ESSAI
Le kit BeOn, résumé en 1 ligne, ce sont des pièces pour changer une moto offroad en une sportive. Que ce soit une motocross, une enduro, ou même une supermotard de compétition, en une sportive. Un moteur 125, 250 ou 450 cm³ 4-temps dans son cadre, on conserve aussi le bras oscillant et BeOn livre les tubes de fourche courts, les demi-guidons, l’araignée, les commandes reculées et le poly.
La fourche courte fait plonger la moto sur l’avant et fait toute la différence. Au départ, la donneuse d’organes est une Fantic XXF 450 MY21. Normal, MRPS étant revendeur de la marque italienne. Le kit BeOn est pour les cross/enduro Yamaha, car il est compatible Fantic. Il existe aussi pour Aprilia SXV, GasGas, Husqvarna, Honda, Kawasaki, KTM, TM Racing, etc. Le monocylindre 4 temps de 450 cm³, simple arbre à cames produit dans les 60 ch (mais aucun fabricant ne donne son chiffre). Quant au poids du proto, il n’a été pesé, mais doit faire tout juste plus de 100 kg prêt à rouler.
Pour que la moto soit complète, les jantes à rayons en 21/18″ sont remplacées par des jantes Galespeed en aluminium forgé avec des slick Pirelli en 120/70 ZR 17 et 160/60 ZR 17. Le frein arrière peut être conservé avec la pédale simplement déplacée.
L’électronique de la moto est conservée, à savoir un contrôle de traction mais qui ne comprend probablement pas ce qui lui arrive sur du goudron. C’est aussi ce petit bloc plastique avec de nombreuses LED qui sert d’indicateur de zone rouge. En l’absence d’un compte-tours, c’est le seul moyen de savoir qu’on approche du rupteur. Puis il y a les deux cartographies moteur à sélectionner avec le commodo gauche. Avec l’application Athena iGet on peut sélectionner 2 des 3 map et même modifier le temps d’injection, l’avance/retard à l’allumage et déplacer le rupteur.
La sélection de vitesse est inversée avec les commandes reculées taillées masse en aluminium. Le garage a ajouté un capteur translogic et son boitier, ajoutant le shifter à cette moto. Pour rétrograder, il faudra cependant utiliser le levier d’embrayage, reste qu’on m’a encouragé à le faire sans ménagement, car l’embrayage anti-dribble Suter encaisse très bien.
Dans les tubes de fourche raccourcis, ce sont des cartouches Andreani, tandis que l’amortisseur d’origine a reçu une cale restreignant sa course. Plus besoin d’un débattement aussi long et d’autant de souplesse. Le tout réglé au poids du pilote par Jean-Marie, sorcier local de la suspension.
Avec environ 0.59 ch. par kg., c’est un rapport comparable un peu inférieur à une sportive 600 comme ma R6 préparée. Et on est aussi loin du 1 pour 1 de certaines hypersport. Le point fort de la moto, c’est son couple énorme dispo immédiatement grâce au mono cylindre. Puis son poids plume est bien plus facile à freiner et demande moins d’énergie au pilote pour basculer d’un angle à l’autre.
À côté de la moto, j’ai évidemment l’air d’un géant tellement son gabarit est compact. Heureusement, le poly de boucle arrière laisse suffisamment de place pour m’y sentir à l’aise. La moto a un démarreur électrique et pas de kick. Ce dernier est alimenté par une toute petite batterie Li-Ion pour ne pas ajouter inutilement du poids.
Juste devant moi, le réservoir. C’est celui d’origine, en plastique, qui se cache sous une coque qui mime la forme d’une sportive. Le cache semble frêle et presque décoratif à première vue, mais s’il a des Stomp Grip, ce n’est pas pour faire de la figuration, on peut véritablement plaquer son genou et se maintenir en selle avec. Le réservoir garde la même capacité que d’origine, mais est légèrement basculé en avant.
Dès le début, je me sens assis tout près du sol. L’écartement des genoux sur le réservoir me rappelle la RC8c qui est aussi très fine. Première accélération, le gros mono est immédiatement reconnaissable. Il tire fort en avant et lorsque je sens qu’il s’affaiblit, je passe direct la 2. Je m’insère sur la piste d’Ales avant le deuxième virage. Même en montée, la reprise est à l’avantage du 450 de la XXF. Premier bout presque droit, j’accélère à fond et vois le rupteur me sauter au visage, le shiftlight clignote tout ce qu’il peut avant que je ne presse le sélecteur.
Je n’ai rien vu venir, peut-être trop absorbé par la cassure qui est avant la parabolique. Un peu de concentration, le cadran indique la montée en régime, LED par LED, je dois pouvoir m’y habituer sans frénétiquement taper le rupteur. Les vibrations et le son, il faut aussi en tenir compte. Car ce type de moteur à haut-régime vibre inévitablement. Je m’attendais à une position improbable sur cet assemblage BeOn-Fantic, mais la bonne surprise, c’est que je suis bien installé. Les bracelets sont bas, mais pas trop fermés. Les cale-pieds sont là où on les attend, hauts et en arrière, une position idéale.
Les repères de boite de vitesse ont évidemment rien de comparable, sauf avec un supermotard à la démultiplication identique. J’aurais d’ailleurs bien aimé un indicateur de rapport engagé, me perdant parfois durant les deux sessions d’essais que j’ai faits. Une fois habitué, je tourne environ 10 secondes moins vite qu’avec ma moto 2x plus puissante et aussi lourde toute seule que la Fantic et moi, pesés ensemble. Seulement, je la connais par cœur, pas cette XF 450 R.
Ce qui est particulièrement satisfaisant sur la Fantic, c’est sa vitesse de passage en courbe. Son poids plume sur des pneus slick ont énormément de grip et avec la puissance de >60 chevaux, les chances de high-side à la remise de gaz est faible. L’unique disque de frein avant marche diablement bien, avec un gros maître-cylindre pas besoin de force pour freiner fort. Elle est très précise, un regard suffit à la placer sur la trajectoire. Je suis surpris à peu me fatiguer ou me crisper sur la moto, car il y a peu d’effort à fournir pour la dompter.
Donc il faut s’appliquer à ne pas trop freiner, en plus le mono cylindre à haut-régime a beaucoup de frein moteur. S’appliquer aussi à avoir le bon rapport engagé, car la plage d’utilisation est plus délicate qu’avec d’autres motos. Puis s’appliquer pour la position, primordial quand on est aussi grand que moi sur une moto de ce gabarit.
Cette moto, on peut la voir comme la plus grande sportive pour apprendre ; comme les Ohvale mais poussée à son paroxysme. C’est une moto pour la passion du pilotage, sans se préoccuper du temps au tour du reste des pilotes. Face à soi-même, chercher à aller plus vite que le tour précédent. Alex qui pilote régulièrement cette moto s’est aussi rendu sur un grand circuit comme Magny-Cours F1. Il passait l’essentiel de la ligne droite à couper puis reprendre pour ne pas rester au rupteur, mais il freinait aussi 150 m plus tard que le reste du groupe. Les temps au tour n’étaient pas ridicules !
Pour se procurer une moto semblable, il faudra d’abord se procurer la 450 de cross ou d’enduro. Pas besoin qu’elle soit neuve, il faut seulement être sûr de son bon fonctionnement. Ensuite, il faudra le kit BeOn et certaines pièces listées plus haut. Pour cette XF 450 R tel qu’essayée, il faudrait débourser CHF 19’000.- environ. Le simple kit monté sur une cross qu’on apporte à MRPS coûterait 6’800.- monté. C’est une option intéressante si on fait une bonne affaire à l’achat cross et on aura une excellente sportive pour apprendre à pilote bien mieux qu’avec une 1000 où on passe son temps à souder et freiner. Et, en vraie moto de sport, si on chute, il n’y a pas beaucoup de pièces exposées. Ce qui pourrait se briser est facile à remplacer.
Enfin, imaginez aussi qu’on pourrait prendre une enduro 300 2-temps à injection comme moto de base, là, on aurait en plus l’absence de frein moteur et le bruit si caractéristique. Dès que Raphaël l’évoque devant un pilote, ils ont les deux les yeux qui brillent. Le kit BeOn peut donner vie à des rêves, et ça, c’est extraordinaire.