
La Triumph Thruxton 900 fait bien partie de cette catégorie des Café Racers.
Le Thruxton montre un raffinement certain tout en laissant apparaître une touche de méchant garçon ; regardez ses deux imposants cylindres refroidi par air, ses deux flutes d'échappement et, surtout, cette boîte de vitesses démesurément grande, ses roues à rayons. Bien que le Thruxton soit encore plus authentique dans sa version monoplace, la version biplace est également très charmante. Le vent qui souffle sur ses ailettes de refroidissement, ce même vent qui, à grande vitesse, tire sur votre torse et vos épaules provient bien de la folle époque des sixties ; il n'y a plus de doute ! Le phare avant rond, les chromes, la partie cycle d'époque, son simple disque de frein avant, sa roue avant de 18 pouces, sa position de conduite digne d'une sportive, son amortissement presque inexistant, ...
N'imaginez pas vous la couler douce en le chevauchant ! Vos jambes repliées vers l'arrière, votre entrejambe collée au réservoir, votre buste en avant, votre regard à l'affût du prochain virage, un confort imaginaire, un châssis qui vibre de partout, ... Que d'émotions sur ce Thruxton !
Le moteur bicylindre à injection refroidi par air de 865 cc de la Thruxton est le plus puissant des moteurs bicylindres Triumph. Sa puissance maximum est de 70 CV à 7'400 tr/mn et son couple maximal de 70 Nm est atteint à 5'800 tr/mn. Le moteur partage le même calage d’allumage à 360° que la Bonneville, mais arbore également des profils d’arbre à came plus agressifs, un taux de compression de 9,2:1 et un échappement de style mégaphone.
La Thruxton est conforme à la norme Euro 3 sur les émissions de gaz à effet de serre. Le moteur à injection est meilleur pour l’environnement que la version carburateur. Il facilite le démarrage à froid et fonctionne avec la régularité d’une horloge. La Thruxton ne perd rien de son look de Café Racer, l’injection étant astucieusement camouflée par les corps de papillon dessinés pour ressembler à des carburateurs.
Le moteur est tenu par un châssis d’excellente facture qui inspire confiance. Son aspect rigoureux lui donne un véritable caractère sportif. La solide fourche télescopique 41 mm et le double amortisseur arrière sont ajustables en précontrainte et procurent une suspension agréable qui ne gêne en rien la géométrie précise de la direction. L’empattement de 1'490 mm et la roue avant jante alu de 18 pouces contribuent à une direction de qualité.
Un disque avant 320 mm entièrement flottant et un étrier de frein à deux pistons assurent une performance de freinage correcte pour une utilisation routière.
Comme relevé plus haut, la position de conduite est sport. Elle incite à l'arsouille, ne le cachons point !
L'échappement, au ralenti comme en pleine accélération, est très discret. Heureusement, Triumph a prévu, dans sa liste d'accessoires, un silencieux 2-2 de la marque Arrow qui reprend le design de l'original tout en flattant vos tympans. Cet échappement est proposé au prix de CHF 1'975.-.
Le moteur offre des reprises veloutées à chaque régime. Il fait preuve d'une linéarité tant agréable que redoutablement ennuyante. En effet, le moteur reprend sur tous les rapports, peu importe le régime, peu importe la vitesse, sans taper comme le ferait volontiers la plupart des bicylindres. En mode balade, on ne se soucie pas du rapport engagé, ça tracte sans souci. Par contre, en mode arsouille, lors de franches accélérations, dans les tours, le châssis vibre fortement, du bout de la poignée à l'extrémité de la selle passager, en passant par les cales-pieds. Tant cela est gênant (ou plutôt inconfortable) en duo, tant cela est grisant durant nos arsouilles d'égoïstes. Ce gros bicylindre vit et nous le communique ! Bien que linéaire, ce moteur m'a séduit de part son caractère authentique.
Le châssis est d'une rigidité digne d'une sportive d'époque. Certes, nous n'avons pas la rigueur d'une 675 Daytona mais nous avons tout de même suffisamment de précision pour inscrire la moto en entrée de virage. Une fois placé, le Thruxton est d'une stabilité remarquable - même à deux, avec le train arrière chargé.
Le freinage n'est, à mon goût, pas assez puissant. Le frein arrière est, heureusement, plus qu'un simple ralentisseur ; alors que le frein avant est trop mou. Sortant d'une Sprint ST, l'approche du premier virage avec le Thruxton fut quelque peu optimiste. Avec l'habitude, le freinage du Thruxton "devient" correct et acceptable. Finalement, la comparaison avec les machines modernes n'est pas à faire !
Le confort, ce n'est pas son point fort. Parlons de la selle qui, elle, m'a offert son moelleux et sa douceur durant plusieurs centaines de kilomètres ; j'avoue ne jamais avoir eu de douleurs aux fesses. Aurais-je une peau de pachyderme ? Si l'on parle de confort, on peut s'arrêter à la selle. Pour ce qui est du reste, mon corps tout entier a souffert : les poignets (surtout), le dos, la nuque, les fourmis dans les doigts, dans les orteils. Les épaules également, le Thruxton, dans sa version de base, ne présente aucune protection. L'autoroute est un calvaire, sauf pour mon SDS qui est agréablement protégé derrière moi.
Tant que nous y sommes, relatons les critiques du SDS. Ma moitié a apprécié cette moto pour son look de vieux arsouilleur. Ah ? C'est tout ? Oui, c'est tout ! La position très droite du passager donne des douleurs dorsales à chaque irrégularité supplémentaire de la route, sur le modèle de base l'absence de vrais poignées (CHF 315.- en option), des cales-pieds qui vibre à la moindre accélération, ... Bref, le retour de la Sprint ST était très attendu. J'en conclus que le Thruxton est une moto de solitaire. (Ceci dit, un membre d'un forum a confié avoir fait un tour de Corse en duo, avec bagages. Bon, les motards ne sont pas des gens normaux, faut l'avouer une bonne fois pour toutes !)
Le Thruxton se faufile partout. Son rayon de braquage n'est pas exemplaire, certes, mais au culot, ça passe quand même. Le bicylindre ne donne aucun à-coup à bas régime. La boîte de vitesses est douce. La visibilité est correcte et les rétroviseurs sont parfaitement placés (bien que leur réglage ne soit pas tâche facile). Je ne m'étalerai point sur ce sujet urbain, ce n'est pas le terrain de prédilection du Thruxton.
En duo ou seul, le Thruxton est docile. A bas régime, pas d'à-coups ni de vibrations, les rapports passent sans choc (le frein moteur nécessite un peu d'habitude pour ne pas secouer le passager à chaque passage de rapport). Le moteur est d'une souplesse quasi exemplaire ; à tous les régimes, le moteur reprend sans broncher. C'est agréable, parfois, de ne pas devoir changer de rapport tous les 100 mètres.
Par contre, les balades ne seront que de courte durée. En effet, les poignets, le dos et la nuque (même entrainés et habitués) se feront sentir déjà après quelques dizaines de kilomètres.
Finalement, c'est en mode arsouille et seul que j'ai pris mon pied avec ce Thruxton. Le Thruxton se bat tel un taureau blessé jusqu'à 140 km/h (au-delà, il lutte jusqu'au dernier souffle annoncé à 190 km/h). La position du pilote est plongée vers l'avant, la bouche ouverte prête à croquer le bitume (une image de Joe Bar Team me traverse l'esprit). Le frein moteur pallie au manque de puissance du freinage, les approches de virage sont musclées mais brutes ; on relâche les gaz et on saute sur les freins. Pas besoin de doser, les freins du Thruxton, c'est ON ou OFF ! La moto s'inscrit dans le virage et penche sans broncher. La relance, grâce au couple du bicylindre, est vigoureuse. Les rapports s'enchaînent avec une douceur presque étonnante. A mon arrivée au col, après X virages ensorcelants sur cette moto de vieux fou, j'ai le sourire aux lèvres. Un motard, avouons-le, c'est simple d'esprit ; s'il est content et que la moto lui a plu, son sourire est franc !
Le Thruxton est une moto à apprivoiser. Cela ne se fait pas d'office ! Il y a nécessité de le connaître et de le comprendre. C'est à nous, motards modernes, de s'adapter à son tempérament ! Bien qu'avec le temps, son caractère se soit policé, il reste un roadster avec du caractère à mettre entre les mains de motards avertis.
Comme première moto et/ou unique moto, je dis non. Par contre, pour jouer occasionnellement le rôle du motard fou furieux, je signe de suite ! J'aime bien l'image que rend cette moto : naïve de loin, authentique en selle !