Parce que la Fireblade, ce sont 20 ans de philosophie « Total Control »: un poids maîtrisé, une mise en avant de la facilité d’utilisation au détriment de la puisance pure et, surtout, le premier système ABS pour sportive! La CBR, on en espérait donc beaucoup pour ses 20 ans. Alors que la majorité de la concurrence se dote de contrôles de traction pour endiguer des puissances toujours en hausse, Honda n’a pas doté son fer de lance d’un tel système.
Les temps sont durs pour le Japon, depuis la crise et l’incident de Fukushima consécutif au tsunami de mars dernier. Cela se ressent beaucoup sur le marché des sportives, où les européennes prennent le pouvoir tant sur piste que dans les ventes. Difficile de rebondir dans ces conditions, ont dû se dire les japonais, qui s’orientent vers de nouveaux marchés (comme l’Inde) avec des machines plus raisonnables et moins coûteuses.
Reste que, même dans le détail, la CBR évolue. Au niveau du design, plus tendu que la version précédente et très réussi. Les suspensions ne sont pas en reste: Showa dote la CBR de sa désormais bien connue Big Piston Fork et d’un amortisseur arrière à double tube interne. L’idée? Supprimer les habituels clapets dans l’amortisseur, pour une détente et une compression encore mieux maîtrisées. La Fireblade s’offre également un tout nouveau bloc compteur, largement inspiré du MotoGP et simplement magnifique. Le « tout LCD » est à la mode et le compte-tours perd ainsi son aiguille au profit d’un barre-graphe électronique.
Le Shiftlight, composé de cinq LED, est paramétrable à l’envi. On note avec bonheur l’apparition d’un très bon système de chronométrage, actionnable via le démarreur après sa mise en service. Il affiche votre dernier temps réalisé à chaque pression sur le démarreur, tour après tour. En appuyant plus de deux secondes, le chrono sort votre meilleur tour et vous laisse naviguer dans l’historique des chronos.
L’injection a également été retravaillée pour une meilleure réponse, particulièrement lors des premiers degrés d’ouverture des gaz. Un détail qui aura, comme vous le verrez, son importance. Ah! On trouve aussi un petit autocollant « 20th anniversary » sur le réservoir. Happy birthday, miss Fireblade!
En arrivant sur le splendide tracé de Portimão, en Algarve, la déception est de mise. Le circuit est bien mouillé et la météo semble capricieuse. C’est en pneus pluie que notre premier groupe de journalistes s’élance, à la suite de Karl Muggeridge, champion du monde Supersport en 2004, champion IDM en titre et pilote accompagnant pour la journée, aux côtés de Jonathan Rea et Miguel Praia. Après quelques tours à un rythme quasi-soporifique, on accélère un peu dans des conditions piégeuses. La piste commence à sécher par endroits mais est complètement trempée à d’autres.
On se surprend pourtant à frotter le genou dans plusieurs virages, et pas forcément les moins mouillés! Preuve que la CBR demeure d’une facilité de tous les instants. Malgré cela, on aurait certainement pu apprécier un contrôle de traction, rien que pour l’aspect sécuritaire.
Après 20 longues minutes de roulage, c’est retour aux stands pour attendre la prochaine session du matin. Qui n’arrivera pas. La pluie retombe sur le circuit et le staff décide d’annuler la seconde session.
En début d’après-midi, on reprend la piste sur du séchant. Si le rythme est un peu plus élevé et que la CBR continue de démontrer son équilibre, j’enrage de ne pas pouvoir la pousser dans ses retranchements. Reste que le plaisir est bien présent: la Honda s’accommode très bien d’un pilotage aussi fluide (voire timide…) et tient le cap. Sur les parties sèches de la piste, les pneus pluie sont mis à mal et chauffent très vite. Vite dépassés lorsqu’on ouvre fort les gaz sur l’angle, ils s’occupent du fond de votre caleçon au bout de la ligne droite: l’avant devient aussi mou que du chewing-gum et semble vouloir partir dans toutes les directions, sans se décider. On remercie l’ABS, très discret mais présent, sur certains freinages délicats…
Après une autre longue pause et malgré une pluie fine qui tombe encore ça et là, nous sommes invités à reprendre la piste pour une dernière séance photo. Là, sur une piste trempée, j’ai particulièrement apprécié le feeling de la poignée de gaz. La réponse douce et instantanée du moteur aura été une alliée précieuse dans ces conditions où l’on n’a pas le droit à l’erreur. La confiance arrive au fil des tours et le rythme augmente. Quel plaisir de sentir l’avant se planter dans le sol lors des freinages, alors que l’arrière finit par se remettre en ligne au moment de déclencher le virage.
Oui, on peut aller vite sur le mouillé, et la CBR est un très bon outil pour y parvenir!
Mais la météo avait déjà décidé de tout gâcher. Soudain, en bout de ligne droite, à 260km/h, c’est le « rideau »! La nuit tombe, ma visière est criblée de gouttes et je ne distingue plus grand chose. A part mon point de freinage, qui me saute à la figure! Tout planter, tout relâcher, puis gentiment poser la moto sur l’angle… C’est passé! Le pire moment de la journée, mais sûrement mon meilleur instant de pilotage sur le mouillé. C’est avec une confiance totale que je remets les gaz avant le prochain virage.
Après un dernier tour fesses serrées, je rentre aux stands, bien mouillé et presque heureux de l’expérience. Miss Fireblade a bien assuré.
Sans contrôle de traction, la Honda a su rassurer par son équilibre irréprochable. Malheureusement, sans pouvoir la pousser très loin, difficile de se prononcer sur les bienfaits de son évolution. Difficile aussi de trouver des points faibles à cette CBR, qui s’en sort avec brio dans ces conditions météo difficiles et qui a su donner confiance à ses pilotes du jour. Reste qu’on reste sur un goût d’inachevé et qu’on se réjouit de pouvoir bientôt tester la Honda dans de meilleures conditions. Ce n’est que partie-remise...