« En gros, c’est une vraie japonaise ; gentille, performante mais plutôt timide », pourraient se vanter quelques soit-disant puristes ayant goûté au « vrai » sport. Comme nous le verrons plus loin, la CBR est pourtant loin d’être fade. Il suffit de la regarder pour comprendre. D’abord, le coloris Graphite Black est magnifique. Pas de débauche de couleurs, juste des jantes couleur or qui donnent une allure très classe à la CBR. De plus, Honda Suisse a copieusement puisé dans ses catalogues Honda Racing et Rizoma pour magnifier encore l’aspect sportif de la bête.
On appréciera les garde-boue avant et arrière et le passage de roue en carbone, les leviers Rizoma teintés or et la bulle fumée. D’autres jolies pièces font un peu trop tuning, comme les poignées Rizoma, trop larges, et le bouchon du carter d’huile, certes magnifique mais un peu gadget. Ajoutez à cela un support de plaque et des mini-clignotants Rizoma, histoire de passer cinq minutes de plus à détailler la machine avec les copains. Toutes ces options alourdissent bien sûr la facture, mais le résultat est plus que convaincant. Fine, élancée, ramassée sur l’avant sans paraître trop agressive, la CBR est envoûtante, désirable. Il est temps de céder à la tentation et de voir si la belle tient toutes ses promesses.
D’une pression sur le démarreur, le quatre-cylindres s’éveille discrètement. Ce sont vos voisins qui vont être contents: l’échappement d’origine de la Honda est du genre timide, même en mettant quelques coups de gaz. On sacrifierait volontiers quelques pièces Rizoma pour offrir une plus jolie voix à la CBR… Qu’importe, un peu de discrétion peut s’avérer utile sur ce genre de machine.
En se mettant en route, on se rend compte que le moteur n’est pas plus vivant que l’échappement, surtout à bas et mi-régimes. Point de salut sous 7’000 tours/minute: c’est mou. Le moteur bafouille et les accélérations sont désespérément molles. Alors qu’une GSX-R 1000 vous aurait déjà propulsé à des vitesses hautement répréhensibles, la CBR patauge.
Vous voulez du sport? Ça se passe un rapport en dessous! Une fois passé le cap des 7’000 tours, la Fireblade change de visage! Le moteur pousse de plus en plus fort à mesure que l’aiguille accélère vers la zone rouge, dans un feulement qui reste très discret. Qu’importe, il y a fort à faire pour gérer toute cette puissance qui déboule presque instantanément. C’est le mode d’emploi de ce moteur, une école de pilotage à lui seul. Seuls les hauts-régimes vous ouvriront les portes de l’écurie. Si un tel comportement est idéal sur piste, un soupçon de couple supplémentaire à plus bas-régimes serait agréable pour la route. Mais ne perdons pas trop de temps à méditer là-dessus, le premier virage arrive et il va falloir freiner fort…
En attrapant le levier de droite, c’est la grosse claque! La CBR plonge en avant et le monde entier semble s’arrêter. La moto ne remue pas d’un cil malgré la force du freinage et la courbe, qui semblait pourtant bien proche, n’est pas encore sous ses roues. Si la présence d’un ABS sur une sportive en fait encore douter certains, qu’ils essayent une 1000 RA!
L’efficacité de la CBR sur ce point est effarante. Même en retardant ses freinages jusqu’au panneau « trop tard », elle semble pouvoir faire toujours mieux. Magnifié par les excellents pneus Bridgestone BT-015R, son freinage est impossible à prendre en défaut sur route. Difficile de dire si l’ABS s’est déclenché sur les freinages les plus appuyés, aucun changement n’étant perceptible au niveau du feeling. L’avant semble se planter dans le sol pour tracer un sillon parfaitement rectiligne… Comme un katana qui trancherait en deux le samouraï adverse… Cette Fireblade, la lame de feu, semble mériter son nom.
Après une centaine de kilomètres, la magie de la CBR s’estompe quelque peu. Vous voilà habitué au système ABS, vous pensez avoir maîtrisé l’arme ultime. Les virages s’enchaînent sans forcer et on se demande qui peut encore vous suivre à ce rythme. C’est à ce moment qu’un de vos compères va vous déboîter en sortie de courbe, comme si de rien n’était. Vous ouvrez alors en grand et… rien ne se passe. Satané manque de couple!
Si la CBR se laisse facilement piloter, elle exige concentration et application pour se montrer pleinement efficace. Plus vous haussez le niveau de votre pilotage, plus la CBR se montre facile et sereine. Jamais dépassée par les évènements, elle ira toujours plus vite, sera toujours plus agile et, bien sûr, freinera toujours mieux. Ce sera à vous de rendre la main avant de dépasser vos limites. Sur route, une sportive est une arme à double tranchant. Le circuit s’imposera alors pour pousser plus loin encore vos capacités et celles de la Honda.
De prime abord, la CBR 1000 RA ne semble pas se distinguer de la « masse » des sportives japonaises. Au fil des kilomètres, sa philosophie s’impose et ses défauts s’effacent, devenant de simples paramètres à intégrer à votre pilotage. N’en déplaise aux amateurs de belles italiennes caractérielles, la CBR n’est pas fade. Elle vous poussera à toujours donner le meilleur de vous-même mais n’exigera jamais ce que vous ne pouvez pas lui offrir. En cela, la 1000 RA est peut-être l’aboutissement de la philosophie Honda: à la fois tout public et exclusive, exigeante mais toujours patiente, discrète mais… efficace.