du compte-tours, on apprécie le confort relatif apporté par le saute-vent et l’appui raisonnable sur les poignets. L’ennui guette, mais est facilement contré par une rapide rotation du poignet droit, qui relance le trois-pattes avec enthousiasme dès les mi-régimes. Le moteur bourdonne de plus en plus, à mesure que l’aiguille du compte-tours passe les gradations… et on se fait avoir !
Avoir par le petit côté pousse-au-crime du jouet anglais, qui ne demande qu’à grimper dans les tours avec vous accroché au guidon. Le shifter TransLogic œuvre à limiter le plus possible les temps morts lors des changements de rapport et ajoute encore du piment à ces envolées du compte-tours. Le train avant s’envole lui aussi sans se poser trop de question sur les premiers rapports. Impossible de se tenir longtemps tranquille, l’Anglaise a heureusement un freinage à la hauteur de ses/vos sautes d’humeur.
Les étriers radiaux Nissin à quatre pistons semblent pouvoir stopper un immeuble en chute libre et se chargent de coller les parties sensibles de votre anatomie au réservoir, très fin au demeurant. Le feeling au levier frise la perfection et l’on dose facilement la puissance, pendant que l’ABS déconnectable veille au grain. Les suspensions entièrement réglables assurent une stabilité ahurissante dans les phases de freinage et n’auront nécessité aucun tour de clé durant l’essai.
Mais ce serait quand-même nettement moins drôle de devoir prendre ses virages droit comme un « i » avec un tel châssis. C’est pourquoi le feeling parfait du train avant et l’agilité de la Triumph permettent la plupart du temps de conserver une vitesse stratosphérique en virage. La moto plonge littéralement dans les courbes et profite d’une garde au sol insondable pour conserver son élan. On ouvre en grand pour s’extraire de ladite courbe comme on y est entré, en profitant de l’excellente motricité de la machine. Sur simple demande, la roue avant va même titiller le ciel avant le prochain virage.
Les Pirelli Diablo Rosso Corsa encaissent sans broncher tout ce qu’on leur inflige et la Street’Rx aussi. Un véritable effet Axxe : plus on en met, plus on en a ! Seules les températures encore fraîches ont permis à l’ABS de parfois se manifester au freinage. La machine semble pouvoir changer d’angle toujours plus facilement, accélérer toujours plus tôt et aller toujours plus vite. Il faudra aller chercher une quelconque limite sur circuit, où certaines sportives pourraient en prendre pour leur grade…
Le plus dur sera de s’arrêter de s’amuser au guidon de ce méchant jouet. Le confort dû à la position relativement droite invite à prolonger les sorties alors que le séant se voit plutôt bien loti sur long trajet. Seuls les genoux, bien pliés, pourront demander grâce. L’éventuel passager sera sans doute parti en courant à la vue du ridicule strapontin qui lui est dévolu. Heureusement, un joli dosseret de selle est livré d’origine et les cale-pieds arrière se démontent en un rien de temps. Une vraie machine d’égoïste !
La Triumph Street Triple Rx pousse encore plus loin ses orientations sportives. D’un comportement à la fois sans faille et terriblement fun, elle est un vrai outil pour tailler la route, au sens géométrique du terme. Plus orientées trajectoires et arsouille saignante que métro-boulot-dodo, elle s’avère pourtant exploitable au quotidien et (presque) adaptée aux novices.
Triumph signe avec cette édition spéciale une machine vraiment aboutie et désirable (on l'achèterait rien que pour sa nouvelle coque arrière). Une certaine quadrature du cercle, avec un penchant résolument sportif. Très, très sportif. On vous laisse, les pneus refroidissent…