NEWS
Au fil des ans, l’effectif change mais l’objectif reste le même : rouler jusqu’à ce qu’un concurrent ait enchaîné 183 tours de la piste F1 du Circuit de Magny-Cours. Cette course qui se veut ouverte à tous ne permet pas aux pilotes professionnels de participer. Seuls les amateurs qui sauront rester entre 1:48 et 2:00 par tour durant toute la course peuvent s’engager.
Retrouvez le récit 2022 et 2023 sur notre site :

Cette nouvelle équipe s’appelle désormais la CFPT Race Academy. Une façon de formaliser une structure où l’effectif n’a que peu varié depuis la dernière édition. Il y a du changement au chronométrage et à l’intendance, parmi les apprentis il y a une nouvelle tête, Dominique. Les autres reviennent avec plaisir, certains depuis plusieurs années, ils ont notamment connu les 24HDP au circuit de Catalunya ! Présentation des apprentis
Sous les ordres de Raphaël leur chef mécanicien, ils ont tous pris sur leur temps libre pour préparer cette course. Le soir après les cours ou le travail, le week-end, ils n’ont pas compté les heures passées sur la CBR 1000 n°13. Tantôt dans les locaux du CFPT, tantôt chez leur partenaire MRPS Racing. Pour en savoir plus sur la moto, c’est sur notre Instagram.
L’aventure sur le terrain commence par l’installation le jeudi soir, alors que les contrôles techniques et administratifs suivent le vendredi matin. L’heure des premiers travaux pour l’équipe de mécaniciens qui purgeront le liquide de refroidissement pour satisfaire au contrôle technique. Puis viendra l’heure des essais et qualifications de jour comme de nuit. Chacun des trois pilotes trouvera son rythme. Flavio, déjà chef d’équipe du temps où elle portait le nom de son garage Motosport, doit repousser ses limites pour valider son temps de nuit, en proie à des difficultés de vision la nuit et une forme physique un peu à la peine.
La surprise, c’est qu’Aurélie aura roulé plus vite que ses deux homologues, elle a signé le meilleur temps de la n°13. Mais ce n’est pas elle qui prendra le départ.
Dès samedi matin, le paddock va se réveiller sous des averses, certaines plus abondantes que d’autres. Il a été décidé de faire une vidange dans la matinée et les pneus pluies seront installés en vue du warm-up qui sert à valider la moto. Finalement, la trajectoire s’avèrera bien sèche et il faudra chercher l’eau sur la piste pour ne pas cramer les pneus. Le réglage pluie des suspensions s’avère bien adapté, et pourrait être utile car la météo de la fin de journée et de la première partie de la nuit n’est pas au beau fixe. La vidéo du warm-up est dispo ici.
La course approche
En milieu d’après-midi, il sera décidé que Nadia aura la chance de tenir la moto tandis que Léo va s’élancer pour le départ. C’est un accomplissement pour cette apprentie de 4e année qui était déjà à Barcelone et qui a déjà fait preuve d’une grande motivation. Elle a même participé à la recherche de sponsors pour faire durer ce projet. Son projet ? Ouvrir un garage et faire participer ses apprentis à la Race Academy.
Un petit créneau de mi-journée permet à l’équipe d’aller faire nos photos officielles sous la passerelle de la ligne droite. Un rendez-vous incontournable. L’effectif est au complet, les apprentis, les pilotes, etc. Un peu plus tard, à l’arrière du box, Léo et Nadia feront quelques essais pour se saisir de la moto le plus rapidement possible, sous les yeux du reste de l’équipe.
18h approche, la pitlane va s’ouvrir pour que les motos viennent s’aligner avant un essai de départ suivi d’un tour de formation. La tension se fait palpable dans le box, chacun sait ce qu’il aura à faire, mais le stress pourrait bien perturber les plans. Lors de la course, il faudra être prêt à remettre de l’essence à chaque relais, changer la roue arrière plusieurs fois, changer aussi la roue avant ainsi que les plaquettes de freins lors de la mi-course. Les apprentis sont entraînés : il n’y a plus qu’à.
Dans son départ et son premier relais, Léo nous raconte comment il gagne plusieurs positions, assiste à la chute de plusieurs pilotes alors que même sous régime de safety car, il faudra calmer les ardeurs de certains qui se télescopent. La Honda de la CFPT Academy a un gros avantage : un réservoir modifié de 24 litres gracieusement prêté par Labarthe Racing Team qui a participé au Bol d’Or avec. À un rythme réduit derrière la voiture de sécurité, calé en 6e, la consommation est faible. Une fois lâché, les pilotes plus rapides rentrent un à un alors que Léo prolonge son relais et remonte au classement.
La durée convenue d’un relais était de 20 tours, mais le pilote pouvait faire signe qu’il se sentait de continuer pour informer le panneautage. On lui aura indiqué box +1, box +3, box +7 sous le regard inquiet de l’équipe qui l’attend en bord de piste. Va-t-il faire le tour de trop et tomber en panne sèche ? Heureusement non, il peut revenir transmettre une moto très légère à Aurélie qui prend le second relais.
Deuxième relais, début des travaux pratiques
Aurélie a pris la moto et j’en profite pour prendre le récit de Léo en vidéo. Mais quelques tours après c’est la chute. Perte de l’avant, glissade sur le côté droit. Dans le box, on a alors très peu d’info, les apprentis partent chercher la moto par la voie de sécurité pour la ramener.
On apprend rapidement par radio que la pilote se plaint de la cheville, heureusement que des contusions. La moto rejoint l’atelier d’un week-end à la poussette et par la porte arrière. Les roues couvertes de graviers, on s’affaire à constater les travaux urgents : le levier de frein a vu des jours meilleurs, sa protection n’est plus alignée, un fil électrique sur le côté semble sectionné.
Pour gagner du temps, c’est le système de frein avant complet qui est changé à l’exception des disques. Étriers, plaquettes, durites, maître-cylindre, bocal, l’ensemble est changé par 3 personnes en quelques minutes. La protection de levier disparaît aussitôt et il ne reste qu’à s’occuper de l’électricité. Qu’est-ce qu’alimente ce fil sectionné ? Une pièce importante ? Une fixation de fortune est tentée puis abandonnée, la moto peut fonctionner sans. Les contrôleurs techniques de FVP se présentent pour s’assurer que tout est fait dans les règles avant de laisser Flavio repartir en piste.
Dorénavant, il s’agira pour Flavio et Léo de finir la course à deux. Aurélie n’est plus apte à rouler. Elle revient livide et boîtante dans le box, son corps est là mais son esprit semble ailleurs. Un possible traumas crâniens fait cet effet et n’est pas à exclure.
Un pilote n’a le droit de faire que 120 minutes d’affilée sur la moto au maximum. Donc à moins d’être dans les deux dernières heures, il faut 2 pilotes aptes pour finir la course. La stratégie à deux relais chacun passe à 3 par pilote pour le restant de l’épreuve. Ils s’y emploieront avec force et conviction malgré la difficulté de rouler la nuit et avec la limite physique qui devra donner 50% de plus.
Les apprentis restent mobilisés et font un travail exemplaire. L’alchimie qu’on observe dans le groupe année après année fait toujours effet. Ces camarades de classe de différents niveaux sont solidaires et cet esprit de groupe est leur force. Après un pitstop complet (changement arrière + avant avec plaquettes et ravitaillement), ils feront également le travail pour la moto voisine, la 219, avec qui cet échange était convenu dès le départ.
Afin de tenir la distance, l’intendance s’organise pour que le box ne manque de rien. Sandwich et petits plats chaud se frayent un chemin jusqu’à nous. Les pilotes, eux, continuent de tourner en rond.
La fin de course approche, les deux dernières heures se font dans l’obscurité complète entre 22h30 et minuit trente. Il faut calculer comment partager équitablement le temps restant entre les deux pilotes. En tenant compte du rythme du leader qui détermine la fin de course, il faudra faire faire encore 10 tours à Léo alors que son compteur n’en affichait plus qu’un. Imaginez-le sous son casque voir s’afficher 10 après avoir vu le chiffre 1 au tour précédent.
Mais il tient bon, pour parer au problème de visibilité, il accroche la roue des autres pilotes pour garder de la vitesse. Parfois pourtant, il s’accroche à plus rapide que lui et il force pour rester au contact, battant par la même occasion son record du tour de nuit. Puis c’est la libération, retour dans la voie des stands pour donner une troisième fois la moto à Flavio qui doit finir la course après une vingtaine de tours.
Au bout du suspense, la CBR n°13 passe la ligne d’arrivée avec 157 tours au compteur et à la 52e position. Mais qu’importe ce résultat sportif, l’important est de ramener la moto à ces apprentis qui ont travaillé longtemps à sa préparation. Place à la célébration sur la pitlane, où Aurélie participera aussi après une sieste réparatrice. Sur ses deux jambes mais forcément diminuée.
La moto peut sembler un sport individuel, mais comme le souligne toujours Casey Stoner, « ils ont fini la course ». Sans équipe, le pilote ne va pas loin. Le CFPT a la chance d’avoir des forces vives et motivées à participer à une compétition du genre, je le redis, sur leur temps libre. Alors qu’en Suisse alémanique les places d’apprentissages peines à trouver preneur, les autres cantons romands mutualisent l’enseignement en 1 seul établissement commun. Genève peut conserver sa structure qui accueille des jeunes motivés, depuis plusieurs années. C’est d’ailleurs ainsi que Bridgestone s’est joint à l’aventure en mettant quelques pneus à disposition. Ils croient en ce genre d’initiative pour pérenniser la branche moto dans son ensemble.
Place à un rangement sommaire du box avant les festivités du podium. Il est 1h du matin, il faudra un peu de temps à chacun pour faire descendre l’adrénaline pour aller se coucher. Le lendemain, il faudra avoir vidé cet atelier éphémère, pourtant bien rempli, avant la mi-journée.
Si la n°13 reviendra en 2025 est en suspend : le budget est difficile à boucler, l’investissement personnel des parties prenantes est énorme. Mais la volonté de faire travailler cette équipe d’apprentis hors des murs de leur employeur ou de l’école est toujours présente. Chacun d’eux salue et estime hautement cette chance qui leur est donnée, manifestant immédiatement leur souhait de reconduire l’expérience, encore et encore.
Pour soutenir le projet, vous pouvez entrer en contact avec le comité CFPT Race Academy sur leur page instagram/facebook.
Un énorme merci à la photographe Stéphanie, qui m’a permis d’utiliser une sélection de photos alors qu’elle travaille principalement pour ActuMoto.ch. Merci pour ce geste de solidarité motarde.