ESSAI
Il fut un temps où ce type de moto étaient le plus sportif qui soit, c’était avant d’emprunter le virage vers un certain extrême qui a rendu la sportive trop inconfortable pour la route. En 2010, Kawasaki revient à cette forme de moto avec une base de Z1000 carénée qui va perdurer jusqu’à aujourd’hui. Elle a reçu le même moteur que la Versys 1100, à l’exception d’une cartographie dédiée. L’appelation SX désigne un modèle routier, destiné à voyager, mais dans une forme qui reste plus proche du sol qu’un trail routier. Avec le nom de Ninja, elle doit cependant assumer une image de performance, tout un programme.
Lors de sa présentation préalable, il fallait noter que la version SE n’est pas équipée de la suspension Showa semi-active, contrairement à la Versys SE qui en est dotée. La spécificité de la version SE se situe aux étriers de freins avant avec des Brembo M4.32 avec des disques de même marque. Les durites de frein sont tressées d’acier, qu’on appelle des durites aviation, pour éviter la dilatation due à l’échauffement du liquide de frein. L’amortisseur est un Öhlins S46 avec une précharge hydraulique à commande déportée. C’est cette Ninja 1100 SX SE que j’ai pu essayer toute une journée.
Quand je m’installe sur la moto, je suis tout de suite très surpris par la position. Je m’attendais à être beaucoup plus sur les poignets. Là, les demi-guidons sont plutôt hauts et ne plongent pas aux extrémités. Par conséquent, j’ai une position assez détendue, avec la tête haute mais qui se retrouve assez loin de la bulle saute-vent. Tout le bâti arrière n’as rien à voir avec une Ninja : largement dimensionné pour accueillir support pour valise et une bonne selle passager pour rendre confortable des longues distances.
Comme c’est surtout une mise à jour du modèle existant, en y ajoutant le moteur 1100 cm3, le style de la moto n’a pas bougé. Trait pour trait, on la confond inévitablement avec sa soeur sortie en 2020. La face avant évoque toujours la ZX-10R avec deux phares inclinés avec une lèvre qui ressort sous chacun. La pointe caractéristique des motos sportives de Kawasaki est présente. Dans les carénages se dissimulent des canaux d’air, pour une circulation améliorée : frais vers le moteur et le pilote, chaud loin de la moto.
Ce classicisme dans les traits, ce manque de variété dans les formes de leurs motos, c’est éventuellement quelque chose qu’on peut reprocher à Kawasaki. Très conservateurs, ils se lâchent plus volontiers sur des technologies qu’en design. Si l’image de marque est parfaitement respectée et qu’ils n’affublent pas la moto d’un look singulier, c’est en partie parce que le client cible ne recherche pas ça. On parle là d’un conducteur d’environ 50 ans, qui regarde les 1250 RS, GSX-S 1000 GT et éventuellement une Tracer 9.
À première vue, on a l’impression que la Ninja 1100 est bien plus basse et plus longue que la Versys. Or, son empattement est 8 cm plus court que celui du trail. Ce qui devrait se traduire par plus d’agilité. La hauteur de selle se joue à seulement 5 mm de moins pour la Ninja. Les apparences peuvent être trompeuses ! Avec une selle basse disponible en accessoire on peut abaisser encore l’assise à 820 mm au lieu de 835.
On est au mois de novembre, là où on se trouve, le thermomètre n’affiche que 6°C. Une opportunité de profiter des poignées chauffantes qui sont installées. Sur ce type de moto, je n’ai jamais vu des protège-mains montés au guidon, donc l’air ambiant refroidi inévitablement les mains du pilote. Un autre point qui me concerne rapidement, ce sont les rétroviseurs. Placés très en avant, ils ne sont pas évidents à régler en roulant et le champ de vision qu’ils offrent n’est pas fameux.
Avec une route froide, le mode Road semble tout indiqué pour chauffer tranquillement les Bridgestone S23 spec G sans pour autant étrangler le moteur comme avec la cartographie pluie. Tout en douceur, le bloc délivre assez de couple à bas régime pour évoluer tranquillement. Il y a 2 Nm de couple disponible plus tôt sur ce 1100 cm³. Dès 1’500 tr/min on peut changer les rapports avec l’aide du shifter. Avec un régime moteur plus élevé il marchera mieux, mais ce nouveau réglage est clairement plus précis. En descente de vitesse, idem, il a gagné en douceur ce qui invite à s’en servir régulièrement. Par rapport au modèle précédent, les 5e et 6e vitesses ont été allongées. Cette modification dans la transmission apporte le confort qu’on cherche pour cruiser sereinement sur autoroute.
Sur les axes roulants qu’on emprunte, la Ninja fait preuve d’une stabilité rassurante. Elle trouve sa ligne en suivant mon regard, posé au loin sans effort pour les cervicales. Comme j’ai la tête assez haut et droite, pas besoin de relever la tête comme ce serait le cas une sportive.
Sur le demi-guidon gauche, il y a le régulateur de vitesse installé de série. Celui-ci a des boutons très semblables à ceux qui commandent le menu de l’écran TFT de la moto. Ceux qui m’intéressent dans ce cas sont le plus éloigné pour le pouce, pas évident sans lâcher le guidon d’une main, mais tout de même utilisable.
Le saute-vent est réglable en hauteur et simultanément en inclinaison sur 4 positions. La manipulation se fait sans outils, mais à deux mains : une qui déplace la vitre, l’autre qui plonge derrière le té de fourche, en bas du compteur, pour déverrouiller le mécanisme. C’est faisable en roulant, un peu plus délicat sans le régulateur, et bien plus sûr à l’arrêt. J’ai d’abord roulé avec la position inférieure pour me rendre compte de l’exposition au vent, avant de monter au plus haut sur voie rapide. Malheureusement, mon casque reste exposé au vent, j’ai la tête trop haut pour la mettre à l’abri. Je sens par contre une réduction significative de la pression sur mon buste, de quoi diminuer la fatigue, mais surtout musculaire. La fatigue auditive avec le bruit du vent autour du casque restera.
La matinée est dédiée à des routes de transit, des axes qu’un utilisateur de Ninja SX empruntera certainement pour atteindre des destinations lointaines. Il n’y a que pour la séance photo qu’on a emprunté une section sinueuse qu’on emprunte plusieurs fois dans chaque sens. C’est très utile pour saisir des différences d’un passage à l’autre. Par exemple, l’importance de se déplacer sur la selle pour littéralement transformer la moto. C’est tout à fait logique, elle devient plus facile à placer sur l’angle avec un bras de levier supplémentaire.
Si ce n’est pas naturel sur une Versys, sur une Ninja SX une fois testé, on comprend le gain et on l’applique volontiers à nouveau. Ce sera d’ailleurs le programme de l’après-midi avec une force concentration de virages rapporté à la distance à parcourir. Dans les choix de conception, il y a l’empattement plus court qui améliore la maniabilité, alors que le pneu arrière en 190 fait l’inverse. Ceci décrit bien la recherche de compromis dans cette Ninja 1100 SX.
À la fin de la journée, tout fraichement descendu de la moto, j’ai dû me présenter face à la caméra pour débriefer. Sur le moment, j’avais le sentiment que cette Kawasaki n’était pas vraiment à sa place sur les routes sinueuses parcourue tout l’après-midi. Mais à tête reposée, elle a quand même fourni une prestation satisfaisante en tenant compte des 234 kg sur la balance, sans valises !
Rouler vite dans le sinueux est un peu exigeant, il faut s’engager un peu plus physiquement pour atteindre le rythme souhaité. C’est dans cet environnement que le moteur 4 cylindres s’exprime le mieux. Dans chaque bout droit, on le chasse jusqu’à sa zone rouge pour enfin exploiter les 136 chevaux qu’on a à disposition. Comme le couple culmine à 7’600 tr/min, la poussée est progressive jusque-là et la puissance rageuse prend le relais.
Dans cette configuration, seul le bas régime un peu creux pénalise la Ninja 1100 SX en sortie de virage serré. Comme avec la Versys, il faut parfois sacrifier le rythme et rester en 2 ou remettre la première pour sortir du virage avec plus de pêche. Heureusement, le shifter est là pour fluidifier l’exercice, seulement si on ne connait pas la route, la sortie d’un virage est parfois surprenante et on est quand même tout en bas du compte-tour en 2 dans une courbe qui s’est refermée. Sous 4’000 tr/min, c’est le ventre mou, ça s’améliore après et devient vraiment fun dès 6’500 tr/min.
Tout au long de la journée, j’ai profité du freinage amélioré de la version SE : des disques Brembo pincés par des étriers du fabriquant, des M 4.32. Le maître-cylindre est un Nissin radial réglable et les durites d’origines sont déjà tressées pour éviter le fadding lorsqu’on les met beaucoup à contribution. Par contre, toute la journée j’ai composé avec un point de pression qui manque de précision. D’un freinage à l’autre, en pensant mettre la même force avec les doigts le résultat n’était pas le même. Le mordant est puissant, seulement il n’intervient pas toujours au même moment, ce qui est perturbant.
Pour résumer, mes deux principaux reproches contre cette routière japonaise, sont son manque de protection au vent, il faut choisir ce modèle en connaissance de cause si on souhaite voyager. L’autre, c’est ce freinage qui demande du temps pour l’appréhender. J’espère sincèrement que ceci s’estompe avec le temps ou avec d’autres plaquettes, car le matériel installé est de qualité et ne mériterait pas la critique sur le papier.
La version 2025 de la Kawasaki Versys 1100 SX affiche un prix d’accès de CHF 15’590.- avec un équipement de série déjà confortable. Toutes les aides électroniques y sont, la prise USB-C au guidon aussi. Pour CHF 17’190.- on accède à la version SE, avec meilleurs freins et amortisseur.
Les packs d’équipement jouent un rôle dans le choix de sa Ninja SX, soit Tourer, soit Performance, voir les deux.
Tourer
- Support GPS/téléphone
- 2 valises de 28 litres chacune avec sac intérieur
- prise 12V dans l’habillage
- protection anti-rayures pour l’écran
- protège-réservoir
- grand saute-vent teinté
CHF 1’600.-
Performance
- Silencieux carbone Akrapovic homologué
- Capot de selle
- Protections de cadre
CHF 1’900.-
Performance Tourer
CHF 3’300.- pour les deux packs ensemble
La Ninja 1100 SX et la SE sont toutes les deux disponibles dès maintenant chez les revendeurs et peuvent être vues plus en détails sur le site de Kawasaki Suisse.
GALERIE
BILAN
ON A AIMÉ :
Prix compétitif
Équipement riche de série
Ergonomie bien étudiée
ON A MOINS AIMÉ :
Faible protection au vent
Point de pression des freins peu précis
Design très conservateur