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Publié le: 14 mars 2024 par Patrick Schneuwly
Honda CBR 1000 RR-R Fireblade SP – Enfin prête à conquérir le sommet ?

Bien que la victoire boude encore Honda en Superbike depuis des années, en EWC ils gagnent toujours avec le 4 cylindres en ligne le plus puissant du marché. Avec 217 chevaux, la CBR 1000 rivalise avec les V4 qui ont quelques cm3 supplémentaires. Nous avons testé la version 2024, look très proche mais avec de vraies nouveautés techniques.

ESSAI

Depuis 2020, la CBR 1000 joue des épaules pour s’imposer au sommet des sportives 4 cylindres en ligne. 4 ans plus tard, Honda s’est penché pour la deuxième fois sur sa sportive. Le fruit de leurs années d’engagement en Superbike et en endurance se retrouve ainsi dans le modèle de production. Deux griefs notables sont corrigés et l’on observe l’arrivée d’une nouveauté dans la gestion de l’accélération.

L’un de ses défauts était son fort niveau sonore. Bien qu’elle satisfaisait aux normes d’homologation, sur des circuits, elle ne passait pas en étant tout juste sortie de la concession. Si d’apparence le silencieux Akrapovic en Titane semble identique, son volume interne a augmenté d’1 litre. Sa forme est étudiée pour pouvoir mettre la moto sur son angle maximal. Ainsi, le niveau sonore de la CBR est abaissé. Les ingénieurs nous disent avoir mesuré une différence de 5dB sur un virage donné lors de leurs essais sur circuit au Japon. Sur l’homologation, les valeurs n’ont cependant pas changé. Le clapet dans l’échappement est programmé pour favoriser le couple à bas régime, la puissance en haut.

La transmission était critiquée pour sa longueur. La transmission primaire a d’emblée été raccourcie, entraînant un ré-étagement de toute la boîte de vitesse avec des ratios inférieurs. Entre la sortie de boîte et la couronne, la transmission finale a également été réduite.

Les ingénieurs japonais se sont également mis à la chasse aux grammes dans le moteur. Le carter s’allège ainsi de 250g, le vilebrequin de 450g, chaque bielle de 20g et chaque soupape d’1g. Pour un total de 595g épargné sur le bloc complet. Des jets d’huile de refroidissement font leur apparition sous le piston pour l’arroser lorsqu’il tourne à haut régime, ce qui a permis d’utiliser des pistons plus légers, sans compromis avec la longévité. Toujours côté moteur, l’un de ses points d’attache n’est plus une vis qui traverse de part en part le bloc Celle-ci est remplacée par une vis de chaque côté pour diminuer la rigidité dans une moindre mesure et épargner 140g. Le châssis lui-même gagne 960g en quelques endroits stratégiques qui assouplissent le cadre de 17% en latéral et de 15% en torsion.

De visu, les traits de la CBR ne changent que très peu. Pour immédiatement reconnaitre la 2024, il faudra se fier aux ailerons. Avant, ils étaient proches des flancs, avec des plans internes. Ce sont maintenant deux décrochements assez nets des phares aux côtés de la moto. Si elle dispose des nouveaux ailerons et qu’elle est noire, elle n’a probablement pas été commandée en Suisse, car elle n’existe qu’en Grand Prix Red chez nous. Ou alors vous verrez une des trois cent éditions Carbone, qui, sans surprise, est couverte de fibre de carbone.

La pitlane est ouverte

Notre matinée était consacrée à la CBR 600 RR et l’après-midi laisse la place à la CBR 1000. Nous avions fait toute la matinée en pneus pluie, et nous les avions bien détruits sur une piste quasi sèche après 11h. Maintenant, les Fireblade arborent de magnifiques slick Pirelli SC3 encore brillants. C’est Freddy Foray qui part en repérage pour nous éviter de mauvaises surprises. À son retour, il nous informe que la rivière en sortie de virage 4, est toujours là. Idem virage 5, la flaque est là mais a séché à la corde, il faudra être précis. Sortie du double droit de la partie finale du circuit, magnifique bande d’eau statique pile quand on devrait souder.

En slick, passer une flaque d’eau me semble peu rassurant. À en croire le pilote pro, il suffit de redresser la moto et de mettre les gaz après. Le sport moto est plein de « il suffit de », mais on va se dire que ça passe et simplement y aller.

La position est nouvelle, avec cale-pieds légèrement plus bas (-16mm), guidons légèrement plus hauts (+19mm) mais surtout plus près du pilote de 23 mm. C’est significatif en confort et en prise en main, en laissant toujours assez de place à un grand pilote. En descendant de la 600 pour grimper sur la 1000, celle-ci semble plus basse, alors que c’est tout l’inverse.

Nous n’avons que 2×20 minutes pour appréhender cette CBR 1000 RR-R. Donc les explications sur les 5 modes moteur avec pleine puissance que sur 1 et 2 restera théorique. La piste n’étant pas totalement sèche, le contrôle de traction reste actif à un niveau intermédiaire. Même chose pour l’anti-wheeling.

Par rapport à la 600, elle a énormément plus de couple et près de 100 ch. supplémentaires. Je suis donc prudent sur les premières accélérations et sorties de courbes. Je me traîne encore passablement, mais je sens venir le couple assez vite après les bas régimes. Grâce à la boîte ré-étagée, c’est bien plus cohérent et on n’utilisera plus que la 2e. Alors que je ne suis pas dans le rythme, le shifter de série fonctionne déjà à merveille dans les deux sens. Il est sur son réglage le plus doux et d’un simple geste, les rapports passent. Il reste sensible et en changeant de position sur la moto, j’ai effleuré le sélecteur qui m’a fait une coupure d’injection. Simple question d’habitude, surtout qu’en général je roule sur piste en inversé. Cette opération est d’une grande simplicité sur la 2024 : 1 seule vis à déplacer.

J’effectue mon premier tour complet sans me faire de frayeur sur les zones humides. Couper, redresser puis souder à nouveau casse le rythme, mais je m’y fait. La première, je sors moins large et reste sur le sec, la seconde je l’ai juste vu du coin de l’œil et pour la troisième, on change de trajectoire en entrée pour finir de tourner plus tôt et souder plus vite. La ligne droite se dessine en haut à droite dans mon casque, le moment d’ouvrir la poignée dans l’angle et expérimenter une première fois un passage 3-4-5. Sur l’écran TFT, je vois que je suis vers 4000 tr/min, au pied de la courbe de couple.

Vers l’infini ?

Alors que le régime monte vers le fond de la 3, je prends une bonne claque à l’approche des 8000, là où Honda a trouvé un regain de couple par rapport à la 2022. Deuxième claque en continuant à chercher le rupteur, la bécane hurle jusqu’à 14’000 et je passe la 4. Évidemment je m’accroche car je ne suis pas encore à l’arche avant la petite descente et le premier droite. 220-230-240, un coup de 5e et je freine. Petit bras, tout juste 250, mais ce n’est que mon premier passage.

Le 3 est un virage lent, serré à gauche, qui aurait demandé une première avec l’ancienne transmission. Là on reste en 2, prend le filet de gaz sans trop s’écarter pour passer le gauche 4 avec peu d’angle, car ce coté du pneu n’a pas été sollicité depuis 6 courbes. Doucement ouvrir les gaz en sous-régime c’est facile, le prendre quand on a une bonne louche de couple et de chevaux qui ne demandent qu’à vous satelliser, c’est le moment d’inventer le Split Torque System. L’ouverture des papillons d’admission n’est plus commandée par un, mais deux moteurs. L’accélérateur ride-by-wire gère plus finement la façon dont l’essence s’engouffre dans les cylindres.

Avec 5 modes moteur, les possibilités sont nombreuses. Même dans le mode 1, le plus véloce, les papillons 3-4 ne s’ouvrent qu’après les 1-2, pour apporter de la souplesse. Les premiers s’ouvrent plus vite qu’on ne tourne la poignée, les deux autres s’ouvrent plus brusquement à un moment où l’on est mieux préparé à le gérer. On l’entend d’ailleurs en sortie de virage lent, le son est plus caverneux, on le sent aussi avec des petites vibrations jusqu’à l’ouverture complète de la rampe. Grâce à cela, on est tout en maîtrise, le contrôle de traction aura probablement moins de travail.

Ce qui rend Portimão si intéressant, ce sont ses dénivelés comparables au Lédenon. Donc en sortant du 4 on fonce au sommet d’une colline avec la tour VIP sur la gauche et derrière se cache un double gauche ou une épingle selon le tracé choisi. Freiner après la crête, c’est trop tard et grâce à la 600 je le sais. Donc je tape dans les freins un peu avant, puis je lâche le levier assez tôt pour que le frein moteur continue à me ralentir jusqu’à la corde au fond du creux. Avec le Split Torque, Honda a aussi pu augmenter le frein moteur, pas que le réduire. (Ndlr: là ça devient très technique, sautez la fin du paragraphe si ça vous gave). Pour réduire artificiellement le frein moteur, on ouvre les papillons pour ne laisser entrer que de l’air et réduire l’effet d’inertie du moteur qui tourne sans essence. Pour l’augmenter, le constructeur a pensé à ne laisser entrer de l’air que dans les cylindres 3-4, tout en fermant un clapet dans l’échappement pour que l’air comprimé n’aie plus d’échappatoire et demande au moteur l’effort d’être comprimé, donc générer davantage de frein.

Il y a une autre colline à la moitié du tour, celle-ci avec un virage rapide derrière qui laisse le loisir de passer vite sur la crête. C’est là qu’en MotoGP et Superbike on voit les plus beaux décollages. Moi qui ne suis pas foutu de faire un wheeling, je déleste quand même la roue, mais ça ne dure pas bien longtemps. L’anti-wheeling fait son travail bien qu’il soit un peu en sous effectif contre 217 ch. et la physique.

J’aime bien l’enchaînement qui suit, un droite où on élargit en entrée, nouvelle descente avec un gauche rapide en montée et au sommet, un gauche plus lent. J’approche en fond de 3, pile sur les Stylema R avec à chaque fois un haut-le-coeur tellement le freinage est efficace. Passer la 2, puis entrer dans le gauche genou au sol tout du long.

Le dernier virage est sensationnel: un peu comme la première courbe d’un wagon de grand huit qui vient d’être rappelé en bas par la gravité. On peut entrer vite, mais attention à ne pas exagérer car après la crête, on peut rapidement se faire embarquer vers l’extérieur. Je passe le début de la courbe toujours sur les gaz et la Fireblade ne bouge pas, sa suspension Öhlins travaille pour offrir le meilleur réglage à chaque instant. J’aurais aimé avoir plus de temps pour explorer les possibilités du Smart EC3.0 qui est inauguré sur cette Honda.

Le système demande le poids du pilote sans équipement, puis indique quel réglage de précharge il faut faire avec ses outils. Ensuite il y a 5 paramètres réglables sur le tableau de bord, entre -5 et +5, pour affiner le comportement de la suspension en fonction de ses goûts. Rigidité de l’avant et de l’arrière (-5 est le plus souple). Puis 3 compromis difficiles:

ne pas trop plonger au frein ou avoir une sensation de grip de l’avant ? Plutôt de la traction en sortie ou privilégier la stabilité en maîtrisant les mouvements non désirés ? Moins de mouvements sur l’angle ou plus de grip milieu de courbe ? Je veux tout, je laisse tout sur 0.

(Ndlr: là aussi c’est un paragraphe technique). La suspension peut fonctionner de façon figée en mode M, en mode A elle travaille selon l’analyse des événements, elle sait identifier le moment du freinage pour éviter de plonger et retenir la roue arrière de se lever. Au point de déclenchement elle veut aider à tourner facilement, sur l’angle c’est le grip et la stabilité qui sont recherchés, enfin, à l’accélération elle contrôle le transfert de masse puis maîtrise le cabrage avec une fonction anti-squat qui améliore le grip. Puis recommence le virage d’après, grâce à la centrale IMU elle sait où elle se trouve dans chaque phase de pilotage.

Arrivé là, vous vous demandez si je pouvais enfin  reparler de la ligne droite, avec une entrée correcte et un freinage retardé. Alors oui, j’ai trouvé comment entrer plus proprement dans le dernier droit, sans me faire embarquer vers l’extérieur, puis avec la tête et les épaules bien en direction du vibreur. Dès que je vois la sortie, ouvrir autant que je le suis capable (non, pas réussi à mettre la poignée en butée sur l’angle). Je suis bien mieux placé dans le régime moteur, donc la première claque vient tout de suite, je fais la montée, 4, le compteur affiche 240. La bulle est un peu courte, je prends du vent sur le haut du casque mais pas de quoi me dissuader. 5, je vois 260-270-280, la descente approche, je tiens encore un peu avant de freiner et de me redresser. Selon ma Racebox, j’ai pris 265 GPS.

J’étais déjà séduit par la SP lors de mon essai en 2020, mais là elle atteint un autre niveau : plus docile tout en restant bestiale. Vive, mais redoutable de précision. Performante et confortable pour la piste. J’y mettrais des poly avec une mousse de selle moins glissante, une bulle double rayon et c’est tout. Les cale-pieds sont bien placés et ont du grip, des commandes reculées ne sont pas indispensables. On pourrait disserter sur les durites plastiques qui pourraient être tressées, sous une forte chaleur du fading pourrait apparaître alors qu’en mars par 16° ce n’était pas le cas.

Je pourrais argumenter que le moteur est creux à bas régime, comparé à la BMW qui a un calage variable des arbres à cames. La japonaise a le Split Torque pour elle, que les concurrentes n’ont pas. La CBR 1000 RR-R Fireblade SP a quand même de bons atouts dans la manche. Serait-ce enfin celle qui était attendue en Superbike depuis 2020 ?

Pour vous l’offrir, préparez vous à trouver CHF 28’690.- pour la financer. Si la version Carbon qui est 1 kg plus légère vous fait de l’œil, mettez 1.50 francs par gramme sur le comptoir de votre revendeur. Sachez encore que si vous êtes intéressés à l’essayer sur circuit, elle sera présente à notre sortie AcidTracks de Dijon-Prenois lors du Pont de l’Ascension les 9 et 10 Mai 2024, avec sa sœur, la CBR 600 RR. Inscription sur AcidTracks.ch.

GALERIE

BILAN

ON A AIMÉ :

De la puissance, il y en a plein

Les Stylema R ça freine -très- fort

Le frein moteur augmenté appréciable

Le châssis plus souple, plus facile

ON A MOINS AIMÉ :

Selle glissante

Moteur creux en bas, on attend le calage variable

Toujours très vocale, malgré la baisse du niveau sonore

FICHE TECHNIQUE

Dimensions
Longueur
2'105 mm.
Largeur
750 mm.
Hauteur de selle
830 mm.
Empattement
1'455 mm.
Poids en ordre de marche
201 kg.
Capacité du réservoir
16.5 litres
Électronique
Régulateur de vitesse
Non
Aide au pilotage
Contrôle de traction, anti-wheeling, frein moteur, anti-soulèvement de la roue arrière, amortisseur de direction réglable
Freinage
ABS
Oui sur l'angle
Frein avant
Double disques ø330 mm, étriers Brembo Stylema R 4 pistons
Frein arrière
Simple disque ø220 mm, étrier Brembo bi-piston
Moteur
Type
Quatre cylindres en ligne, DOHC, 16 soupapes
Cylindrée
999 cm3
Refroidissement
liquide
Alimentation
Injection électronique PGM-FI
Partie cycle
Châssis
Châssis double poutre en aluminium
Suspension avant
Fourche inversée Öhlins Smart-EC3.0 NPX ø43 mm
Course av.
125 mm.
Suspension arrière
Monoamortisseur Öhlins TTX36 Smart-EC3.0 à montage Pro-Link
Course ar.
143 mm.
Pneu avant
120/70 ZR 17
Pneu arrière
200/55 ZR 17
Performances
Puissance
217 ch.
Régime puissance max
14'000 tr/min.
Couple Max
113 Nm.
Régime couple max
12'000 tr/min.
Transmission
Boîte
6 vitesses à cassette
Shifter
Oui, bidirectionnel
Embrayage
multidisques à bain d'huile, commande mécanique
Finale
par chaîne
Véhicule
Marque
Honda
Modèle
CBR1000RR-R SP
Année
2024
Catégorie
Sportive
Couleur
Grand-Prix Red (Matte Pearl Morion Black , Carbon Edition)
Prix
28'690 .- CHF
Complément du prix
Carbon Edition 300 exemplaire, CHF 30'190.-
Lien site officiel
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