ESSAI
Dans la famille R12, après le cruiser et le roadster, voici enfin le trail néo-rétro. Avec la R12 G/S, BMW ne cherche pas simplement à évoquer le passé : elle le réinterprète avec une machine capable d’évoluer aussi bien sur route qu’en tout-terrain. Ce nouveau modèle s’inspire ouvertement de la R80 G/S de 1980, jusqu’à ses coloris. La déclinaison blanche avec stickers bleus et selle rouge joue la carte du clin d’œil assumé, tandis qu’une version noire à fourche dorée vise plus de discrétion — toute relative.
Une troisième finition sablée, proposée via l’Option 719 et appelée Aragonite, rend hommage aux machines du Dakar, avec des pièces exclusives et une peinture mate. Les reposes-pied sont noirs et taillés masse avec des parties dépolies. Les leviers, les couvercles de réservoir et le bouchon d’huile sont tous estampillés Option 719. Même la selle exclusive qui reprend les couleurs de la moto jusqu’à la touche de rouge, porte cette inscription sur une étiquette.
La fourche noire lui est réservée, avec les tés et pontets argentés pour tenir le guidon noir. Le collecteur chromé du catalogue des options est aussi ajouté avec des protèges-main noir.
Le moteur est bien connu : il s’agit du dernier flat-twin 1’170 cm³ refroidi par air et huile, déjà vu sur les dernières R1200GS jusqu’à 2016 et au cœur de la R NineT depuis 2014. Il délivre 109 ch et se montre volontaire à bas régime. Même à 1’100 tr/min, il permet de redémarrer sans encombre, jusqu’à des démarrages en côte dans la caillasse avec facilité.
Son couple généreux fait merveille en tout-terrain, et son comportement sur route reste agréable et adapté aux limitations de vitesse suisses. Seul point faible : la protection au vent, quasi inexistante, qui limite les longues étapes à rythme autoroutier. Même réflexion pour la roue avant de 21″, plus la vitesse augmente, moins on l’apprécie, car elle est étroite et grande, donc perd en stabilité.
La prise en main sur la route lors de la matinée s’est faite très facilement. Je reconnais le pneu partiellement typé offroad et la dimension des roues se ressent rapidement. En plus, la route est humide, je teste le mode pluie avant de basculer à road, car le contrôle de traction est à l’œuvre et je n’ai pas vu d’alerte sur l’ensemble des kilomètres parcourus.
L’embrayage à commande hydraulique est un incontournable sur ce moteur. On le commande du bout du doigt si on le souhaite et grâce au Shift Assistant Pro, on monte et descend les vitesses sans le commander. Selon le régime moteur, cela manque un peu de douceur. On aura meilleur temps de ménager la mécanique en s’employant sur le levier gauche.
L’ergonomie a été soigneusement pensée. La moto se pilote debout avec aisance, les genoux trouvent naturellement leur place contre le réservoir, et la position de conduite est équilibrée. BMW insiste sur le rôle de ce réservoir dans la posture du pilote : sa forme a été modelée en argile dès les premières phases du projet et les pilotes de développement ont pu donner leur avis pour optimiser à la fois le look et la préhension.
Les cylindres ne gênent pas, et le guidon tombe parfaitement sous les mains. Un simple pivotement de 10° du guidon vers l’avant permet de gagner 25 mm de hauteur et 12 mm vers l’avant, modifiant sensiblement le comportement sans avoir à choisir d’option supplémentaire.
Un pack Enduro Pro est proposé en option. Il comprend notamment des repose-pieds plus robustes et plus larges, une roue arrière de 18” avec des pneus Metzeler Karoo 4 plus adaptés au tout-terrain, des pontets de guidon surélevés de 20 mm et une garde au sol augmentée grâce à la fourche descendue dans les T de 12 mm (d’origine 15 mm dépassent, Enduro Pro 3 mm dépassent). Ce pack inclut aussi une pédale de frein avec appui réglable, pensée pour faciliter les manœuvres en position debout. Mais attention : ce pack est conçu pour les pilotes qui font réellement de l’offroad. Sur route, les rehausses de guidon peuvent nuire au confort et au feeling surtout des pilotes plus petits.
La hauteur de selle standard, en selle banquette monoplace ou selle biplace 719, est de 860 mm. Avec roue arrière de 18″, on monte de 15 mm pour arriver à 875. Il reste la selle rallye optionnelle, qui monte la hauteur de selle à 880 mm pour la roue de 17″ ou 895 mm avec la roue plus grande.
Comme sur la R12 NineT, l’instrumentation est disponible en deux versions : un compteur rond analogique avec écran secondaire, ou un écran digital identique à celui du CE-02. Les motos d’essai étaient toutes dotées du pack Confort, avec régulateur de vitesse, poignées chauffantes, phare rond « headlight Pro » à LED, un sabot moteur et un contrôle de la pression des pneus. Avec le Connected Ride Control, le Bluetooth est de la partie pour connecter son smartphone et afficher la navigation, contrôlable via la molette au commodo gauche.
Il y a tout juste un mois, j’étais à l’Enduro Park Lastours, où un domaine de 1000 hectares accueille les motards. Je découvre Hechlingen qui ne fait -que- 30 hectares, mais avec des investissements colossaux comme le bâtiment d’accueil, les garages, etc. Ainsi, je me réjouis de découvrir ce site au guidon d’une R12 G/S avec les options de Confort et Enduro Pro. Par rapport à la Option 719 Aragonit, je la trouve plus désirable en blanc et avec les cercles de jante dorés, elle serait encore plus belle. Ce phare rond qui évoque le vintage mais avec cette croix en LED qui met en évidence la nouvelle identité des GS est une réussite.
L’après-midi commence par une boucle d’échauffement alors que le guide nous a simplement interrogé sur notre niveau ressenti en offroad. Sans être prêt au GS Trophy, je repousse volontiers mes limites et ne compte pas refuser d’obstacle. On commence par prendre de la hauteur sur un chemin blanc tout ce qu’il y a de plus accessible. Le guide dessine quelques écarts pour proposer de petits singles trails, histoire d’être mobile sur la moto et expérimenté un peu sa maniabilité.
Épingle à gauche, on s’enfonce dans un sous-bois humide, mais le sol est compact et facile à rouler avant de sortir sur une prairie avec divers exercices. Au bas d’une butte, il faut prendre une courbe dans une zone très humide et que je découvre extrêmement glissante en y posant ma roue avant. Première alerte, mon élan et mon regard m’ont probablement évité la chute. On traverse deux fois une fosse remplie de petits graviers, un enfer où il ne faut pas s’arrêter, garder des gaz, mettre son poids en arrière bien sur ses appuis. Ensuite, on retourne sur la zone glissante comme du verglas, seconde alerte, pas de chute non plus, ouf. À l’autre bout de la prairie, il y a une fosse de sable : 1. j’en ai peur je ne veux pas y aller, 2. faudrait que j’y aille car j’aimerais essayer ce sol très mou. Seulement on retourne dans la forêt pour continuer le tour du propriétaire.
Du sommet qui domine la zone, on voit les nombreuses places d’exercice du parc. Exceptionnellement, le parc a obtenu l’autorisation de rouler sur des chemins forestiers alentour pour des sensations plus roulantes, plus cross country. Jusqu’à 80 km/h, on roule confortablement, sur un filet de gaz en 4e.
Pour les photos, deux passages dans chaque sens sur un plateau pour des filés avec une petite partie raide qui tourne très sec en bas. J’ai pensé à tourner la pédale de frein dès le début, j’ai un très bon feeling du frein arrière avec mes bottes en position debout.
Ensuite quelques photos sur des bosses, montée-descente, avant d’aller sur un petit single trail. Surprise, ici aussi, il y a une fosse de sable, il faudra la traverser pour faire des photos. J’ai vu les participants du GS Trophy galérer dans le sable de Namibie, j’appréhende de m’élancer. La théorie, c’est maintenir un filet de gaz, se faire lourd sur les cales-pied, ne pas hésiter à faire des mouvements de squat si le grip vient à manquer.
Premier passage, j’ai les yeux rivés sur la sortie de la fosse et rentre avec assez de gaz. Tout sur l’arrière, je tiens à peine de guidon et sort pratiquement en ligne droite. Second passage plus compliquer, la roue avant change un peu de direction et je dois me rétablir. Mais je ne me suis pas arrêté, c’est l’essentiel. Reste des photos dans un passage à guet, une formalité.
Photo bonus : j’aimerais bien me voir avec les deux roues en l’air, mes quelques journées de motocross m’ont donné le goût aux sauts. En 3 tentatives, c’est dans la boite et je suis plutôt content du résultat.
De retour au camp de base, il nous reste du temps et le guide nous propose du rab. Évidemment que j’y retourne ! On est parti faire des passages plus difficiles, des montées plus escarpées, des singles trails plus techniques, même un passage en forêt où le chemin était trop glissant pour être emprunté. Par quatre fois, une moto a été accompagnée au sol dans ces conditions. Mais c’était dû au pilote, on a pas vu la limite de la R12 G/S dans tout ce qu’on a fait.
Durant notre essai dans l’Enduro Park de Hechlingen, nous avons pu valider les capacités de la R12 G/S en terrain accidenté : sable, graviers, boue, franchissements… Rien ne lui a vraiment résisté. Seul bémol, une première un peu longue pour les passages techniques très lents, obligeant à jouer un peu de l’embrayage. Grâce au mode Enduro Pro, il est possible de désactiver complètement le contrôle de traction pour gérer soi-même la motricité sur sol meuble.
Face à une F900GS plus radicale ou une R1300GS plus encombrante, cette R12 G/S trouve une place bien à elle. Elle reprend la motorisation Boxer dans une formule plus légère et plus accessible. Elle pourrait bien devenir un petit secret bien gardé chez les amateurs d’offroad. Malheureusement, 109 chevaux sont 14 de trop pour être bridable à 35 kW, les débutants devront se faire la main sur un autre modèle.
La R12 G/S est affichée à partir de CHF 17’390.–, hors options. Pour 2’000.- de moins, ils submergeaient le marché. Là, c’est tout de même une somme élevée pour une moto de ce genre. Disponible en trois coloris, elle peut être configurée avec les packs d’équipements proposés sur le site officiel de BMW Motorrad Suisse.