
Cela faisait un bout de temps que je lorgnais sur cette Harley qui a marqué les esprits des compétiteurs de l'Oncle Sam avec notamment les courses de XR 750 de Dirt Track. Bon ne rêvez pas, la XR1200X n'est pas une Dirt Track !
Au premier coup d'oeil, la moto casse immédiatement les a priori que l'on peut porter aux Harley classiques. Chrome à profusion, guidon haut, position des pieds en avant, ou encore les célèbres franges en cuir qui pendent de part et d'autre de la moto... (je plaisante, hein) ! La XR1200X s'adresse à un nouveau public, à celui qui n'a pas encore envie de passer son week-end à nettoyer ses chromes ou encore à celui qui souhaite prendre un peu d'angle avant sa retraite (ou avant de passer dans le côté obscur du cruiser!).
Un V-Twin refroidi par air de 1'202cm3, une transmission par courroie, de longs échappements, un réservoir long et fin, un guidon des plus larges, des clignotants oranges, un équipement plétorique et une selle fine, ... la XR12000X est bien une Harley, une vraie, contrairement à la croyance populaire !
Le plus difficile réside dans l'attribution d'une catégorie à cette moto : mi-roadster, mi-café racer, mi-cruiser. La XR1200X est réellement un modèle hybride de par sa conception, rangeons-la donc dans chacune de ces catégories !
A l'avant, nous retrouvons tous les ingrédients d'un modèle qui bouscule les habitudes de la firme US avec une fourche inversée Showa de 43mm, offrant un débattement de 125mm, qui cache sous le large guidon noir des réglages en détente et compression. Deux disques d'un diamètre de 292mm, pincés dans des étriers fixes à 4 pistons. Une jante en aluminium coulé à trois bâtons d'un diamètre de 18 pouces, suppléée d'un pneu Michelin "Scorcher 11" en 120/70/18. Bref, ça commence à sentir bon l'arsouille. Seul l'angle de chasse de la fourche de 28,9° vous rappellera que vous n'êtes pas sur un roadster "habituel".
Du côté du pilote, vous ne risquerez pas de vous perdre dans les menus du tableau de bord. Le bloc compteur/compte-tours est ce qui se fait de plus simpliste. Un compte-tours, un lecteur de vitesse analogique, un compteur kilométrique, deux trips partiels A et B et une horloge, et voilà, la longue liste des fonctions vient de se terminer.
Ne cherchez pas la jauge à carburant, il n'y en a pas, ni de serrure sur le bouchon de réservoir! En ces temps de crise, un verrouillage à clé aurait été plus que le bienvenu pour préserver notre précieux pétrole!
Puisque nous en sommes au réservoir, ce dernier, d'une contenance de 13.3 litres, arbore un très beau graphique avec le logo de la marque, mais également un damier qui rappellera les modèles de course dont s'inspire la XR (Dirt Track). A savoir que les courses avec des modèles actuels existent encore, bien évidemment, mais pas dans cette configuration d'origine.
Sous le réservoir, juste derrière le neimann et le verrou de la fourche, se trouve le filtre à air, légèrement dissimulé derrière une grille. La boîte à air placée ainsi risque de m'en mettre plein les oreilles. Et c'est tant mieux, après tout une Harley, ça doit faire du bruit.
Le bouilleur en V bien connu des puristes est le célèbre 1'200cc, qui développe pas moins de 100Nm de couple et ce dès 3'700 tr/min. On ne se gargarisera pas de la puissance phénoménale de 90 chevaux que développe ce bloc. Vous l'aurez compris, ce moteur, associé à une boîte à 5 rapports, n'est pas fait pour battre des records de vitesse.
Côté arrière, je me trouve face à une selle qui parrait accueillante, tout du moins plus que celle d'un roadster. Par contre, du côté du SDS, la selle s'apparente plus à un bout de cuir posé, du style "Bin... fallait une selle, alors la voilà!". Mon SDS confirmera ou non cette impression! D'autant plus que l'étroitesse de l'ensemble promet quelques glisses lors des accélérations. M'enfin, nous verrons bien!
Le passager aura pour compagnon de voyage deux silencieux hauts-perchés, tellement hauts que Harley-Davidson a même pensé à poser un repose-talon sur le silencieux supérieur. Ces derniers masquent un superbe amortisseur à gaz réglable en précharge et permettant un débattement de 89mm. On retrouve heureusement son jumeau du côté gauche. Les plus jeunes se souviendront de leurs Peugeot 103 SPX ou MBK 51 Racing équipé à l'époque du même style de suspensions. Le tout est fixé à un bras oscillant en aluminium peint.
Côté freinage arrière, le disque de 260mm devrait permettre de ralentir convenablement les 250kg à sec de la bête. La roue arrière est équipée d'un pneu Michelin "Scorcher 11" en 180/55/17, ce qui devrait garantir une bonne tenue en courbe.
Une fois posé mon séant sur la selle, je m'empresse d'insérer la clé dans le neimann, rappelez-vous, sous la colonne de direction. Un demi-tour de clé et une pression sur le démarreur permettent à l'ensemble de s'animer.
Wahouu, sympa le son de ce bi-cylindre (ca me change de mon 4 cylindres habituel), par contre, si quelqu'un pouvait juste retirer le marteau-piqueur sur lequel j'ai dû m'asseoir par erreur, ce serait sympa! Les origines Harley sont bien présentes, du son et des vibrations du bas du dos jusqu'au haut de mon caillou. Fort heureusement, au moindre coup de gaz, les tremblements si caractéristiques disparaissent. La position est des plus naturelle, buste droit, bras tendus, jambes pliées (merci les reposes-pieds en position haute)... pendant un instant, je me demande si je suis bien sur une Harley.
Seul la selle me rappelle un certain type de matière, mais une photo vous en dira plus que de longs discours. Une impression qu'il faudra confirmer en roulage.
Bon cette fois, je me lance pour m'extirper de Genève, en direction des routes bien connues de nos essais. Le large guidon aide grandement lors des manoeuvres à basse vitesse. En effet, l'important bras de levier vous facilite la tâche pour déplacer les plus de 250kg de l'ensemble. La première s'enclenche avec force, le tout dans un claquement traditionnel et l'embrayage à câble vous rappelle que vous avez une machine qui fait l'impasse sur le confort des commandes. Après tout, ceci me fera travailler un peu les avant-bras.
La sortie de la ville se fera sans encombre, mais j'avouerai que je n'ai pas essayé de slalomer entre les caisseux (ceci est interdit par la loi), d'une part parce que le guidon est large et d'autre part parce que j'aime bien me faire mater par les jaloux en caisse à savon. Ouais mon gars, j'ai une Harley! Le moteur et la chaleur qu'elle procure vous rappeleront également que la ville n'est pas faite pour elle. Même si l'exercice se fait sans encombre, vous risquez rapidement de vous retrouver avec des jambes bien cuites. La boîte de vitesse assez ferme n'est également pas appropriée à des stop and go incessants. Le passage du neutre au feu rouge me laisse perplexe, mais ceci est peut-être dû au faible kilométrage de mon modèle d'essai.
Si la ville ne m'avait pas permis de profiter du couple de camion du bouilleur, l'arrivée en rase campagne, dénuée de tout radar et autre quidam qui pourrait se trouver sur "MA" route, va me permettre de pouvoir mettre à mal cette héritière des Dirt Tracks.
Mes premières impressions sur le moteur se confirment, le couple vous permet des accélérations canon jusqu'à l'arrivée de la zone rouge qui se trouve à 7'000 tr/min. Le premier qui me dit "Comme un diesel!" se prendra une taloche.
Le 1'200cm3 se montre des plus volontaires et ce quel que soit le rapport engagé. Au delà de 3'000 tr/min, tout s'emballe et vous emballe dans une sonorité envoûtante. Je me prends au jeu de ne faire que des accélérations de goret, tout en restant en toute légalité au niveau des limitations de vitesse.
La boîte à air bien visible vous en met également plein les oreilles. Seul petit bémol: l'ouverture/fermeture du clapet qui devient un peu trop présente à mon goût. Ceci dit, il doit certainement être possible de le laisser en position ouverte avec quelque menu bricolage.
Un bout de ligne droite me permettra d'adopter la position des pilotes US, couché sur le réservoir le nez dans la bulle (ah bin non il n'y en a pas...), la main droite sur l'accélérateur (c'est mieux pour avancer) et la main gauche qui vient saisir le fourreau de la fourche. Je m'y croirais presque, la poussière en moins!
Qui dit ligne droite dit forcément virage, donc freinage.. à moins qu'un simple rétrogradage suffise à me ralentir suffisament. Deux rapports descendus plus tard, je me retrouve collé au réservoir. La décélération est telle que les gommars du bibendum en pleurent de joie ou de douleur. Les silencieux s'expriment également en me rappelant que le mélange est réglé sur pauvre et me gratifient de superbes pétarades. Le virage passe comme une lettre à la poste en mode "je me traîne". Après tout, cette moto est-elle faite pour autre chose? Bin je vais voir, tiens!
Incrédule devant autant de critiques émanant de mes potes motards, ceux qui ne jurent que par les Italiennes au sang chaud et autres Japonaises qui hurlent de bonheur, je me devais de leur prouver qu'une Harley ne se résume pas à se la pêter en débardeur en cuir ou avec des franges sur le guidon, le tout au bord du lac ou sur une terrasse de café.
Bien équipée avec des jantes montées en pneu Michelin sport/route et des freins d'un diamètre convenable, dotée d'une fourche et d'amortisseur réglable dans tous les sens, seules deux choses pourraient me faire mentir. La garde au sol, quoique avec 150mm, ça devrait déjà le faire et le poids non négligeable de 250kg.
Le défi est lancé, peut-on attaquer avec la XR1200X?
Une reconnaissance du terrain de jeu plus tard, il est temps de voir ce que cette héritière a dans le ventre. Si le moteur accélère fort et offre des reprises canon, le freinage n'est pas non plus en reste et propose de bonnes performances. Dur au levier, il s'assouplira au fil des kilomètres lors d'une descente de col à bon rythme, mais ne vous laissera pas pour autant dans la panade, car il garde une bonne constance dans l'effort.
Du côté de l'amortissement, nous sommes à des années-lumière des autres modèles de la firme de Milwaukee. La fermeté de l'ensemble permet d'attaquer sans arrière-pensées et permet de garder le cap à condition de bien enrouler les virages. Les épingles ne seront pas le meilleur endroit pour tirer toute la quintessence de cet ensemble. La finesse de la selle permet des déhanchés aisés.
Une fois trouvé le mode d'emploi, la moto devient un véritable objet à sensations. Facile à mettre sur l'angle, un rien limité par les têtons de repose-pieds ou encore les caches de la tubulure d'échappement, vous pourrez vous lancer dans les cols avec la conviction de ne pas être le dernier du groupe. Seule condition, pensez à prendre une réserve de têtons de repose-pieds et une paire de sliders neufs.
Autre surprise, la souplesse du moteur lors de la remise des gaz en sortie de virage. La puissance passe très bien au sol et permet des sorties très rapides à la seule condition d'avoir des virages larges, car si la XR1200X accepte volontiers l'arsouille, elle a toutefois tendance à vous tirer à l'extérieur des virages lors des grosses attaques.
Pour le reste, la moto est comme collée au sol! Bon c'est peut-être dû au goudron que je viens de faire fondre lors mes passages incessants pour les photos... Ma journée s'arrêtera pourtant au bout de 140 kilomètres en mode cochon. Eh oui, un témoin se met à clignoter pour me rappeler que je dois passer chez les profiteurs, pardon, chez les magnats du pétrole afin d'abreuver mon cher destrier. Le retour se fera par une partie d'autoroute, ce qui me permettra de constater l'absence totale de protection au delà des 120 km/h, mais confirmera également que la moto reste très stable à l'approche de la zone rouge sur le dernier rapport (pour rappel 5) et que le moteur se montre très volontaire sur le jeu des reprises à haute vitesse. P'tin de 6ème qui veut pas passer...
Au terme de nos prises de vues, je réussis à convaincre ma moitié de venir tester cette Harley. Je précise immédiatement que pour elle, une H-D doit être couverte de chrome, de cuir et d'un gros appendice servant de protection pour le conducteur. Pourtant, elle adore notre GSX-R 1000, allez comprendre... Ce sera donc un roulage en mode "lover" qui s'organise à l'horizon.
Au bout de ce roulage dans les alentours d'Annecy, Madame avouera qu'elle a adoré cruiser aux vitesses légales, mais qu'elle a également pu profiter du paysage ("Ah bon parce que d'habitude tu regardes quoi?"). Tu m'étonnes qu'elle a vu le paysage! Deux heures pour faire 100 kilomètres, quelle honte... Ceci dit, elle a fortement apprécié la sonorité du bloc moteur, la position droite et relax qu'offre la selle passager, ainsi que la petite arsouille sur le retour. Elle regrettera que le moteur perde de sa voix au delà des 100 km/h, mais également l'absence de chrome.
De mon côté et après quelque 300 kilomètres en une journée, je n'ai qu'une envie! Régler son compte à la selle qui a mis à mal mon séant. Tieeeeens!
Une Harley qui me fait vibrer, jusque là rien d'anormal, au contraire, si elle ne le faisait pas, ce ne serait pas une Harley! Je dois avouer que cette moto me laisse un bon souvenir et ce malgré le fait que je n'ai pas attaqué la cinquantaine (j'en ai 36). D'une prise en main enfantine, disposant d'un moteur qui m'en a mis plein les oreilles et plein les bras, dotée d'une suspension idéale pour nos routes de campagne, elle m'aura accompagné sans faiblir et ce malgré les mauvais traitements que je me suis harrassé à lui infliger.
Elle m'aura également permis de passer entre les gouttes de nos chers pandores. Car oui, elle peut rouler à bon rythme, mais ne donne pas l'envie de prendre 200 km/h dès le moindre dégagement, une bonne chose de nos jours. A son guidon, je me suis mis automatiquement et sans le vouloir en mode cruiser, et j'avoue, cela fait parfois du bien! Alors si tu te dis que tu aimerais une Harley, mais que tu as encore quelque peu l'âme d'un joueur, passe donc faire le test de cette XR1200X. Attention, tu risques bien de succomber à la tentation!