ESSAI
Dès ses débuts, la MT-09 s’est révélée être une machine comme je les aime : elle avait beau être bourrée de défauts, elle possédait un caractère qui la rendait diablement attachante. Cela venait de sa mécanique tout d’abord, un 3-cylindres pétillant capable d’ensoleiller les trajets du quotidien.
Et puis il y avait sa position de conduite. Quelque chose d’irrationnel, à mi-chemin entre roadster et supermotard, avec un buste très droit, un guidon placé en arrière et une tendance naturelle à pointer la roue avant vers le ciel. Côté défauts sur les premières versions, la MT-09 se signalait par des suspensions indignes, une injection électronique (et les balbutiements du ride-by-wire) manquant cruellement de précision et un comportement assez aléatoire.
Au fil de ses évolutions, Yamaha s’est attaché à corriger les points négatifs, tout en conservant le tempérament qui a fait son succès. Avec bonheur ? On va voir ça tout de suite.
Ça commence fort
Nous nous trouvons à Lanzarote, une petite île ensoleillée des Canaries, située au large des côtes marocaines. Il fait beau, le mercure dépasse allègrement les 17° en ce début de matinée et, avant même la sortie de l’hôtel, les MT-09 de notre petit groupe de journalistes se retrouvent dans une position aussi jouissive que peu académique, pointant la roue avant en direction du ciel.
Nous avons donc notre première réponse : non, malgré les évolutions internes qui ont été nécessaires pour respecter la future norme Euro5+, le 3-pattes n’a rien perdu de son caractère. Il affiche d’ailleurs la même puissance (119 ch) et le même couple (93 Nm) que son prédécesseur.
Dès le parking de l’hôtel la nouvelle MT fût d’ailleurs une bonne surprise. Elle parait mieux finie, plus habillée, que les modèles précédents. Esthétiquement également, elle semble être parvenue à une certaine forme de maturité. Sur les premières versions, on avait l’impression qu’il manquait des pièces, que l’on avait laissé des trous qui ont finalement été comblés par les carénages et les accessoires de la Tracer 9. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Seconde bonne surprise, la position de conduite est devenue plus naturelle, avec un guidon abaissé de 3 centimètres et des repose-pieds reculés de la même distance et légèrement réhaussés.
Enfin, pour clore le chapitre « découverte », la dalle numérique qui fait office de tableau de bord se révèle lisible, très complète et assez intuitive à utiliser grâce à un pavé situé au commodo gauche, bien plus facile à manipuler que les flèches directionnelles du précédent modèle. Signalons également une connectivité accrue, avec l’utilisation de l’app maison MyRide et la possibilité d’afficher une carte GPS et de contrôler son smartphone depuis le guidon.


Après avoir consciencieusement déconnecté toutes les assistances sous le regard consterné des Japonais, j’appuie sur le démarreur et le moulin s’ébroue dans un feulement aussi discret qu’inimitable. Ce 3-cylindres sonne vraiment bien, il est à la fois rageur et rond, parvenant à distiller un sentiment de plénitude et d’agressivité tout à la fois. Les montées en régimes sont ultra-rapides et la mécanique répond présente dès 2 500 tr/min, ce qui lui offre une plage d’utilisation assez énorme.
De plus, le travail effectué sur la boîte de vitesses et le shifter de troisième génération semble avoir porté ses fruits. Jamais réputé pour la qualité de ses transmissions, la marque aux diapasons fait ici un sans-faute. Les changements de rapports sont doux, précis et rapides, avec ou sans shifter, quel que soit le rythme adopté ou le rapport choisi.
Côté cartographie, le mode 1 est trop agressif à mon goût, assénant un à-coup à chaque reprise des gaz, les 3 et 4 sont très (trop) apaisés et finalement la 2 procure à la fois feeling et sensations, c’est donc avec lui que je vais passer la journée. Concernant les assistances, malgré un bitume parfois dégradé ou poussiéreux, je m’en passerai sans jamais noter aucune alerte. Merci aux excellents Bridgestone S23 équipant la Yamaha.
« le moulin permet de sortir des épingles aussi bien sur une roue qu’en sous-régime »
Résolument fun
Le comportement dynamique bénéficie de la nouvelle position de conduite qui, en chargeant le train avant, procure un bien meilleur ressenti de ce qui se passe. L’agilité de la bécane est redoutable, on passe d’un angle à l’autre avec un naturel désarmant, alors que le moulin permet de sortir des épingles aussi bien sur une roue qu’en sous-régime en quatrième, sans jamais se plaindre.
Le freinage, avec un nouveau maître-cylindre et des réglages d’écartement très précis, est parfaitement adapté aux performances, alors que le train avant plonge à la corde avec une précision et une efficacité bluffante.
Ça se gâte en augmentant le rythme, avec des suspensions pas totalement au niveau des performances, surtout en ce qui concerne l’amortisseur. Souple, ce dernier s’écrase trop à l’accélération et n’est pas assez retenu en détente. On limite les mouvements en touchant aux réglages mais, pour aller plus loin ou s’aventurer sur la piste, mieux vaudra attendre la sortie de la version SP et ses éléments premium.
Malgré tout, le confort est au rendez-vous, les éléments permettant de filtrer correctement les irrégularités du bitume ou les ralentisseurs rencontrés. On est sur ce que les fabricants de matelas ou les constructeurs de véhicules allemands appellent du « confort ferme », mais confort quand même. La selle préserve d’ailleurs mieux votre séant que sur le modèle précédent, avec une forme bien étudiée.
À condition de ne pas s’accrocher désespérément au guidon – ce qui n’est pas évident à haute vitesse, où l’on est vraiment très exposé – la stabilité ne m’a posé aucun problème, même en reposant des wheelings à plus de 180 km/h.
Mode éco pour le pneu avant
La MT-09 mérite d’ailleurs une parenthèse dédiée à cet exercice tant elle semble destinée à s’y adonner. La mécanique, à la fois pleine de couple et d’allonge, bien secondée par une poignée électronique précise (en mode 2, rappelons-le), ajoutée à un ensemble qui reste léger et une position idéale (merci le retour de selle passager qui vient caler le bassin du pilote, une fois à la verticale), forment un tout qui incite à passer son temps sur une roue. À noter la possibilité de couper l’anti-wheeling tout en conservant le contrôle de traction, signe d’une électronique de haut niveau.
Malgré tout, certains confrères ont connu quelques mouvements du train avant à très haute vitesse au passage de bosses. Avec une proue qui reste légère, la MT-09 n’aime pas que l’on s’accroche à son guidon sous peine de devenir parfois un peu nerveuse. Ce qui confirme un amortisseur un peu souple qui écrase trop la poupe sous forte charge.
Le bilan plaide malgré tout largement en faveur de cette Yamaha. La MT-09, née il y a 10 ans, semble avoir atteint sa pleine maturité. Esthétiquement réussie (faut aimer le look « Predator », mais perso j’adore), elle apporte une impression de qualité perçue dont ne bénéficiaient pas ses devancières. Son tableau de bord (qui offre le choix entre quatre design différents) est ultra complet, son électronique de haut niveau a de quoi faire rougir nombre de ses concurrentes, surtout dans cette gamme prix, alors que sa mécanique reste un « must have » pour tout motard qui se respecte.
Les efforts apportés à la position de conduite vont dans le bon sens. Le réservoir préserve sa contenance de 14l, ce qui, lors d’un essai mené tambour battant, avec une conso moyenne de 5,5l, lui offre au moins 250 km d’autonomie, alors que sa forme très bien étudiée préserve une finesse bienvenue au niveau des genoux.
En l’état, la MT-09 propose un rapport prix/plaisir/efficacité assez unique sur le marché. Une Triumph Street Triple R ne sera pas beaucoup plus rigoureuse sans posséder autant de fun (avec la RS, plus chère, ce serait une autre histoire), une Z900 sera plus sage, une Duke 790 moins bien équipée et les autres seront soit plus chères (Duke 990), soit moins performantes. D’ailleurs, il suffisait de voir le large sourire affiché par tous les essayeurs en fin de journée pour se convaincre du potentiel de cette Yamaha. Elle n’est toujours pas la plus rigoureuse (la version SP devrait corriger ses rares lacunes), sur piste elle ne sera pas aussi efficace qu’une Triumph ou une KTM, mais en ce qui concerne sa capacité à donner du plaisir pour une somme raisonnable, elle figure sur la plus haute marche du podium.
Affichée CHF 11’290.-, elle existe également en version 95 ch. au lieu de 119 pour la brider à 35kW. L’offre de couleur est un trio composé du Midnight Cyan avec jantes turquoises, le Icon Blue et ses jantes bleues et enfin le Tech Black, tout simplement noir.
Vous pouvez la configurer avec les accessoires de votre choix sur l’App MyGarage ou sur le site officiel Yamaha. Les commandes peuvent déjà être passées chez les revendeurs Yamaha et les livraisons débuterons fin mars 2024 à moins que vous attendiez la version SP (fin mai 2024) …