
A l’arrêt, la XJR remonte déjà le temps. En 2007, Yamaha lui avait redonné un petit coup de jeune en redessinant l’arrière, sacrifiant une sortie d’échappement et mettant à jour ses coloris. Le résultat? Un look un rien plus sportif pour la partie arrière, ses splendides feux à LED et ses amortisseurs Öhlins bien mis en valeur. Et une face avant classique, avec un phare rond et une paire de compteurs chromés. Point d’optique acérée ni de bouts de plastique colorés, la XJR a un côté brut de fonderie plutôt plaisant. Il est temps de se mettre en selle et d’aller tailler la route sur ce (gros) morceau d’histoire!
C’est à ce moment que la philosophie du roadster Yam’ apparaît le plus clairement. En s’installant sur le canapé qui fait office de selle, sans trop lever la jambe, j’apprécie sa géométrie et son confort à l’ancienne. Avec ma force de hamster enrhumé, j’apprécie un peu moins de soulever les 222 kilos (à sec!) de l’engin, très présents à l’arrêt! Mes yeux se posent sur les deux aiguilles des compteurs et le petit guidon cintré. La vue est agréable et la finition du bloc compteur appréciable. Impatient de me mettre en route, j’actionne le démarreur et m’élance dans la circulation.
La sonorité typique du moteur refroidi par air met immédiatement dans l’ambiance. Le couple est gargantuesque, omniprésent, permettant de rouler tranquillement en ville tout en laissant monter la température. Si le moteur se montre souple, la poignée de gaz et l’embrayage sont d’un tout autre acabit. Il faut de la poigne pour conduire cette moto en ville! Le poids important et le centre de gravité plutôt bas ne facilitent pas les évolutions à basse vitesse, sans parler des manoeuvres. Circuler sur la XJR demande une attention de tous les instants. Inutile de penser à rattraper la bête si elle commence à tomber…
Toujours est-il que, grâce à son gros couple, la XJR se sort relativement bien de l’exercice citadin. Ses commandes et son gabarit exigent de la poigne, mais son moteur vous extrait sans problème de la circulation et enchante l’oreille par sa sonorité old school.
Pour juger du confort et des aptitudes dynamiques de la Yamaha, je décide d’emprunter la route suisse jusqu’à Lausanne, puis de rentrer en passant par les cols bien connus des motards romands. Installé dans le moelleux canapé faisant office de selle, je profite du paysage alors que le bitume défile sous les roues de la XJR, qui se promène à 80km/h sur le cinquième rapport. Les jambes presque protégées par le large moteur, il n’y a que le haut du buste et la tête qui sont gênés par le vent, et ce à des allures plus soutenues. Un saute-vent ne serait pas du luxe pour les baroudeurs, mais il cacherait les splendides compteurs chromés et gâcherait la ligne très eighties de la Yam’… Une soixantaine de kilomètres et un plat du jour plus tard, j’attaque les premiers virages qui me ramèneront au bout du lac.
Sur les routes secondaires, on enclenche la cinquième, en misant tout sur le couple. La XJR fait alors preuve d’un confort et d’un agrément de conduite exceptionnels. Ses suspensions filtrent très bien les défauts de la route et, sans même toucher aux freins, on enroule les virages en toute décontraction. On dépasse rarement les mi-régimes, tant le couple enchante dès le bas du compte-tours! Tu ouvres, ça pousse! C’est comme ça, le gros quatre-pattes! En veux-tu, en voilà.
Au fil des virages, les accélérations se font de plus en plus musclées et l’arrière pompe rapidement. En sollicitant davantage les suspensions, on touche vite aux limites du châssis. Le poids se fait sentir et la moto demande à être accompagnée franchement mais semble presque se désunir si on la brutalise. Un mode d’emploi à l’ancienne, qui déroutera les habitués des roadsters modernes, qui suivent quasiment le regard et virevoltent dans les petites courbes.
Au niveau du freinage, cependant, la Yamaha marque de gros points. Empruntés aux R1 de 2002-2003, les étriers avant à quatre pistons sont un vrai régal! La puissance d’arrêt est formidable et ralentit très efficacement la moto, malgré son poids élevé. L’étrier arrière se montre également convaincant, notamment pour freiner la moto en pleine courbe, au besoin. Pas de souci pour arrêter la bête donc! Finalement, je reviens vite à une allure plus tranquille, qui convient mieux à la Yam’ et aura pour mérite d’amoindrir la consommation, plutôt élevée en usage sportif.
On pourrait vraiment penser la XJR 1300 comme sortie des années 80. Construite autour d’un moteur utilisé depuis 1985 par Yamaha (sur les FJ 1100 puis 1200), lancée sur les routes depuis une quinzaine d’années, la XJR est simplement hors du temps. Sortie en 1995 dans un segment en pleine expansion, la 1300 est aujourd’hui en décalage avec une production ultra-technologique. Elle suit son chemin tout simplement, sur le couple et en remuant un peu de l’arrière…