Ce n’est pas une supersport, c’est une routière-sportive. La CBR 600 F prend le marché supersport à contre-pied en offrant un compromis raisonnable entre confort et performances. Si cette « F » était jadis LA sportive du constructeur ailé (un titre mondial en Supersport aux mains de Fabien Foret en 2002), la turbulente 600 RR est venue lui voler la vedette. Très appréciée des motards pour ses qualités routières, la 600 F a néanmoins quitté la gamme Honda. Après avoir été vendue à 231’000 exemplaires en Europe, depuis 1987.
La revoici donc, en 2011, jouant à fond la carte de l’accessibilité. Une moto « versatile et abordable », selon Honda. En offrant un confort bien supérieur aux standards sportifs mais des performances tout à fait suffisantes pour la route, la « F » s’annonce clairement comme une bonne à tout faire ; voilà pour la versatilité. Basée sur la Hornet 600, elle limite les coûts de production et propose un ensemble moteur/châssis aussi efficace que rassurant. La CBR 600 F semble bel et bien abordable à tout point de vue.
En tournant autour du modèle exposé à la conférence de presse, la première impression faite au salon de Milan se confirme. La 600 F est belle! Loin de faire « pièce rajoutée », le carénage s’accorde superbement au réservoir (légèrement modifié) et à la coque arrière de la Hornet. Il abrite également le bloc compteur, inchangé par rapport au roadster. Le compte-tours électronique est toutefois plus visible car moins exposé à la lumière grâce au carénage. Sans dégager trop d’agressivité, la ligne de la « F » est simplement fluide et séduisante.
En greffant des demi-guidons et un carénage à son roadster 600, Honda n’a pourtant pas l’intention d’en faire une sportive du pauvre, à l’air pataud! Cette CBR donne envie de rouler et cela tombe bien: ce sera le cas dès le lendemain!
Un lendemain chagrin, avec une pluie fine et des motos déjà bien mouillées garées devant l’entrée de notre hôtel, près de Séville. Tu parles d’un climat digne du sud de l’Espagne! Bon, ce n’est pas le déluge non plus et il semble que quelques éclaircies soient possibles dans la journée. Ragaillardi par ces nouvelles rassurantes, j’enfourche la bête et m’élance à la suite de mes confrères.
Dès les premiers tours de roue, les gênes de Hornet de cette CBR sautent aux yeux. L’évidence du châssis permet d’évoluer en toute quiétude à basse vitesse. Sortis de l’enceinte de l’hôtel, nous empruntons une nationale particulièrement sale et détrempée, avant de bifurquer sur une autoroute. L’allure augmente un peu et je tape un peu dans le moteur pour rester au contact de mes confrères. Inchangé par rapport à la Hornet, le moteur donne le meilleur de lui-même à hauts régimes et propulse facilement la moto à des vitesses hautement répréhensibles! A vitesse légale, le confort est excellent, même si l’on aurait apprécié une bulle un peu plus haute.
Ce léger manque de protection ne nuit pas au plaisir lorsqu’on enfile les kilomètres. De retour sur route nationale et, ô miracle, sous le soleil, on profite des jolies courbes de la route et du panorama un peu plus gai une fois bien éclairé. La CBR se fait totalement oublier, laissant son pilote tracer sa route sans arrière-pensée. Après un petit bout de chemin, nous arrivons sur les bords d’un lac autour duquel serpente une route. Quelques gouttes tombent, la route est détrempée mais qu’importe, le rythme augmente dès les premiers virages. Gaz!
Les demi-guidons offrant un bon appui sur l’avant, le feeling est appréciable: pas une fois l’avant ne s’est dérobé sans alerte préalable. Très maniable, la CBR 600 F s’avère également d’une stabilité exemplaire et donne confiance à son pilote. Aucune réaction désagréable ou parasite, même en cas de correction de trajectoire impromptue: la CBR assure! Sans proposer le feeling et l’agilité d’une pure sportive, la « F » s’avère redoutable d’efficacité. Dans ces conditions délicates, on apprécie également de ne pas être plié en quatre comme sur une authentique supersport…
Moins sollicité que sur le sec, le système de freinage s’est montré irréprochable. Le feeling sur l’avant est excellent et permet de rapidement repousser ses prises de levier sans craindre une mauvaise surprise. L’ABS veillant au grain, on n’hésite pas à tirer sérieusement sur le levier en cas d’urgence. L’arrière s’avère un bon complément, son système ABS ne se déclenchant pas trop tôt, comme c’est parfois le cas sur certaines motos.
Offrant un comportement très sain, la CBR 600 F n’est bien sûr pas aussi précise ou puissante qu’une supersport pure et dure. Dans des conditions météo plus clémentes et sur une route très exigeante, l’écart entre ces deux philosophies du sport se creuserait certainement. Cependant, les capacités des 600 sport actuelles dépassent l’entendement sur route ouverte! Elles dépassent surtout les capacités d’un grand nombre de motards, qui ne disposent pas du bagage technique et de l’expérience nécessaire pour exploiter sans (trop de) risques de telles machines.
La CBR 600 F est revenue, sûrement au moment opportun. Pour des motards aux aspirations et au moyens plus modestes, elle s’avère un outil idéal pour goûter aux joies du sport de façon modérée. Elle invite surtout à rouler plus grâce à ses aptitudes routières. Dotée d’un bon confort et très maniable, elle s’affranchira facilement des trajets quotidiens en préservant son pilote. A mi-chemin entre le roadster et la supersportive, la « F » trouvera sans doute sa place et sa clientèle. C’est tout ce qu’on souhaite à une moto aussi polyvalente!