VOYAGE
Le programme de cette aventure de douze jours et 2’500 km, s’annonçait ambitieux : franchir le col le plus haut d’Amérique du Sud entre l’Argentine et le Chili, explorer le désert d’Atacama, rejoindre les hauts plateaux boliviens pour tenter l’ascension du volcan Uturuncu, puis traverser le Salar d’Uyuni, le plus grand désert de sel du monde, avant de rentrer en Argentine rejoindre Salta, notre point de départ.
Dans les faits, les choses ne se sont pas tout à fait déroulées comme prévu et ces imprévus et défis ont transformé ce voyage organisé en une véritable aventure !
Je connais Guy et Ola de Motobirds depuis quelques années, après avoir voyagé avec eux en Tanzanie en 2022, en pleine période de Covid. C’était mon premier voyage organisé, et après de années à voyager en solo, j’avais apprécié de pouvoir rouler sans avoir à me soucier de l’organisation ou de la logistique et de profiter uniquement du plaisir de rouler. Depuis que ma situation familiale et professionnelle ne me permet plus d’escapades de plus de 2 semaines, je suis devenu le public cible pour ce genre de trip permettant de maximiser le temps de roulage des contrées exotiques.
Cap vers le désert d’Atacama par la Ruota 40
La première partie de notre voyage, d’environ 1’000 kilomètres parcourus en trois jours, nous conduit de Salta, en Argentine, jusqu’à San Pedro de Atacama, au Chili. En chemin, nous traversons San Antonio de los Cobres, un village perché à 3’750 mètres d’altitude.
Notre groupe se compose de 18 participants : tous Polonais, à l’exception d’un couple d’Allemands et moi-même. L’ensemble est homogène, avec un bon niveau général en conduite tout-terrain.
Nous débutons par une portion asphaltée, idéale pour prendre en main nos Yamaha XTZ 250 de location. Rapidement, nous rejoignons une ancienne section de la mythique Ruta 40. Aujourd’hui, de nombreux tronçons de cette route ont été modernisés, mais certains segments originels, non goudronnés, subsistent encore — pour notre plus grand plaisir, en tant qu’amateurs de pistes et de défis en pleine nature.
Dès que nous quittons la périphérie de Salta — et plus encore dès que l’asphalte laisse place à la piste — la taille de notre groupe cesse d’être un problème. Moi qui redoute les balades en file indienne, je suis rapidement rassuré : chacun trouve son rythme, et la sensation de liberté s’installe naturellement.
Encadrés par nos deux guides, chacun au guidon de sa KTM 690 Enduro, le groupe s’étire progressivement le long de la piste, formant de petits sous-groupes ou s’isolant au gré des envies. Très vite, on se retrouve presque seul face à l’immensité, avec le confort de savoir qu’un véhicule d’assistance ferme la marche, prêt à intervenir en cas de besoin.
Les pistes sont larges, roulantes et pratiquement désertes. En chemin, nous ne croisons que quelques motards aventureux sur des Royal Enfield Himalayan — et, plus inattendu encore, sur des Moto Morini X-Cape.
Les chaînes andines offrent un tout autre visage que nos Alpes : les reliefs sont bruts, les paysages balayés par le vent, et les couleurs varient dans un dégradé spectaculaire, allant du rouge profond au vert tendre, du gris au noir. Le contraste est saisissant!
Depuis Seclantas, les intempéries des derniers jours ne nous permettent pas d’emprunter le col le plus haut de la région ; l’Abra de Acaya (4’972m). Les glissements de terrain et le niveau élevé de plusieurs rivières sont infranchissables selon les locaux.
Heureusement, il existe un autre itinéraire, certes moins « héroïque », mais absolument magnifique. On part sous un ciel noir qui n’annonce rien de bon, mais qui finalement se retiendra de nous asperger. La première section de la piste est glissante et boueuse, avec cette terre rouge qui colle bien aux pneus. On dénombre quelques chutes sans gravité. Il faut dire que nos petits mono-cylindres ne pèsent que 140 kg et sont facile à relever.
En fin de journée, nous atteignons la ville minière de San Antonio de Los Cobres, à 3’750m.
Je ressens bien les effets de l’altitude et après une nuit assez pénible, nous repartons pour une belle étape de 400km qui doit nous amener à San Pedro de Atacama au Chili. Il fait 6°C ce matin lorsque nous prenons la route. Sous ma combinaison Klim Carlsbad, je porte une couche Redline Outlast et une couche Mérino, c’est ok, mais limite…
Les premiers 140 km, sont de la piste et nous roulons à plus de 4’000 m au milieu des Andes. Pas de réseau téléphonique ni d’internet de la journée, mais, cerise sur le gâteau, très peu de traces de l’homme. Même les habituelles lignes haute tension ne font ici pas partie du paysage.
En début d’après-midi nous faisons une halte dans un restaurant surgit de nulle part. C’est la première construction humaine que nous observons depuis le viaduc de Polvorilla. Une partie de mes compagnons de route se ruent au comptoir pour commander des bières comme si leur vie en dépendait, et les autres, comme moi, réalisant qu’il y a un réseau wifi Satellite, s’empressent de se connecter pour vite consulter des futilités sur les réseaux sociaux.
Les douaniers ripoux
Le passage de la frontière se passe bien et assez vite pour nous. Je repars rapidement en direction de notre destination, la ville de San Pedro de Atacama sans vraiment me soucier de ce qui se passe derrière moi. Du côté chilien, c’est entièrement goudronné et nous roulons au maximum de ce que la petite Ténéré 250 peut donner à 8’000 tr/min, soit à presque 123 km/h d’après le compteur digital.
Le paysage se transforme radicalement. Les teintes vives laissent place à une palette plus austère : une mer de beiges, ponctuée çà et là de buissons vert pâle, s’étend à perte de vue. Le décor devient aride, presque lunaire, baigné dans une lumière sèche. Quelques groupes de lamas apparaissent. En route, un panneau solitaire nous rappelle notre isolement : aucun réseau téléphonique sur les 130 prochains kilomètres. Le message est clair — Mieux vaut ne pas avoir un accident ici!
Quand j’arrive à notre hôtel, j’apprends par Piotr et Aga, qui sont équipé du système de communication par satellite In Reach, que notre voiture d’assistance est restée bloquée en douane!
Les douaniers argentins ont fait du zèle, et le plus étrange, est que ce ne fût même pas pour essayer de nous extorquer de l’argent. Ils ont simplement décidé que la voiture ne passera pas pour une sombre histoire de liste de pièces manquantes ! Nos accompagnants ont dû décharger tous les bagages et faire demi-tour en direction de Salta pour chercher une autre voiture. Guy, qui a passé cette frontière des dizaines de fois, n’en revient pas ! Tout le monde étant parti, il doit rester sur place avec nos bagages afin de s’assurer que personne ne les vole.
À peine descendue de sa moto, Ola commande un taxi et repart de San Pedro vers la frontière pour chercher les bagages.
Guy, qui est resté seul sur place pour sécuriser les bagages, a passé l’après-midi à se les geler. Ce n’est que vers les 23h30 que le couple arrive triomphant avec nos bagages à l’hôtel ! Guy est congelé. A plus de 4’000 mètres, la température est fraîche durant la journée, mais quand le soleil se couche, elle dépasse rarement le zéro. Pour notre part, nous avons tous passé une soirée sympa dans le restaurant du luxueux hôtel où nous faisons étape pour 2 nuits.
Heureusement, la journée suivante est une journée libre. Certains profitent d’aller visiter les attractions des alentours, d’autres pour se reposer à la piscine de l’hôtel, car ici, la température est très agréable. Comme j’avais déjà visité les attractions de San Pedro en 2007, je profite pour ma part de la bonne connexion internet pour régler quelques urgences au travail.
La Bolivie, ça se mérite!
Pour passer la frontière bolivienne, nous rebroussons chemin en direction de l’Argentine sur une cinquantaine de kilomètres jusqu’au poste de frontière qui se situe à 4’480 mètres d’altitude sur le col de Hito Cajón. Guy et Ola sont rassurés, notre pickup d’assistance est au rendez-vous! Cette fois nos gars sont passés, mais on leur a tout de même confisqué toutes les pièces de rechange, y compris les chambres à air !
L’attente s’éternise — près de quatre heures à patienter dans une salle qui ne compte que quelques chaises — pendant que la moitié du groupe découvre les joies du mal des montagnes. Mais bon, restons positifs. Un bon vieux mal de crâne, ça reste un luxe ici. Parce qu’attraper la tourista dans ce coin perdu, c’est un aller simple pour l’enfer… surtout si vous aviez eu le malheur de jeter un œil aux toilettes.
L’immensité de l’altiplano bolivien est une grosse claque visuelle. Nous longeons un lac aux couleurs irréelles, sur une piste isolée, mélange de tôle ondulée et de sable, dans un paysage sans la moindre trace humaine. Sans hésitation le plus beau paysage de tout le voyage à mes yeux.
Un peu plus de 2 heures et 100 km de piste nous sépare de notre destination, un petit village du nom de Quetena Chico, premier lieu habité depuis le passage de la frontière. C’est très basique, mais comme vous le savez certainement derrière vos écrans, l’aventure ça ne se vit que rarement dans des hôtels 5 étoiles.
Ici, à 4’200 m et à près de 330 km de Uyuni, la prochaine ville de taille moyenne, les gens vivent isolés et sont pauvres. Il n’y a pas de réseau téléphonique ni d’internet. Mise à part quelques habitations, l’école et 2 petits magasins, il n’y a rien. Dans une région où les températures ne dépassent que rarement les 10°C, les habitations basiques, en briques avec toits en tôle ondulée ne sont pas du tout isolées.
L’Uturuncu : mon premier 6’000 m… raté !
Le volcan Uturuncu domine la région du haut de ses 6’008 mètres. En moto, on peut grimper jusqu’à environ 5’700 mètres, ne laissant « que » les 300 derniers mètres à gravir à pied — de quoi assurer un selfie héroïque pour briller quelques secondes sur Instagram… en théorie. Car une fois de plus, la météo en a décidé autrement.
Dès 5’000 mètres, une fine couche de neige commence à recouvrir la piste. Malgré les difficultés, un tiers du groupe parvient, non sans effort, jusqu’au premier parking à 5’200 mètres. Là-haut, près de 10 cm de neige recouvrent le sol : inutile d’insister, la suite est impraticable. Avant de redescendre, nous immortalisons l’instant avec une photo de groupe dans ce décor inattendu de haute montagne.
Avec une demi-journée à tuer dans un village aussi reculé que silencieux — sans le moindre réseau, ni téléphone, ni internet — l’apéritif s’impose comme la seule activité socialement acceptable. Installés devant notre hôtel, nous savourons quelques rayons de soleil miraculeusement apparus.
Les Polonais, eux, ne font pas dans la demi-mesure : ils ont littéralement dévalisé les deux minuscules épiceries locales, ramenant un assortiment de bouteilles si varié qu’on peut raisonnablement supposer qu’ils ont acheté tout l’alcool disponible du village.
La journée se termine sur une note culinaire mémorable : nos hôtes ont tenté de nous servir des spaghetti bolognaises pour le souper. Disons que visuellement, c’était plausible… mais au goût, ça relevait davantage de l’expérience. Heureusement, nous nous étions déjà empiffrés de chips tout l’après-midi!
Uyuni : le désert de sel inondé de touristes…
Ce qui me fascine chez mes compagnons de route polonais, c’est que peu importe ce qu’ils boivent la veille, le matin ils sont tous frais et prêt à partir à l’heure. Mon dieu, si j’avais fait pareil, il aurait fallu me transporter avec une perfusion dans la voiture d’assistance !
Les quelques 330 km qui nous séparent de la ville d’Uyuni sont un joli challenge. Une demi-douzaine de rivières à traverser et toujours si peu de trafic. A mi-chemin nous faisons une pause pour manger avant de reprendre la route sur une piste plus roulante. Le ciel noir nous guette et, cette fois, nous n’y échapperons pas. La piste devient subitement détrempée.
Uyuni, n’a quasi pas de routes goudronnées. Quand il pleut, ça devient rapidement le chaos, les rues se transformant en magma boueux. Il nous faut près de 45 min de patience pour faire le plein à l’une des 2 stations de la ville avant de rejoindre l’hôtel, trempé et congelé. Celui-ci ne paie pas de mine de l’extérieur, mais en fait, une fois à l’intérieur, c’est la surprise! Un hôtel aux standards quasi européens avec de grands lits confortables.
Toute la décoration intérieure de l’hôtel est faite de sel, les lits sont hyper confortables et surtout, on peut prendre une longue douche bien chaude, la première en 3 jours!
Nous devons malheureusement renoncer à nous aventurer sur le Salar à moto. Le plus grand désert de sel du monde est inondé avec près de 10 cm d’eau. Imaginez les dégâts causés par le sel sur les motos…
Comme des centaines de touristes chaque jour, nous finissons nous aussi par grimper dans un Land Cruiser poussiéreux, à trois ou quatre par véhicule, affublés de bottes de pêcheur. Une très longue journée nous attend.
Je connaissais déjà Uyuni, pour y être passé en 2007 lors de mon tour du monde. Dix-huit ans plus tard, le choc est brutal : rien n’a changé. Malgré son statut de carrefour touristique majeur, la ville semble figée dans une sorte de décrépitude assumée. Toujours aussi déglinguée, toujours aussi poussiéreuse. La seule vraie évolution que je remarque ? Maintenant, tout le monde a un smartphone.
L’incroyable cimetière de train était tellement bondé de touristes chinois prenant la pause pour les réseaux sociaux, que j’ai même renoncé à sortir le drone.
Sur les traces de Butch Cassidy
Si la légende n’avait pas fait de San Vicente, petite ville minière perdue entre Uyuni et Tupiza, le théâtre de la mort d’un des hors-la-loi les plus célèbres du XIXᵉ siècle (du moins dans le cinéma Américain), nous nous serions sans doute épargnés la journée la plus éprouvante — mais aussi la plus mémorable — du voyage.
Au matin, après une nuit de pluie ininterrompue, nous quittons la boueuse ville d’Uyuni pour rejoindre Tupiza, dernière étape avant la frontière argentine. Guy, au gré de ses nombreux voyages dans la région, avait découvert par hasard San Vicente et son modeste musée dédié à Butch Cassidy. Il nous propose un détour de 150 km de piste.
Nous atteignons cette bourgade sous une pluie fine, après avoir franchi un col à près de 4’800 mètres.
Ola qui nous rejoint avec la voiture de support a emmené une caisse d’empanadas pour nous restaurer en attendant que quelqu’un ouvre ce fameux musée. Il faudra 3 personnes qui arriver à bout du cadenas, qui n’a probablement pas été ouvert depuis quelques années. Le musée Butch Cassidy n’est ni plus ni moins qu’une pièce remplie de vieux trucs poussiéreux, comme une machine à écrire, quelques appareils photos, un fusil et autres vieilleries. De notre fameux Butch Cassidy, on ne trouve qu’une photo, un agrandissement de son portait et une reproduction pixellisée d’une affiche « Dead or Alive ». Si ça ce n’est pas la plus grande supercherie depuis l’invention des musées !
Nous remettons les voiles car il nous reste bien 3 heures de route jusqu’à Tupiza. L’état de la piste empire kilomètre après kilomètre, et nous progressons de moins en moins jusqu’à atteindre une section qui a été emportée par la rivière. Guy et Ola partent en éclaireurs sur quelques centaines de mètres pour juger de la situation.
Décision est prise de faire demi-tour, le risque de rester coincé à cette altitude pour la nuit est trop grand. La pluie s’invite également à la partie et de là, il nous faut rebrousser chemin sur une piste qui devient boueuse, remonter à 4’800 m trempé et congelé avant de rejoindre la route principale. D’ici, il nous reste tout de même 70 km de route goudronnée pour atteindre Tupiza, avec la nuit qui commence à tomber et nos réservoirs presque vides.
Ironiquement, notre hôtel s’appelle… Butch Cassidy ! Décidément celui-ci on ne l’oubliera pas !
Une bonne douche chaude et une grosse ration de poulet frites nous remet d’aplomb. Certains vont se coucher à 21h, congelés et lessivés par cette journée épique et d’autres finiront bien tard à festoyer dans la salle commune de l’hôtel… J’en ai vécu des journées difficiles à moto, mais celle-ci, je pense qu’elle fera office de nouvelle référence pour le futur. Le plus dur, ce n’est pas vraiment de rouler sous la pluie, mon équipement Klim a bien fait le job, mais c’est surtout de rouler avec les mains et les pieds mouillés quand il fait si froid.
Retour en Argentine
Depuis Tupiza, nous rejoignons le dernier village avant la frontière, ultime occasion de liquider nos derniers bolivianos. J’en profite pour acheter deux caleçons, histoire de prolonger de quelques jours l’illusion de la propreté sans passer par la case lessive, ainsi qu’un coupe-vent — je dois l’admettre, j’avais été un brin trop minimaliste dans le choix de mes vêtements.
Le passage de la frontière nous prend près de trois heures, ponctué d’allers-retours absurdes entre les guichets, de tentatives désespérées pour remplir un formulaire en ligne sur un réseau Wi-Fi aussi capricieux qu’un lama affamé. Le comble ? Il n’existe pas de version papier! C’est smartphone ou rien. Et pour couronner le tout, je me retrouve à prêter mon stylo au douanier puisque le sien a rendu l’âme. On touche au burlesque administratif.
De retour en Argentine, il nous reste 140 km d’asphalte que nous avalons à vive allure. À 8 000 tours/minute, nos infatigables petits monocylindres refroidis à air parviennent de justesse à dépasser les 120 km/h selon le bon vouloir du vent. Le ciel, lui, charbonne du noir, menaçant de nous engloutir dans un orage biblique!
Finalement, nous nous faisons rincer, mais gentiment — bien loin du cataclysme que le ciel promettait. Nous nous offrons même le luxe d’admirer un magnifique arc-en-ciel, mais à ce point, j’ai la flemme de m’arrêter pour prendre des photos. D’autant plus qu’il est toujours difficile de remettre les gants quand on a les mains mouillées.
Nous atteignons Humahuaca, une bourgade qui ne manque pas de charme, avec quelques façades d’inspiration coloniale qui mériteraient presque qu’on s’y attarde un peu plus longtemps, si on avait le temps!
Le contraste avec la Bolivie est flagrant. Il y a un facteur 3 à 4 entre les prix boliviens et argentins, mais également sur la nourriture, qui est bien meilleure ici. Le coût de la vie ici pour un voyageur est comparable aux pays d’Europe de l’ouest pour l’hébergement et la restauration. Dans mes souvenirs des 3 mois et demi passés en Amérique du Sud en 2007, c’était 20 balles la chambre double et 10 balles pour un repas…
Départ en catastrophe ce matin. Thomek — mon colocataire de chambre — et moi découvrons avec horreur qu’il y a un décalage horaire avec la Bolivie… au moment même où tout le monde est déjà prêt à partir. Réveil-panique. En dix minutes chrono, nous jetons nos affaires dans nos sacs, sautons dans nos bottes encore mouillées de la veille et top départ.
Rapidement, nous grimpons à nouveau vers les hauteurs : 4’300 mètres d’altitude avec un thermomètre qui affiche 5°C.
La journée continue sur de belles routes sinueuses, entrecoupées de passages plus techniques. Première rivière à traverser : le courant est fort, et le moment assez épique pour que je sorte le drone et immortalise la scène. Pas de chance pour l’une d’entre nous : une moto finit à la flotte.
Notre duo d’assistance en pick-up se charge de faire une vidange d’urgence et de changer le filtre à air. Je pensais que la douane leur avant tout saisi, heureusement que non!
Le vrai moment surréaliste de la journée arrive plus tard, alors que nous grimpons notre dernier col, à près de 4’500 mètres, dans un brouillard glacial et poisseux. Et là, surgissant du néant, un motard bolivien nous croise, tranquille, sans casque ni gants, protégé par le capuchon de son pull à capuche.
Je reste bouche bée. Moi, avec mon équipement technique dernier cri et mes trois couches thermiques, je suis en train de geler sur place, et lui roule peinard comme s’il allait acheter du pain! Décidément, on ne doit pas être fait du même alliage!
En fin de journée nous atteignons le minuscule village de Caspala, après avoir roulé sur des pistes de montagne toute la journée. Nous nous demandons bien comment quelqu’un a pu avoir l’idée de venir habiter ici. Il n’y a rien à des kilomètres à la ronde et les 2 chemins pour y arriver sont tout, sauf accessibles facilement.
L’habitation est très basique, mais dans les 2 douches partagées il y a de l’eau chaude et surtout, il y a du WIFI! Incroyable, car encore une fois, il n’y a même pas de réseau téléphonique ici.
Depuis là, nous redescendons en traversant le parc national de Calilegua et son climat subtropical ; Ici la végétation est verte et luxuriante, la température devient agréable mais la pluie elle, semble vouloir nous accompagner jusqu’au bout !
En pénétrant dans la périphérie de Salta, le contraste avec les jours que nous avons passés quasi seuls sur les pistes est saisissant. Il y a beaucoup de trafic, des routes à plusieurs voies, et, surtout, je suis très surpris de voir qu’une grande partie des motards roulent sans casque ici!
Le mot de la fin
Malgré une planification minutieuse, le froid mordant, l’altitude étouffante et surtout une météo souvent capricieuse ont mis nos nerfs à rude épreuve ainsi que nos corps — et parfois même nos motos. Certes, nous n’avons pas franchi le col le plus haut du continent, ni roulé sur l’immensité blanche du Salar d’Uyuni, et l’Uturuncu a résisté à notre assaut. Mais à bien y réfléchir, c’est peut-être précisément ce que nous n’avons pas fait qui donne toute sa valeur à ce voyage.
Parce que dans ces imprévus, ces détours forcés et ces galères partagées, se sont nichés les souvenirs les plus forts. Chaque piste défoncée, chaque rivière traversée, chaque rayon de soleil volé au ciel andin a renforcé cette sensation rare : celle de vivre une véritable aventure, brute et imprévisible, loin du confort et des certitudes.
Après ces moments forts, c’est l’heure du dernier repas tous ensemble à Salta, puis chacun repart de son côté. Certains en profitent pour voler au Pérou et visiter le Machu Pichu, ceux qui on envoyé leurs motos depuis la Pologne dont Guy et Ola repartent pour 7 jours d’off-road pour rejoindre Valparaiso et moi ? Je m’apprête à enchaîner mes 3 vols en un peu plus de 25 heures pour être à l’heure au travail lundi!
Coûts et organisation
Aucun visa nécessaire pour l’Argentine, le Chili et la Bolivie pour les citoyens européens. Il faut juste un passeport avec min 6 mois de validité.
Le voyage coûte 4’950 €, incluant : 14 nuits d’hôtel avec petit déjeuners, location de la moto, assurance, assistance en cas de panne, photos et un t-shirt souvenir. Comptez environ 2’000 CHF pour les vols de Genève jusqu’à Salta et environ 1’000 à 1’500 CHF pour les repas, l’essence et les souvenirs.
Si vous désirez faire le voyage avec votre propre moto, sachez que c’est possible également. Motobirds étant spécialisé dans le transport et l’envoi de motos partout dans le monde. Trois clients on fait ce choix durant ce voyage.

MotoBids
Motobirds est une société spécialisée dans le transport de motos partout dans le monde et l’organisation de voyages accompagnés vers les destinations les plus spectaculaires de la planète. Fondée en 2013 par Aleksandra, grande voyageuse, rejointe plus tard par Guy, son compagnon belge, tous deux ont sillonné les routes du monde entier en solo et en duo avant de partager leur passion avec leurs clients.
Ils proposent des voyages en Chine, Tibet, Namibie, Bhoutan, Amérique du Sud, Costa Rica, Ladakh, Tanzanie et bien d’autres destinations.
Motobirds se distingue également par des voyages exclusivement féminins, pensés pour les motardes en quête d’aventure, dans une ambiance bienveillante et solidaire.
La clientèle est internationale, mais pas d’inquiétude pour les francophones : Guy est belge !