ESSAI
Sur le marché du roadster, deux clans se sont constitués. Ceux qui ajoutent des pelles de chevaux à leur hypernaked et ceux qui veulent que les roadsters soient des motos exaltantes, séduisante, mais surtout à un certain point abordables. Le moteur de la Z900 2025 reste le 4 cylindres en ligne de 948 cm3 qui affiche 124 chevaux. Un de moins qu’en 2016, quand ce bloc est sorti la première fois. Kawasaki connaît surtout l’importance du bridage pour un naked mid-size. En plus de la Z650 bicylindre, on peut prendre cette Z900 en version 70 kW pour la brider à 35 kW pour environ 2 ans.
Quand il s’agit de concevoir une Z, Kawasaki s’inspire une nouvelle fois du Sugomi, comme depuis 2003 avec la Z1000. Il guide la direction stylistique que prend le modèle. Le feu arrière avec le Z qui apparaît cède sa place à une pièce plus élaborée, le contour est plus dessiné et utilise une technologie pour illuminer ses limites. Les feux avant changent également de forme pour cet air défiant, intégralement à LED et composé de trois emplacements.
La Z900 reste fidèle au réservoir en métal. Avec sa capacité de 17 litres, il représente un certain volume devant le pilote. Ce qui lui assure aussi une certaine prestance, avec sa forme caractéristique.
Le profil du roadster change bien, avec l’adoption de caches latéraux en aluminium emboutis du fameux Z en deux chevrons. Le châssis tubulaire en acier qui se montre volontiers existe en noir, mais également en rouge ou vert pailleté. La boucle arrière soudée n’y déroge pas, les deux parties sont thermolaquées après leur assemblage. Sauf sur la version noir, les stickers décoratifs sont nombreux et posé sans vernis (sauf sur le réservoir), la qualité perçue est moins flatteuse. Le silencieux installé à droite en position inférieure fait visuellement assez chargé : anguleux, avec de nombreuses faces et diverses couleurs et matériaux. Les fabricants tiers se feront un plaisir d’y mettre quelque chose de plus intégré et conventionnel.
L’intégralité des aides au pilotage dont Kawasaki dispose sont au rendez-vous, bien que ce soit un roadster qui cherche la performance et l’efficacité. L’ABS et le contrôle de motricité sensible à l’angle d’inclinaison de la moto y contribue, idem pour le shifter bidirectionnel qui est installé d’office sur tous les modèles. Toutefois, la présence du régulateur de vitesse va l’aider à devenir l’alliée d’un trajet quotidien à vitesse stabilisée. Un système qui reste bienvenu même lorsque le reste respire la performance.
La fourche de cette Z est réglable en précharge et rebond et ne vous fiez pas à la couleur dorée de la SE, c’est une Showa entièrement réglable. L’amortisseur est ajustable en précharge et en rebond, là où la SE a un Öhlins S46 en plus réglable en compression. Les disques avant sont de ø 300 mm et ø 250 mm à l’arrière, pincés par du matériel Nissin. Malheureusement un maître cylindre-axial et non radial. Il est réservé à la SE, avec des durites avia et des étriers Brembo M4.32.
Avant de prendre la route, on peut facilement régler son mode de conduite personnalisée avec le nouveau bloc de boutons placés à gauche. Les possibilités sont limitées, puissance normale ou réduite de 25% et contrôle de traction KTRC de OFF jusqu’au niveau 3. Une pression sur Select et on règle la puissance, deuxième pression, on change le KTRC, troisième pression, on sort du réglage. Ceci n’est possible qu’à l’arrêt complet. Sur l’écran TFT, on a le choix d’afficher les informations de deux façons distinctes : soit un compte-tours en barres sur la largeur de l’écran, soit une disposition plus moderne avec un niveau comme celui d’un avion au centre qui suit la prise d’angle. C’est rigolo et la moto affiche aussi la prise d’angles la plus importante de chaque côté. Déjà vu ailleurs, mais efficace pour animer une discussion de comptoir.
Une fois assis sur la moto, j’observe qu’elle est relativement étroite entre les jambes, compte tenu de son moteur 4 cylindres en ligne qui occupe forcément plus de place qu’un bi. C’est agréable, car on peut serrer la moto facilement quand c’est nécessaire. Tout au long de la journée, je n’ai pas senti de dégagement de chaleur dérangeant et, alors que le pot est imposant, je ne crois pas avoir mis le pied dessus sans le vouloir. Sur la CB1000 Hornet, l’espace plus restreint à cet endroit était plus ennuyeux.
Rapidement durant l’essai, je suis confronté à ce frein avant qui ne m’inspire pas, mais sans précisément savoir pourquoi. Le mordant trop discret ? La progressivité un peu irrégulière ? La puissance du freinage en tant que telle ? Je ne mets pas réellement le doigt dessus. Il est encore tôt dans la journée, je peux exclure la dilatation des durites ou l’échauffement du liquide. Les étriers Nissin m’impressionne par leur finesse, ils semblent aussi légers que des Stylema.
Le hasard a voulu que je roule avec le groupe de la seconde moitié de l’évènement, Kawasaki a mis un train de Dunlop Sportmax Q5A spec Z sur toutes les motos le matin même. On nous recommande de la prudence en début d’essai avant de chercher les limites. Au début, j’attribuais au pneu et la route encore froide les déclenchements du témoin de KTRC. Plus la matinée avançait, moins cette hypothèse se vérifiait. Sur le niveau 2, par défaut en mode Route, le surveillant de l’adhérence semble bien tatillon.
En même temps, ce n’est pas surprenant qu’il tente de faire son travail face à un moteur aussi plein. Dès les mi-régimes, c’est déjà la fête du couple et on peut confortablement rouler en 3 voir en 4 en faisant varier la vitesse de la ville à l’extra-urbain. Un 4 cylindres qui a des ressources pour qu’on le qualifie de « plein », c’est agréable et un argument face à des moteurs qui ont moins de cylindres.
Le temps de la pause repas, je demande plus de précharge sur l’amortisseur, dans le but de diminuer l’affaissement lorsque je suis sur la moto et éventuellement mettre un rien plus de poids sur l’avant qui me semblait léger par moments. Je note ensuite une amélioration à ce niveau dans l’après-midi. Seulement le rythme sera drastiquement plus élevé. Laissé à nous-mêmes avec un GPS, je pars avec un collègue belge et ce n’est pas pour faire du tourisme.
Je réalise qu’en restant statique sur la moto, je fais beaucoup d’efforts avec les bras pour suivre une belle trajectoire. Le guidon n’est pas si large et assez cintré : plutôt décontracté, mais moins efficace en termes de bras de levier. Pour économiser mes forces, je me sers davantage de mes jambes. Soit en exerçant de la pression sur les cale-pieds, soit en décalant le bassin. Cet engagement du poids du corps améliore la faculté de la Z900 à avaler les virages, mais le pilote doit être endurant.
J’ai expérimenté le KTRC sur 1, par défaut en mode Sport, qui sert en même temps d’anti-wheeling. Sur 1, il permet encore une montée d’une quarantaine de centimètres, la moitié sur 2 et pas du tout sur 3 comme ça correspond au mode Pluie. Là, le témoin orange au tableau de bord s’est laissé oublier sans pour autant que je ne sente ma roue arrière se dérober. Un signe qu’il s’allume parfois tôt dans son réglage précédent. Au frein, le feeling n’est pas meilleur qu’avant, je constate au passage la position très haute de la pédale de frein avec trop peu de course morte qui la complique son utilisation. Durant l’après-midi j’aurai aussi des intrusions d’ABS, sans conséquence pour ma trajectoire, car il est actif sur l’angle.
En pleine attaque, le moteur de la Z900 me joue quelques tours. En effet, j’exploite une grosse plage de son régime moteur majoritairement en deuxième vitesse. Seulement la marge entre la fin de la poussée et le rupteur est courte. Si courte que le temps de réaliser qu’on est au bout, on tape le rupteur avant d’avoir bougé son pied. C’est une leçon pour utiliser plus rapidement le shifter et recommencer en 3, où le couple est aussi dispo assez tôt. Ce shifter fonctionne à merveille, bien que j’ai trouvé le sélecteur dur. Avec moins de 1000 km au compteur, il peut encore s’adoucir, seul le temps le dira. Autre point sur le shifter, il n’est pas le plus doué pour faire 2>1, alors que ses soeurs Versys et Ninja 1100 SX le font à merveille. C’est ici moins handicapant, j’ai pris la plupart des épingles en 2 sans me sentir à l’arrêt pour autant.
Au final, je suis séduit par bon nombre de points sur cette Kawasaki Z900 version 2025. Son moteur joue pour beaucoup dans ce constat, ainsi que le look soigné mais toujours dans la veine de Kawasaki; je pense au look clivant et des détails comme les câbles au guidon un peu disgracieux. Reste que des pièces comme les phares, les décorations en alu et la selle confortable de série donnent une bonne impression de qualité de finition.
À l’attaque, avec tout mon engagement, j’ai touché les limites du châssis de ce roadster. Les suspensions KYB subissent chaque irrégularité de la route lorsqu’on les rencontre sur l’angle et avec de la vitesse. Dans un vocabulaire de motard : ça saucissonne. Ce n’est normalement pas quotidiennement qu’on roule de la sorte, mais là, la version SE se justifierait.
Reste ce point d’interrogation sur les pneus et ce frein avant. Faut-il un maître-cylindre radial ou des pneus à carcasses plus souples changerait le retour d’information en cours de freinage ? Est-ce que ce Dunlop ne me convient simplement pas, ou est-ce que les routes assez poussiéreuses lors de l’essai ont une responsabilité ? Difficile de juger.
La Kawasaki Z900 est affichée CHF 10’590.- en 91.8 kW ou en 70 kW. Cette seconde version a l’avantage d’être bridable à 35 kW pour 150.- mais n’a plus de modes de conduite. La SE coute CHF 12’290.-, en une seule couleur plus sportive et en 91.8 kW uniquement. Les premières livraisons commencent début mars 2025. Un pack d’accessoires Performance contenant, entre autres, un silencieux Akrapovic est proposé pour CHF 1’500.- montage compris. Celui-ci s’installe sur toutes les versions de la Z900.
Petit tour sur la Z900 SE et des Bridgestone T33
Pendant l’essai des Bridgestone T33, Kawasaki a mis à disposition une Z900 SE. J’ai donc pu tester le maître-cylindre de frein radial qui gagne en précision à l’utilisation. Et surtout, le T33 qui remplace les Dunlop d’origine, l’effet sur la moto est bénéfique. Immédiatement en confiance, j’avais un très bon feeling du train avant. Sur ce type de moto, c’est normalement un modèle plus sportif que l’on attend, gamme S23 par exemple. Je suis forcé d’admettre qu’avec un Sport Touring, les performances étaient déjà au rendez-vous.
Une fois de plus, intéressez vous à la première monte de vos motos ! Le pneu est votre seul contact avec la route et a une grande influence sur le feeling de la moto.
Qu’en penser face à la Honda CB 1000 Hornet ?
La comparaison est tentante : prix similaire, cylindrée proche, même segment. La Honda a pour avantage son guidon qui m’a davantage plus, par contre son moteur issu d’une sportive demande qu’on l’exploite plus souvent à haut-régime. À ce petit jeu, la Z900 est mieux servie par un moteur qui reprend plus tôt et qui a la qualité d’exister en 70 kW, donc bridable pour débuter. Juste ce frein avant que j’aime moins, sur la Hornet de base, c’est déjà un maître-cylindre radial. Légèrement plus chère, la Honda est aussi plus puissante, d’une vingtaine de chevaux, mais ça ne se sentira guère sur route.
Avec ces deux modèles abordables et chichement équipés d’électronique, le marché du gros roadster pourrait reprendre des couleurs en 2025.
GALERIE
BILAN
ON A AIMÉ :
Moteur plein
Confortable à rouler
Existe en 70 kW pour passer en A2
ON A MOINS AIMÉ :
Mérite mieux que le maître-cylindre axial (sauf si un changement de pneu suffit !)
Autocollants non-vernis pas très premium
Rupteur qui intervient trop vite