ESSAI
Avant de se plonger dans le fond du sujet, évoquons les deux motos qui font l’objet de notre essai. Tout d’abord la CB650R c’est le roadster mid-size dont les ventes se sont toujours situées dans le top 5 au niveau européen de ces 5 dernières années. Affilié au segment des Néo-sport Café, c’est un roadster au sens strict : un unique phare rond, un guidon droit et un 4 cylindres habituellement casé dans une sportive. C’est comme ça que ces modèles sont apparus au départ.
La version 2024 s’offre un nouveau phare en forme de goutte, orné de LED. Les écopes latérales deviennent ovales vues de face, moins pointues vues de profil. L’ensemble du design est un peu plus incliné vers l’avant. Le collecteur 4 en 1 chromé fait partie du style affirmé de la CB650, un héritage des premiers 4 cylindres à nu. Le moteur noir avec les carters couleur bronze donne un élément visuel sur lequel l’œil peut s’arrêter, alors que le choix de couleur est plutôt sobre avec du noir, du gris et un vert sombre satiné.
La CBR650R est la sœur sportive de la CB. Ses gènes de CBR sont exhibés fièrement, clairement apparentés aux CBR600RR et Fireblade tout juste mises à jour. Mais Honda ne pousse pas le vice jusqu’à mettre des ailerons inutiles sur la 650. La pointe entre les phares l’assimile bien au reste de la gamme, tout comme le schéma de couleurs noir ou rouge Grand Prix. Son moteur est entièrement noir, partiellement caché par les carénages. Là aussi, le design est généralement plus incliné vers l’avant, apportant du dynamisme à une moto qui dégageait peu d’émotions à l’arrêt.
Techniquement, les deux motos sont identiques : seule la position des guidons change et la garde au sol est réduite par les habillages sur la CBR. À cause du design sportif, les canaux d’admission d’air ont une forme différente qui fait passer la moto à 96 dB lors de l’homologation, alors que le roadster est donné pour 95 dB. Les demi-guidons sont en position bracelet sous le T de fourche supérieur et remonte un peu pour ne pas être trop extrême.
La suspension a été revue par rapport à la version 2023, mais uniquement en interne. La fourche est une Showa SFF-BP non réglable de ø41 mm tandis que l’amortisseur est réglable uniquement en précharge. Le système de frein est composé de deux disques ø310 mm pincés par les étriers radiaux 4 pistons de Nissin. À l’arrière, ø240 mm et étrier 1 piston du même fournisseur. L’ABS est un 2 voies, c’est à dire une centrale conventionnelle sans IMU. Il y a un nouvel écran TFT qui sert de tableau de bord, avec un commodo gauche repensé pour intégrer un bloc quadri-directionnel. Si visiblement j’avais un doute, il fonctionne très bien.
Ces deux modèles existent avec la transmission standard, mais ce sont aussi les premiers à être proposés avec l’E-Clutch. En quelques mots, c’est un remplacement de l’action du pilote sur le levier d’embrayage. Contrairement au shifter/blipper qui n’assiste que lors des changements de vitesse, E-Clutch est capable de mettre en mouvement la moto ainsi que de l’arrêter en plus de changer les vitesses. On peut totalement oublier son embrayage, comme c’est le cas sur une DCT.
Seulement le système n’est composé que de 2 moteurs et une unité de contrôle. Le tout trouve place dans un simple carter moteur adapté alors que le reste est identique. Reste aussi à adapter le faisceau pour que l’alimentation et les informations circulent entre les unités. Par conséquent on ne peut pas faire monter l’E-Clutch après coup.
L’une des innovations nécessaires, est un axe de commande d’embrayage « débrayable ». Car le souhait de simplicité du système est de se greffer sur la moto mais de pouvoir être ignoré. Donc les deux moteurs commandent le même axe que notre câble d’embrayage. Mieux ! Si l’embrayage est actionné par l’électronique, on peut saisir le levier et la moto comprend que l’on a pris la main. Une fois le levier relâché, à basse vitesse, la moto s’attendra à une possible ressaisie dans les 5 secondes ou marchera à nouveau normalement. À vitesse plus élevée, l’E-Clutch se remet plus vite en action.
Comment se passe le premier démarrage ? On tourne la clé, si on est en prise ou doit revenir au neutre avec le levier d’embrayage, le N vert s’affiche. On démarre le moteur, là le témoin de E-Clutch s’allume aussi. On est en position débrayée, la moto s’attend au passage de la première. Vitesse engagée, plus qu’à tourner la poignée comme avec une DCT: le démarrage se fait tout en douceur. Et même en 2 ou en 3, l’électronique va gérer pour nous empêcher de caler même si l’on roule à une allure de tortue.
Je commence au guidon de la CBR650, alors que nous devons quitter le bord de mer à Marseille en direction de l’arrière pays. En plein trafic, il faut être attentif. Heureusement la prise en main de la transmission est un jeu d’enfant. À peine parti, déjà adopté. Ce n’est que lorsqu’on s’arrête que l’on a tendance à oublier de descendre ses rapports. Un carré jaune au tableau de bord nous le rappelle. Lors de cet épisode urbain, j’ai par trois fois mis le point mort pensant passer de 2 en 1; très certainement en faisant un geste qui ressemble fortement à celui d’une mise au point mort normale. Il faut donc enclencher la 1ère avec plus de conviction.
Cependant, on peut aussi régler la force nécessaire à monter ou indépendamment descendre les vitesses: soft, medium ou hard. Il suffit d’être à l’arrêt et au point mort pour le faire. Sur la même page de réglage, E-Clutch peut aussi être totalement désactivé.
Chaque fois que je m’arrête, mon genou droit frotte contre l’extension de carter. Les deux petits centimètres de plus ne peuvent pas être oubliés. Pour donner un point de comparaison, ça ressort à peu près autant que le carter de la MT-09. L’avantage c’est qu’on peut mettre la 1 avant de sortir le pied gauche: problème réglé !
La route est humide et la CBR demande de l’engagement pour se mettre sur l’angle. En sortant les épaules on la fait tourner un peu plus facilement, mais je reste méfiant quant au grip offert par la route. Le pilotage d’un 4 cylindres en ligne avec beaucoup d’inertie et peu de puissance en comparaison de mes dernières expériences est exigeant. Pour avoir du couple en sortie, un minimum de régime moteur est nécessaire. Or, un 4 cylindres en rotation donne envie à la moto de rester droite, il faut s’engager physiquement à la faire tourner. Pour moins se fatiguer, on ressort plus lentement des courbes…
Vient le moment de sauter d’une bécane à l’autre et pour le coup elle tourne toute seule. Géométrie identique, mais guidon droit, plus haut et plus large, on balance la CB650R d’un coté à l’autre étonnement facilement. Avec la route qui sèche, la confiance grandit et je cherche plus de détails sur cette transmission innovante. Comme c’est un ajout à la transmission existante, le conducteur reste maître de la boîte de vitesse. Imaginez accélérer à mi-régime en 3 et au lieu de monter le sélecteur, vous le descendez. E-Clutch va vous laisser faire, en remplissant sa mission. Le moteur va se mettre à hurler car on vient de rentrer la 2, heureusement le 4 cylindres a de l’allonge et je ne suis pas au rupteur. Par contre ça peut arriver à fond de 3, le comportement serait le même.
Lors des arrêts photos, un responsable de Honda nous montre deux tiges en métal de longueur différente. La plus longue fait 160g de plus. C’est le fruit de nombreux tests pour équilibrer le pilotage de ces deux modèles E-Clutch. Car en ajoutant 2 kg à l’extrémité droite du moteur, on ne conduit pas penché à droite et loin de là, en revanche en virage on sentait une différence. Ingénieurs et essayeurs ont finalement conclu que la tenue de route en courbe était plus agréable avec une masse plus importante… dans le guidon droit ! C’est en fait lié au contre-guidage et je dois avouer que les deux 650 se comportent très sainement.
Au cours de la conférence de presse, on nous a montré des graphiques qui comparent le temps d’interruption de traction d’un changement de vitesse avec levier d’embrayage, avec un shifter ou un E-Clutch. Le premier dépend évidement beaucoup du conducteur, mais cela prend du temps. Au shifter, c’est l’interruption de d’allumage et d’injection qui donne le rythme. Aussi courte que soit cette coupure, il faut ensuite du temps aux pignons pour transmettre la force du moteur à la roue. Selon le constructeur, E-Clutch est 20% plus rapide que le shifter et parce que l’embrayage passe par un stade demi-ouvert, le choc du changement de rapport est diminué. Au rétrogradage, la moto ne se sert même pas d’un coup de gaz comme le ferait un blipper, c’est le contrôle très fin de l’embrayage par le robot qui se charge de tout.
Comme lors de l’apparition de la DCT, une question nous vient obligatoirement: pour qui investir autant en innovation ? Combien sont les clients qui ne veulent plus se prendre la tête avec le levier d’embrayage ? La DCT a su trouver sa clientèle, et plutôt nombreuse, au fil des ans. Par contre l’HFT de la DN-01, on ne l’avait pas revu sur une moto. Laissons une chance à E-Clutch de percer, surtout qu’en Suisse nous avons l’opportunité de ne pas avoir de distinction entre permis manuel et automatique. Économique et adaptable à d’autres modèles dans le futur, sur quelle moto le voyez vous ensuite ? Je parierais sur la Hornet ou la Transalp.
Par rapport aux versions classiques, celle avec l’assistant électronique pour l’embrayage ne coute que 500 francs de plus. C’est valable pour le roadster CB650R mais également pour la CBR650R. Pour avoir l’E-Clutch, il faudra cependant patienter jusqu’à mi-avril avec la naked, début mai pour la sportive. Les prix de ventes sont fixés à CHF 9’990.- et CHF 10’990.- respectivement.
GALERIE
BILAN
ON A AIMÉ :
Prise en main super facile
Tableau de bord clair et facile à utiliser
La CB650R, toujours aussi agile
ON A MOINS AIMÉ :
Un 4 cylindres avec peu de chevaux, c'est creux, pas de miracle.
Le carter droit au niveau du genou à l'arrêt.