REPORTAGE
Comme l’année passée, AcidMoto.ch a eu le plaisir de suivre des équipes d’apprentis rassemblés par Motosport Genève et GBK Motos pour la course des 500 Miles au circuit de Magny Cours. Pour ceux qui ne connaissent pas l’événement, c’est une course d’endurance à faire en équipe. Chaque numéro de course a 2 à 3 pilotes qui vont rouler avec 1 ou chacun leur moto pour la formule à l’américaine.
Cette année, 2 équipes s’engagent avec un objectif pédagogique en marge des 500 Miles de Magny-Cours. L’équipe Motosport (suivie l’an dernier déjà) retourne dans l’aventure avec une équipe agrandie et conserve son numéro 13. En 2022 nous avions parallèlement suivi GBK Motos qui reprend aussi son numéro 71 et étoffe son équipe de 4 apprentis pour assurer la mécanique.
Ce sont Flavio Tozzi de l’équipe 13 et Vincent Buclin de la team 71 qui ont encadré les apprentis en tant que team manager. Flavio est le précurseur de cet événement de course d’endurance en programme scolaire. Il désirait trouver une formule pédagogique qui ferait participer des jeunes dans des projets concrets. Le patron du garage GBK Motos l’a rejoint cette année. Parlons aussi de Raphaël Rodrigues et Alexandre Kraft qui ont fondé MRPS Racing et qui sont un soutien privilégié du projet. Ils sont présents sur place pour fournir une assistance et Raphaël est même chef mécanicien de la n°13.
Pour voir notre long reportage, il est disponible sur YouTube dès 18h le jeudi 10 août.
L’équipe 13 a 3 pilotes : Laurent Huguenin, Léandro Aquarolli et Aurélie Dubi. Le premier est mentor d’une bonne partie de l’équipe et enseignant au CFPT, le second est coordinateur et la dernière pilote effectue sa toute première course.
Du côté de l’équipe 71, nous avons 3 pilotes champions du monde en course d’endurance, soit Robin Mulhauser, Valentin Suchet et Sébastien Suchet. Le règlement interdit normalement les pilotes professionnels, mais étant donné qu’ils courent avec un prototype moins puissant, ils peuvent prendre part à la course sans figurer au classement général.
Pour faire la connaissance des membres des équipes, rendez-vous sur Instagram où une courte biographie de chacun a été postée en préambule de la course. Motosport Genève sur Instagram.
L’aventure 2023 a, en pratique, commencé un mercredi soir dans les locaux de Motosport à Genève. Une grande partie des apprentis s’est réunies avec les encadrants pour pratiquer les arrêts au stand. L’équipe découvre la moto, une Honda CBR 1000 spécialement préparée pour l’endurance en catégorie superstock : pas de modification moteur, pas de changement de roue rapide, un réservoir agrandi de 24 litres, des phares, une plaque numéro éclairée et des étriers de frein avec raccords rapides.
Même si la course n’est pas assez longue pour justifier de nombreux changements de pneus et de ravitaillements essence, pour l’objectif pédagogique ils veulent mettre l’équipe en conditions comme pour des 24h. Selon le règlement FIM, en EWC ne peuvent intervenir que 4 mécaniciens simultanément. Un sur la roue arrière, un pour le frein gauche, un pour le frein droit et l’axe et un dernier pour les pieds de fourche et la roue.
Dès le début, en tant que reporter on est confronté au bienfondé de ce projet pédagogique : bien qu’apprentis mécaniciens moto, certains en première année n’ont jamais démonté seuls une roue arrière de moto. Bien que ceci fasse partie intégrante du métier qu’ils souhaitent exercer, selon l’environnement dans lequel ils évoluent, ce genre d’interventions ne leur est pas familière.
Dans cette aventure, ils échangeront avec d’autres apprentis qui voient d’autres choses dans d’autres garages, c’est ce genre d’interactions qui sont enrichissantes et qui leur permet de cerner d’autres facettes de leur métier.
Les entrainements commencent sans pression, d’abord apprendre les gestes pour ensuite les reproduire et gagner en aisance. Chacun passe sur les différents postes pour s’y familiariser avant de choisir celui où il est le plus à l’aise. Certains ont déjà participé au 24HDP (projet pédagogique aux 24h de Barcelone). Samuel par exemple sait changer la roue arrière en 35 secondes, prouesse qu’il reproduit à la demande et après les chronométrages c’est effectivement la place qu’il occupera.
Pour les autres, les plus à l’aise et plus rapide à leur poste seront à cette place lors de la course. Les autres pourront cependant avoir à les remplacer en cas d’imprévu.
La course de cette année s’est déroulée le samedi 29 juillet de 18h30 au 30 juillet à 1h du matin à peu près. Cela équivaut à 6h30 de course où la mécanique est mise à l’épreuve pour faire les 183 tours. L’équipe gagnante est celle qui aura parcouru la distance la première. Or, pour l’équipe de Motosport avec la moto 13, la victoire sera de terminer la course, de s’amuser et surtout que les apprentis puissent vivre une belle expérience.
En réalité, leur challenge est bien plus poussé que de rouler sur piste. L’équipe des apprentis a monté une moto de zéro, tout a été remplacé ou réparé. Le plus marquant quand on suit l’équipe, c’est la confiance posée sur le travail d’équipe, chacun et chacune donne du sien et trouve sa place. Il y a une réelle synergie entre plusieurs personnes qui pourtant ne sont pas apprentis dans les mêmes lieux et n’ont donc pas l’habitude de travailler ensemble.
Pour ce qui est de l’équipe de GBK avec la moto 71, ils visent un classement plus haut car leurs pilotes sont tous les 3 des professionnels de classe mondiale. Leur moto est cependant moins puissante que la 1000 de l’équipe 13, ils ont monté un turbo sur une R7 pour cette course. Malgré le turbo, leur moto est la moins puissante de toutes.
Étant donné que la moto 13 a fait plus de caprices que la 71 et que les apprentis avaient donc plus de défis, la course était plus intense du côté de Motosport. Les premiers roulages en essais libres ont eu lieu le vendredi 28 juillet, la moto a merveilleusement démarré. Elle est décrite comme une moto qui délivre la puissance normalement et qui a un comportement sain. Petit à petit, le ciel se couvre et la pluie arrose la piste, les coureurs quittent la piste le temps de passer des pneus wet ou que la pluie se calme. À la reprise, le terrain était mi-humide mi-sec, ce qui n’est pas très sécurisant comme situation. Ce qui devait arriver arriva, Aurélie a été éjecté par la moto qui reprit brusquement l’équilibre avant de se vautrer dans l’herbe un peu plus loin.
Selon les données collectées sur la moto, la roue arrière a chassé et a envoyé la pilote au sol puis s’est redressée et a chuté de l’autre côté. Fort heureusement ce petit accident a eu lieu à basse vitesse et a épargné autant la pilote que la moto. Après s’être assuré du bien-être de la pilote, les apprentis se sont affairés de manière remarquable et organisée pour réparer les dégâts de l’engin. La moto donneuse d’organe leur fut très utile, en prélevant les pièces nécessaires la moto principale fut sur ses roues en un rien de temps. Il en fut de même pour la pilote qui se prépara à nouveau pour la piste après un petit passage chez le médecin et un bon repas. Rien de tel que de bons repas pour motiver les troupes (d’excellentes pâtes fraiches Roberto que l’entreprise a offerte pour soutenir l’engagement des jeunes dans l’aventure).
Les roulages reprennent et cette fois la météo est de leur côté, un sol sec et chaud s’offre aux pneus de la moto. Au bout de quelques tours encourageants, elle se met à faire subir de forts à-coups à Leandro, au moindre coup de gaz. Malgré cette difficulté il parvient à se qualifier. Laurent qui a également réussi à se qualifier rencontre ce problème mais de manière aggravée. Aurélie, la dernière pilote ne put donc pas reprendre la moto qui était devenue dangereuse. Les apprentis cherchèrent sans relâche le problème avant de redonner la moto aux pilotes pour les essais. Ils parvinrent finalement à trouver le problème, un capteur d’arbre à came était défectueux et devait être remplacé. Une fois échangé, la moto fonctionnait à merveille. Pour les qualifications d’Aurélie, il faudra cependant attendre la nuit, pour la dernière séance de qualifications.
Plus tard, la nuit n’arrive pas seule, elle ramène la pluie avec elle… Elle ne lâche pas la piste et ne rassure pas la pilote qui a chuté le matin même à cause d’elle. L’équipe décide de renoncer aux roulages en essai libres et d’attendre directement la session de qualifications à 23h. L’attente est longue mais l’équipage en profite pour se reposer et discuter des futurs plans. Le premier pilote se qualifie, le second aussi puis la dernière pilote reprends la piste avec beaucoup d’appréhension. Elle était très tendue mais voulait donner le meilleur pour réussir. À ce moment, il est minuit passé et tout le monde est fatigué. Elle accomplit 6 tours motivés malgré la crainte de la pluie et revient se poser dans le box, le verdict tombe… elle est qualifiée ! La journée se termine enfin sur cette note positive, malgré toutes les perturbations, l’équipe pourra participer avec son effectif prévu le lendemain aux 500 Miles.
Le lendemain commence en douceur, les roulages ne débutent qu’à 14h donc il y a le temps de se reposer et de se détendre. À nouveau les cuistots parviennent à motiver les troupes et dessiner des sourires avec leurs délicieux repas. Après cela, l’équipe s’en va chouchouter la moto de course. Outre les nombreux changements de pneus à cause des variations météorologiques, la moto revêt son « vêtement de course », elle a un beau carénage et un carénage d’entrainement pour réduire le risque d’endommager celui qui est couvert de sponsors. Elle a aussi droit à une vidange et de l’huile toute fraîche, après de derniers contrôles elle est prête et les pilotes viennent également se préparer à rouler pour l’échauffement.
Pour le moment, la météo et de leur côté mais elle se fait instable. Heureusement que les qualifications sont terminées, maintenant il ne reste plus qu’à faire la course peu importe le résultat. Malgré cela, personne ne se détend car jusqu’à lors c’était uniquement de la préparation pour le grand événement. Les pilotes ont fait leurs preuves mais les apprentis également, chacun a prouvé que son travail méritait confiance.
Enfin arrive la fameuse course, les 500 Miles. Le départ se fait à la course à pied à travers la piste où le pilote doit rejoindre sa moto qui est tenue contre le mur des stands. Il faut un mécanicien pour tenir la moto et c’est Kilian qui débutera sa seconde année en septembre qui aura cette tâche cruciale. Au moment où le drapeau lance la course, les feux s’éteignent et Laurent fait une course effrénée, enfourche la moto d’un bond et s’en va sous les yeux de nombreux concurrents encore immobiles. Il a fait un magnifique départ.
La n°71 doit partir de l’arrière de la grille mais le pilote pro fait parler l’expérience et file lui aussi comme un éclair à l’avant du peloton dans la première courbe.
Comment se dérouleront les 6 prochaines heures ? La moto et les pilotes tiendront-ils le coup ? Les pilotes et la moto roulent très bien pendant 3 relais d’une heure d’afilées. En plus de ça, la météo est pour une fois coopérative. Le temps est sec et les nuages gris nous contournent à l’horizon. Or la première panne apparaît, le moteur se met à couper les gaz de manière irrégulière. Cela a été une épreuve extrêmement rude pour les pilotes qui ont pris les relais avec cette panne. À plusieurs reprises la moto coupait et a failli s’envoyer en l’air, heureusement les pilotes ont chacun respecté leurs limites et n’ont pas pris de risques inutiles. Au bout d’un moment, la moto est ramenée au box car elle devient beaucoup trop dangereuse.
Le chef mécano et le team manager pensent que c’est un souci de dépôt dans le réservoir qui souille la pompe à essence, peut-être que l’essence ne passe plus correctement. Pour éviter de retoucher à ces pièces plusieurs fois, ils décident de remplacer tout le réservoir avec celui de la donneuse.
En un rien de temps, tout est démonté puis remonté. Les apprentis sont impressionnants de leur réactivité et vivacité, il ne reste plus qu’à voir si la moto fonctionne… Elle repart en piste, tout le monde se rue vers l’écran pour voir si la moto avance. Elle effectue un bon tour mais revient au stand, le problème persiste.
L’hypothèse suivante, c’est un faux contact dans le bouton qui sert toujours à éteindre et allumer la moto. Tout aussi rapidement, ils changent le contacteur. La moto repart très vite en piste. Tout le monde croise les doigts pour qu’elle ne s’arrête plus. Si elle ne fonctionne toujours pas, il faudra continuer la recherche de panne pour une course qui ne dure que quelques heures. Or malheureusement, elle s’arrête… C’est le moment de concertation, que faire ? Il faut prioriser les pistes les plus probables et rapides à retoucher.
Finalement, les apprentis désactivent le shifter et le capteur de chute. La moto repart tout aussi vite, c’est reparti pour un tour où le pilote Laurent reprend courageusement le rôle de cobaye. Les apprentis et les autres pilotes se ruent vers l’écran, la moto semble avancer normalement… mais soudain elle s’arrête sur l’écran.
Le numéro 13 est fixé au milieu de la piste, la moto est-elle tombée en panne ? Le pilote est-il tombé ? Bien que confiant envers la situation, l’inquiétude se fait sentir. La moto réapparaît soudainement à ce moment en pitlane, ce n’était qu’un bug. Tout le monde est rassuré, mais à court d’idées pour réparer la moto.
Après quelques délibérations, ils décident d’accomplir un gros travail de mécanique. Ces jeunes, certain en premier année d’apprentissage, se mettent en chasse d’un problème de faisceau électrique et décident de démonter une grande partie de la moto pour un travail approfondi. La donneuse d’organe revient une 3e fois dans le box.
Tout est reconstruit rapidement, les encadrants de l’équipe redoublent de vigilance en veillant au rôle de chacun et en les poussant à prendre le temps. Il est impératif de faire les tâches correctement pour ne pas engendrer des problèmes pour la suite et ne pas compromettre la sécurité du pilote et de la course. Au bout d’environ 1 heure de travail intense et méticuleux, la moto est à nouveau fonctionnelle. Laurent se réjouit de retourner en découdre, il a une totale confiance en ses apprentis.
La moto démarre correctement, fait quelques vocalises pour se remettre en température et file sur la piste. Tout le monde s’accroche, après une telle intervention il serait difficile de faire mieux en un court laps de temps. Sur l’écran, le pilote semble bien avancer or il s’arrête quand même. Le témoin moteur s’est allumé et il faut régler les éclairages, l’équipe décide d’ignorer ce premier détail car au vu de tout ce qui a été retouché c’est certainement un faux positif.
La moto repart en vitesse et cette fois-ci elle accomplit plusieurs tours sans arrêt. C’est officiel, la moto roule enfin sans problème majeur. Les relais reprennent, il est minuit passé c’est bientôt la fin de la course. Les trois pilotes ont, chacun leur tour, pu reprendre la moto réparée sans rencontrer de problèmes, l’équipe se détend petit à petit.
Pour ce qui est de la 71, ils sont tout le long parmi les premiers. Durant une bonne partie de la course ils bataillaient entre la 3ème et la 7ème place. Mis à part de petites interventions tel que refixer la selle, le prototype s’est très bien comporté. La fin de la course approche, tous les box se vident car tous les équipages confondus se ruent vers le muret des stands pour voir les pilotes passer une dernière fois devant eux.
Cette éprouvante course d’endurance touche à sa fin et la tension commence déjà à retomber pour laisser place à la joie. Tout le monde crie le nom de son pilote puis se dépêche d’aller devant le box pour l’attendre. Les premiers arrivent et sont accueillis par les cris de la foule, des burns apparaissent de part et d’autre manifestant la joie de la fin. La pilote de la moto 13 et le pilote 71 arrivent et sont accueillis avec grande joie par le reste de leur équipage.
Dans l’ensemble, la course est autant gagnée pour pour l’équipe Motosport que pour GBK Motos. Leur but était de parvenir à la terminer avec les talents des pilotes et le savoir-faire des apprentis. Même si la n°13 termine avant dernière, les apprentis ont donné le meilleur d’eux-mêmes et repartent plus riches qu’ils ne sont arrivés.
Les 3 pilotes professionnels ont fait parler leur talent au guidon du petit prototype et ont bouclé 179 tours alors que les vainqueurs ont bouclé les 183 tours. Au scratch, ils sont à la 5e place mais derrière 4 équipes qui n’avaient qu’à passer leur transpondeur d’une moto à l’autre (à l’américaine). L’équipe GBK Motos aurait dû remporter la catégorie à la Française s’ils n’étaient pas déclassés.
Après ce récit, il est indéniable que tout le monde s’accordera à valoriser le travail de ces jeunes. Engagés et volontaires, ils prennent sur leurs vacances d’été pour se perfectionner et vivre une expérience qui a soudé un groupe qui se reverra au CFPT les années à venir. Que ce soit le numéro 13 avec Motosport ou le 71 avec GBK Motos, ils ont tous fait leurs preuves à la hauteur de leur niveau.
Le classement final est disponible ici.