Pour sûr, ce cruiser va faire tourner les têtes! Le chrome à l’excès, ce n’est pas du goût de la Thunderbird Storm 1700, jumelle diabolique de la T-Bird 1700. Vous n’aimez pas le noir? Dommage: il n’y a presque que ça sur la Storm et il lui sied particulièrement bien. Minimaliste, sensationnelle d’une extrémité à l’autre, l’Anglaise impressionne par ses dimensions et séduit par sa finition presque sans faute! Tout juste notera-t-on les câbles qui parasitent un peu la sobriété de l’avant. Mais bon, la chemise dans le pantalon, ça fait dandy ; et la Storm est plutôt du genre blouson noir! En bonne Anglaise, elle n’en oublie pas sa bonne éducation et vous laisse quand-même le choix: avec elle, c’est noir brillant ou mat. Sympa, la Storm!
Revêtu de noir lui aussi, le moteur en impose à lui tout seul. Ce massif twin vertical donne une forte identité visuelle à la Thunderbird Storm: on est plus habitué à voir des moteurs en V dans des cruisers… Avec ses 98 chevaux et ses 156Nm de couple, disponibles dès 2’950 tours/minute, il mérite bien une gueule pareille. Le reste de la moto est à l’avenant, même dans le détail. De hauts pontets noirs soutiennent un guidon large et peu cintré qui surmonte deux optiques de phare entourés de noir.
Le regard suit les deux sorties d’échappement qui se tendent vers l’arrière. Les yeux s’arrêtent tantôt sur les carters noirs mat, tantôt sur les amortisseurs chromés, aux ressorts noirs. Pas de doute, la bécane en jette. Mais son gabarit massif ne va-t-il pas être un handicap à la conduite?
Le décor: une petite route aux alentours de Saint-Cyr sur mer, en Provence. La petite troupe de journalistes européens sirote des cafés au milieu des pins avant de monter en selle pour défiler devant l’objectif de Jacky, notre photographe pour la journée. J’enfourche une première fois la T-Bird Storm à la fin de la séance photos. Impressionné par le gros réservoir, qui écarte les genoux, et la taille exagérée des poignées et leviers au bout du large guidon, je me demande si je ne vais pas me répandre minablement en relevant la machine de sa béquille. Non, heureusement! Le poids est conséquent mais l’assise basse permet d’utiliser correctement ses jambes pour maintenir l’engin debout. L’embrayage viril me donne déjà une idée de la force de ce moteur. Ça ne va pas rigoler au moment d’ouvrir en grand!
Dès les premiers mètres, me voilà aussi étonné que rassuré. Si elle n’est pas aussi maniable que les deux autres cruisers présentés lors de la même journée, la Storm vire d’un bloc: l’arrière ne semble pas traîner lors des changements d’angle et l’avant réagit bien aux pressions sur les cale-pieds. Au moment de faire demi-tour pour un nouveau passage, le poids se fait sentir mais la manoeuvre se fait sans souci. Surprenant! En regardant ce gros cruiser bien viril, je pensais clairement devoir batailler avec une vraie enclume dans les courbes serrées. Au temps pour moi, le châssis paraît jusqu’ici être une réussite!
En m’élançant du bord de la route à la suite de mes collègues, je tourne sec la poignée des gaz. Le poum-poum du twin gagne en vitesse et en volume, mes bras se tendent et, dans le même temps, la Storm me pousse vers le virage avec force. Woah! J’avais éprouvé le même genre de sensation sur la Vmax 1700: être à la fois tiré en avant par les bras et sentir mes fesses poussées en avant par la selle! Une sensation contraire, incohérente, terriblement plaisante! La philosophie cruiser, plus perceptible sur la Storm de par la position encore plus typée, prend tout son sens. On se laisse emmener par ces motos, bercé par cette opposition traction/poussée à chaque rotation du poignet droit. Les photos filées terminées, je conserve ma monture actuelle pour repartir sur les petites routes de la région.
Eric Pecoraro, directeur marketing de Triumph France et guide d’un jour, donne le rythme. L’allure est soutenue malgré l’étroitesse des routes et je m’inquiète en voyant s’approcher une épingle en dévers, une courbe dont j’ai horreur. En tirant fort le levier, je suis une nouvelle fois surpris! Si son épaisseur n’offre pas un feeling exceptionnel pour mes petits doigts, la puissance d’arrêt est bien là et ralentit efficacement les 339 kilos de la Thunderbird Storm. Allez! On balance l’engin d’une pression sur le cale-pied, en s’aidant un peu des genoux. Ledit cale-pied râcle le sol et la Storm vire impeccablement. J’accélère progressivement, en quatrième, et le moteur gronde en me tirant/poussant (eh oui, toujours) vers le prochain virage.
Quelques kilomètres plus loin, je ne peux que constater l’efficacité de la Storm dans les virages. Elle n’a rien d’une sportive ou d’un roadster mais son comportement est surprenant! Presque agile dans les virages, elle reste d’une stabilité très rassurante, qui permet de hausser le ton sans affoler les suspensions ou les freins. Oui, on attaque sérieusement avec cette Anglaise! Elle accepte d’être balancée sans ménagement d’un angle à l’autre ou de plonger rapidement dans une courbe rapide. A la sortie, quel que soit le rapport engagé, le twin extrait la moto du virage en grondant de plaisir. Il faut simplement surveiller la garde au sol pour ne pas se faire surprendre dans une boucle qui se resserre, par exemple.
On souhaiterait même la réhausser, cette garde au sol, tant la Storm s’avère plaisante à emmener! Si le caractère moteur, bien aidé par une sonorité très présente, pouvait laisser craindre de sacrées vibrations, il n’en est pourtant rien. La position bien étudiée et le confort de selle incitent à rallonger la balade. La Thunderbird n’est pas spécialement conçue pour le voyage, mais son confort permet d’envisager de grandes sorties à son guidon.
Avec sa Thunderbird Storm, Triumph donne une nouvelle dimension à son cruiser milieu de gamme. Pour séduire une clientèle normalement plus friande de cruisers made in America, la firme d’Hinckley a su radicaliser son modèle en conservant (voire en magnifiant) ses qualités dynamiques. Radicale mais extrêmement vivable, la Storm est une moto très bien née et se pose comme une concurrente très sérieuse sur un marché cruiser en pleine expansion. Il est vrai que question rock attitude, les Anglais n’ont rien à envier aux Américains…