Photos de Sophia Burke, Gareth Harford & team
Publié le: 16 mars 2023 par Phoukham Phothirath
Triumph Street Triple 765 RS 2023 – Télépathique

Nous avons essayé la nouvelle Triumph Street Triple 765 RS en Andalousie, sur route et sur le magnifique circuit de Jerez. Après 200 km dans l’arrière-pays, après 3 sessions à Jerez, la moto a livré une partie de ses secrets et le verdict est à lire ci-dessous!

ESSAI

Préambule

Autant le dire de suite : avant même de commencer, cet essai est spécial et revêt une saveur toute particulière pour votre serviteur. En effet c’est avec l’essai de la Street Triple 765 RS 2020, que j’ai rejoint l’équipe d’AcidMoto. C’était en octobre 2019, c’était pour le modèle 2020 et cela se passait dans les environs (et sur le circuit) de Cartagena, Espagne.

Je me pose également en connaisseur de cette lignée de Street Triple, ayant passé le permis avec une version de 2015 R et parcouru ensuite plus de 35’000 kilomètres à son guidon (Route des Grandes Alpes mais aussi les circuits de Dijon et l’Anneau du Rhin…), sans compter une année pleine sur les routes et les circuits avec une RS de 2020…

Pourquoi changer ?

Avant de m’envoler pour l’Andalousie, une question m’habite et me turlupine : mais pourquoi donc changer une moto en soi déjà très aboutie, puisque le modèle 2020 bénéficie des développements continus depuis le premier opus apparu en 2007 et reste encore à ce jour un des meilleurs roadsters mid size du marché ? Le design n’est pas (trop) daté, sans parler des qualités dynamiques qui restent (toujours) d’actualité… Seulement, seulement voilà : la concurrence n’a pas chômé non plus entre-temps, loin de là ! Avec les années elle devient même toujours plus acharnée et toujours plus nombreuse à vouloir se partager les parts des ventes. Ainsi, pour 2023, on retrouve dans ce créneau des roadsters mid size premium/sportifs les Ducati avec son Monster SP (111cv, 16’290CHF), KTM avec sa 890 Duke R (121cv, 13’490CHF) et Yamaha avec la MT-09 SP (119cv, 12’999CHF). La firme d’Hinckley se doit donc de réagir avec vigueur si elle veut (tours et encore) rester dans la bataille et garder ses distances avec ses rivales. Et c’est ce qu’elle a fait : la nouvelle Street Triple 765 RS se positionne stratégiquement dès les premiers chiffres (130cv, 13’795CHF).

Ce qui a changé pour 2023

Comme on le verra, au-delà des chiffres bruts, il y a pléthore de modifications et d’optimisations pour 2023 (voir notre news). Triumph a ainsi puisé (abondamment) dans son savoir-faire de motoriste en Moto2 et nous présente non pas une mais deux versions de la Street Triple 765 : on a la R, à la définition plus routière, et la RS, sa déclination plus sportive. Il existe aussi une version encore plus exclusive, plus ultime, nommée…« Moto2 », dont les 2 x 765 exemplaires (765 dans chacun des deux coloris) sont d’ores et déjà tous vendus . Et, en Andalousie, on testera les Street Triple 765 R et RS. Pour cette dernière (nous reviendrons sur la version R dans un autre essai), voici en gros ce qui a changé pour son itération 2023 : une puissance en hausse (+ 7cv, pour culminer désormais à 130), tout comme le couple qui pointe à 80Nm (+1), des rapports de transmission modifiés (avec une première plus longue et les autres vitesses raccourcies), travail sur l’échappement/le remplissage/la combustion, position/géométrie/ergonomie modifiées (cintre plus large de 12mm avec un galbe différent, position plus basculée sur l’avant, selle plus haute de 11mm), valeurs de géométrie et esthétique modifiées, sans oublier un réservoir à la contenance et à la forme retravaillées (-2.4 litres, un réservoir avec des flancs du plus creusés tout en restant fin dans sa partie postérieure). Côté électronique, il y a 5 toujours modes: Road, Sport, Track et Rider, plus le mode Rain qui ne met « que » 100cv à disposition.

Enfin, pour personnaliser la RS, il n’y a pas moins de 50 accessoires qui seront disponibles – ça va des protections moteur/partie-cycle aux bagages, en passant par des accessoires de confort (poignées chauffantes, tête de fourche, etc).

L'un des nombreux accessoires, protection d'axe de fourche.
Tête de fourche couleur carrosserie.
Poignées chauffantes parfaitement intégrées.
Patin de protection haut-moteur.
Protection moteur.
Protège-carter d'embrayage.

On notera par ailleurs le retour aux côtés du sobre Silver Ice des coloris flamboyants (en option) comme ce Carnival Red ou ce Cosmic Yellow. Au final, les modifications apportées ne sont pas toutes forcément visibles : le changement se fait dans la continuité et la silhouette reste reconnaissable et familière. La finition de tout ça et le soin du détail restent, quant à eux, de très très haut niveau.

À l’heure où nous écrivons, les Street Triple 765 R et RS sont d’ores et déjà disponibles chez vos concessionnaires pour des essais – vous pouvez aussi visiter le site de Triumph Suisse.

Questions existentielles

Les modifications apportées seront-elles suffisantes pour maintenir la concurrence à distance ? Feront-elles dresser les cheveux sur le caillou (pour les personnes qui en ont encore…) et les poils sur les avant-bras ? Et sauront-elles faire naître ce frisson exquis qui coule le long de l’échine lorsqu’on s’extrait d’un virage et que la cavalerie débarque ?

Pas de réponse pour le moment, et nous profitons des derniers moments de calme, avant l’essai routier du lendemain et celui du surlendemain sur le circuit de Jerez (situé juste à 300m de nous à vol d’oiseau, en étant large).

Sur les routes de l’Andalousie

Le briefing de cette essai routier se déroule dans l’immense paddock du circuit : on insiste sur les affres et les dangers de la fraîcheur matinale, et sur la route à l’enrobé variable, et le fait de bien avoir nos papiers (permis de conduire et pièce d’identité) sur nous, haha. Le décor est planté. Ça promet. Après la photo avec casque et équipement d’usage, et à l’usage des photographes et vidéastes, je récupère la version R pour le matin. On échangera les montures après la pause de midi. Mais comme les shootings photos et vidéos se feront avec les deux motos, ça donnera déjà des idées sur ce que donnent en dynamique les évolutions apportées sur la RS…

En statique donc on remarque un réservoir plus fin dans sa partie postérieure, aux flancs bien creusés et dans lesquelles nos cuisses viennent bien se caler pour un appui supplémentaire dans les virages. Et des poignées chauffantes, une option que l’on recommande chaudement (!) par ce matin frisquet, de même que la petite tête de fourche qui serait la bienvenue ici. Car ça pique un peu quand la petite troupe quitte l’enceinte du circuit. Nous naviguons à travers l’arrière-pays andalou, on se familiarise avec les routes, celles avec une belle visibilité, celles qui se referment soudainement, celles qui sont carrément défoncées, pouvant vous secouer jusqu’aux racines des cheveux. Entre autres.

Pause de midi. Un peu de vent encore mais l’air s’est réchauffé. Il fait une ambiance exquise de printemps en Andalousie. Je récupère la RS après le déjeuner. Et reconnais immédiatement mon ancienne RS de 2020 mais avec des différences déjà perceptibles : le tableau de bord a un peu changé, la position est un poil plus haute des fesses mais je touche néanmoins les pieds par terre (je toise du 1.73m), le galbe et la longueur du cintre ont changé aussi, donnant une position plus naturelle et plus de contrôle, il me semble. Les suspensions n’ont pas changé, mais les freins oui. Les premiers freinages mettent en avant puissance, feeling et progressivité. Comme un rabot dans un bloc de bois – Merci les Brembo Stylema! Le réglage possible au niveau du maître-cylindre permet de moduler ces paramètres.

Nous quittons le restaurant et naviguons dans le centre-ville, pile-poil au moment de la reprise de écoliers. Tout semble fluide, les évolutions urbaines se font sans à-coups, le freinage est dosable – tout parait facile, évident à son guidon. Notre parcours de test nous fait ensuite traverser des paysages de cartes postales ou de fonds d’écran Windows, là il y a plus de flux, ça enroule, ça roule fort. À une différence près : la route peut être délicate voire carrément défoncée avec ses affaissements, ses limaces, sa poudre blanche… de craie sur des hectomètres. Ça roule fort devant, ça déroule, le paysage défile, ça envoie. Je suis… Je passe la 5, puis la 6. « Et là, clairement, je suis en prison » … Depuis belle lurette même. Il me faudrait une bulle à la place de cette tête de fourche embryonnaire.

Le rythme augmentant, la RS ne se désunit pas, campe superbement sur ses appuis dans les virages, et la légèreté et l’agilité dont elle fait preuve permet de corriger facilement les trajectoires lorsque la courbe, fourbe, se referme sans crier gare. Elle en redemande même, on dirait. Et un seul regard suffit, un appui plus prononcé sur le repose-pied intérieur, un léger basculement du corps permet de resserrer le virage. En règle générale, ça se passe en 3ème ou 4ème. Le shifter est onctueux, juste parfait, tant en montée qu’en descente. Pas de passage « rèche », on égrène les vitesses comme dans du beurre, permettant ainsi un passage des rapports rapide et précis.

Dans ces configurations Road ou Sport, le frein moteur est suffisamment présent pour ralentir l’équipage avec douceur. Le constat est clair dans cette chevauchée sur la route, la nouvelle RS est alerte, elle est mieux remplie à mi régimes. Et pousse un poil plus fort et plus longtemps en haut. Elle grimpe vite dans les tours, sans inertie, dans une poussée qui semble sans fin. Ce qui permet de s’extraire des virages avec plus de vigueur, aidé en cela par des Pirelli Supercorsa SP V3, bien difficiles à mettre en défaut une fois en température.

Quant à la partie-cycle, elle est précise, stable et agile. Les suspensions absorbent bien les irrégularités de la route, et elles sont nombreuses. Un exemple : lors du dernier shooting photo, il y a un trou, une cassure à la sortie du dernier virage, avant une ligne droite – une compression qui aurait pu être piégeuse mais qui a été bien absorbée par le combo Showa devant et Öhlins derrière. Les suspensions sont donc bien accordées, participant ainsi à la sensation de faire corps avec la moto, de confiance absolue.

Un seul regret dans cet essai routier en Andalousie au guidon des Street Triple 765 R et RS : on a bien vu les prairies. Mais elles n’étaient pas bordées de cactus…

Cadeau bonus (1)

Mercredi, fin d’après-midi, nous finissons notre essai sur route et rentrons au circuit. Je suis cuit, lessivé. Mais là, j’entends des éclats de rires, je me téléporte à la hauteur du box Triumph et ça se chambre gentiment, ça se toise poliment (on reste entre gens de bonne compagnie, hein ?), je vois qu’on amène une RS rouge. Stéphane Lacaze, de Moto et Motards, prend le guidon et fait un premier passage sur les repose-pieds devant le parterre de photographes. Ça déclenche, ça crépite. Il repasse roue avant au ciel, encore et encore. Puis c’est le tour le Bertrand Gold, de Moto Revue, de passer en wheeling. Et pour tourner dans le rectiligne des stands, met la moto en glisse avant de faire demi-tour et de recommencer, encore et encore. Jubilatoire!

Et sur un circuit de MotoGP ?

Et pas n’importe lequel puisque c’est celui de Jerez. Oui, oui. Celui-là même où il y a eu tant de passes d’armes et de faits de course. Et en vrai, il est monstrueux. Pas de montagnes rusees, comme un Portimao, mais c’est ultra technique, varié et avec un grip de malade. Et là, on est partis pour trois sessions de 20 minutes, dont deux après le déjeuner. Et ce matin, le temps de faire les trackings (photos et vidéos en piste, derrière un véhicule), nous voilà déjà sur le coup des 11h. L’air est délicieusement plus doux et il est temps d’ôter les couvertures chauffantes, et l’on part directement en mode Track (peu de contrôle de traction et d’ABS). On roule deux tours derrière Felipe Lopez (un des metteurs au point de la bête) qui nous sert de guide puis on est lâchés sur le tracé. Je suis avec la vague des journalistes du BeNeLux.

Le circuit est magnifique, avec moult enchaînements rapides qui mettent en valeur la stabilité du châssis de la Street, qui ne bouge pas une fois sur l’angle. Pas plus qu’elle gigote lors de freinages appuyés. Elle reste cependant super agile en cas de besoin de corriger une ligne trop lâche ou de besoin de resserrer un chouïa la trajectoire. Elle reste un rail également dans les deux bouts de lignes droites abordées en fond de 5.

Trois constats : 1. c’est mieux rempli que l’ancienne RS dans le haut du compte-tours (en gros à partir de 7’500 tours/min), 2. ça freine mieux et 3. les suspensions sont un poil souples pour moi, notamment lors des gros freinages et des grosses accélérations. En effet, avec, sur son dos, un bonhomme qui accroche le quintal tout équipé (oui, je sais, la combi Dainese et son cuir bovin argentin est épaisse et costaude…), les suspensions ont du pain sur la planche et encaissent des belles mises en contrainte (en gros elles prennent cher). J’ai juste ressenti que la fourche plongeait assez vite lors de gros freinage, et que l’arrière se tassait un poil vite lors de la session du matin (warf, la bonne excuse pour ne pas dire qu’on se traîne…). J’en parle avec Felipe, qui se saisit d’une clé de réglage, s’occupe de la fourche puis s’affaire ensuite autour de l’amortisseur. Quelques clics plus tard, la moto est transformée lors de la session suivante. Freinage parfait, la moto garde désormais plus son assiette et ne plonge pas trop du nez ni ne se tasse pas sur l’arrière de façon excessive à l’accélération. Les éléments de suspension sont sensibles aux réglages, ce qui est un gage de qualité.

D’autres points participent à cette expérience exceptionnelle sur le circuit de Jerez : un shifter rapide et précis, tant en montée qu’en descente, un freinage parfait (il n’est plus couplé en mode Track), un moteur bien rempli, avec du caractère sans être caractériel et assez linéaire dans sa manière de délivrer puissance et couple, des suspensions bien accordées. Avec une électronique moins intrusive, il se dégage ainsi une impression de fluidité, de grip, de précision, et de contrôle.

Cadeau bonus (2)

Surprise, deux box plus loin, une moto fait ses vocalises. Peter « Hicky » Hickman est là: l’homme est 9 fois vanqueur au Tourist Trophy, capable de gagner en British Superbike et de faire un Top15 en Superbike mondial… Hicky, donc, est en train de chauffer sa moto, pour finir de mettre au point sa Daytona de course. Et ça ronronne comme ça une Daytona, qui fait fi des Euro5 et autres normes castratrices. Ça feule, même, lorsqu’il quitte la pitlane et s’engage dans cette droite en montée, nous gratifiant au passage d’un wheeling d’école. Oulala, ce grondement qui remue les tripes : ça ressemble donc à ça, un moteur qui respire fort! Pendant ma session d’après manger, Hicky me dépasse sur sa Daytona, avec 200mph de mieux, au bas mot. Je suis aux premières loges, et le vois disparaître, plongeant dans ce gauche serré qui déboule sur la ligne droite des stands. En deux virages, il m’a mis un demi-circuit. Un autre monde, assurément.

Poignée dans le coin et réflexions philosophiques

Dans le cadre actuel de son développement, la Street Triple 765 RS a désormais atteint un stade rare que beaucoup de motos lui envient. Et cela qui nous interpelle, cela nous interroge. Il n’y a pas de défauts, ou quasiment pas : à peine une béquille latérale sans ergot qui est un poil difficile à trouver lorsqu’on est botté… Ou encore un tableau de bord encore assez chargé et prône aux reflets.

La perfection serait-elle ennuyeuse ? La Street Triple 765 RS 2023 n’est-elle pas devenue qu’une icône élitiste de perfection et à la beauté glacée ? Elle est devenue quasi-télépathique dans sa manière d’interagir avec son pilote, tant sur la route que sur la piste. C’est dans ce dernier environnement que la mouture 2023 de la Street Triple 765 RS se révèle le plus. Tout y est évident, transparent, rigoureux. On dirait vraiment une Daytona avec des guidons hauts, et pour tous les jours. Mais chuuuut, j’ai encore des papillons dans le ventre, la chair de poule qui me hérissent les bras et les cheveux dressés sur la tête.

GALERIE

BILAN

ON A AIMÉ :

Moteur vif, puissant et rempli

Freinage parfait

Partie-cycle et suspension

ON A MOINS AIMÉ :

Béquille latérale pas facile à trouver avec des bottes

Écran TFT du tableau de bord sensible aux reflets

Une StreeTona pliiiize

FICHE TECHNIQUE

Dimensions
Longueur
2'052 mm.
Largeur
792 mm.
Hauteur de selle
836 mm.
Poids en ordre de marche
188 kg.
Capacité du réservoir
15 litres
Électronique
Aide au pilotage
Mode moteur, mode de conduite, contrôle de traction
Freinage
ABS
ABS sur l'angle
Frein avant
Double disque ø310mm avec étriers Brembo Stylema 4 pistons, maître-cylindre Brembo MCS
Frein arrière
Simple disque ø220 mm, étrier Brembo 1 piston
Moteur
Type
Tricylindre en ligne, 12 soupapes, DOHC
Cylindrée
765 cm3
Refroidissement
liquide
Alimentation
Injection multi-point séquentielle électronique, ride-by-wire
Partie cycle
Châssis
Double poutre en aluminium avec boucle arrière moulée sous pression
Suspension avant
Fourche inversée Showa BPF entièrement réglable
Course av.
115 mm.
Suspension arrière
Monoamortisseur Öhlins STX40 entièrement réglable
Course ar.
131.2 mm.
Pneu avant
120/70 ZR 17
Pneu arrière
180/55 ZR 17
Performances
Puissance
130 ch.
Régime puissance max
12'000 tr/min.
Couple Max
80 Nm.
Régime couple max
9'500 tr/min.
Transmission
Boîte
6 vitesses
Shifter
Triumph Shift Assist bidirectionnel
Embrayage
Multidisque à bain d'huile, commande mécanique, slip & assist
Finale
par chaîne
Véhicule
Marque
Triumph
Modèle
Street Triple 765 RS
Année
2023
Catégorie
Roadster
Couleur
Silver ice, Carnival red, cosmic yellow
Lien site officiel
un triangle aux trois côtés égaux
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