ESSAI
Souvenez-vous, en février 2020 nous étions invités à Las Vegas par Kawasaki afin d’essayer la nouvelle venue de la famille des “compressées”, la Z H2. En ces temps-là, les essais presse internationaux n’étaient pas encore soumis aux batteries de tests sanitaires et aux tracas administratifs que l’on ne connaît hélas que trop bien aujourd’hui. Une année et demie plus tard, alors que le monde est encore en train de lutter pour mettre fin à cette pandémie, nous retrouvons la Z H2. Pour 2021, Kawasaki nous a concocté une version améliorée “SE” de son roadster à compresseur, en lui greffant des suspensions électroniques ainsi que des étriers Brembo Stylema. Est-ce suffisant pour lui donner un nouveau souffle ?

Miroir, mon beau miroir
Esthétiquement, par rapport à la version de base, rien n’a changé. Le look tout en asymétrie de la bête surprend toujours, la prise d’air destinée au compresseur est impressionnante et se permet même un petit clin d’œil destiné à ses grandes sœurs H2 et H2R grâce à sa peinture “effet miroir” si caractéristique. Le cadre entièrement peint en vert Kawa détonne aussi. Bon, j’admets que je chipote là mais comme souvent sur nos motos modernes, les rétroviseurs et autres supports de plaque tout en plastique durs mériteraient d’être remplacés par de jolies (et plus discrètes) pièces usinées. Et en parlant de discrétion, le silencieux d’échappement n’a décidément pas sa place dans cette catégorie et c’est peu dire ! Fait incontestable en revanche, c’est la Z ultime que nous avons sous les yeux ! Comme à son habitude, le style Sugomi ne laisse que peu de place aux compromis. Soit on adore, soit on déteste. Pour être honnête, je fais plutôt partie de la deuxième catégorie, mais n’ayez crainte ! Le fait de ne pas la trouver jolie ne m’empêchera aucunement de lui trouver de sacrées qualités dynamiques.
Soufflé !
Sur le papier, ses 200 chevaux et 137 Nm de couple auraient paru complétement déraisonnables il y a encore quelques années, mais nous vivons désormais dans un monde dans lequel les roadsters de moins de 170 chevaux sont presque devenus une denrée rare sur le segment des grosses cylindrées. Néanmoins je tiens à remettre l’église au milieu du village: 200 chevaux c’est déjà beaucoup, beaucoup (trop) de puissance pour rester raisonnable sur nos routes suisses. D’ailleurs le vrai défi avec cette moto est de savoir s’arrêter de tirer sur les gaz, tant la dose de plaisir (et les km/h) grimpent vite lors des essorages de poignée.
Lors des premiers kilomètres à son guidon, le contraste confort / puissance pure est saisissant. En effet, la brêle est étonnement confortable, ceci non seulement grâce à sa position de conduite neutre mais aussi par ses suspensions qui absorbent les moindres aspérités de la route. En mode “Road” le résultat est presque exagéré, tellement la sensation de flotter est présente. Le ride by wire est ultra précis et de nombreux constructeurs seraient bien inspirés de s’atteler à rendre les leurs aussi “naturels” à l’usage. Lors de ma première entrée d’autoroute avec ce monstre, la cavalerie a déboulé avec tant de force qu’il m’a fallu m’agripper à son guidon comme un tireur à la corde. Notez que comme de plus en plus de motos modernes, la moto est équipée d’un régulateur de vitesse, toujours agréable lors de trajets autoroutiers.
Quant aux freins Brembo Stylema, ils sont sans surprise et, comme à leur habitude, très efficaces et rassurants. Question suspensions, le mode « Rider », avec les réglages entièrement personnalisables, est selon moi le plus recommandable (voir indispensable) lorsqu’on cherche à hausser le rythme. Car le mode « Sport » est trop souple à mon goût. Les réglages de compression et de détente de la fourche et de l’amortisseur sont réglables sur 5 niveaux, et évidemment le réglage s’effectue depuis le tableau de bord. Le hic, c’est que celui-ci est tout sauf intuitif et n’invite donc pas trop à s’amuser à changer ses réglages, chose pourtant indispensable à une expérience de conduite optimale et adaptée à la route.


Mais une fois les suspensions convenablement réglées pour mon gabarit, la Z H2 SE montre réellement de quoi elle est capable. Tandis que le mode « Sport » donnait lieu à des mouvements aléatoires du châssis peu enclins à me mettre en confiance, le mode « Rider », quant à lui, change radicalement le comportement de la moto. Cette Z n’est pas la plus agile des motos – 240kg tpf, cela n’aide pas -, néanmoins sa maniabilité est exemplaire et, couplée à son train de Pirelli Diablo Rosso III, la confiance est totale. La moto bondit lors des sorties de courbe comme un tigre sur sa proie. Se font entendre le sifflement strident du compresseur et le son caractéristique de la soupape de décharge lors des décélérations, sympa. Les sons émis par le compresseur dominent très nettement celui du 4 cylindres peu aidé, il est vrai, par cet énorme tromblon d’échappement “Euro 5 friendly”. Frustrant, surtout quand on sait à quel point ce type de moteur couplé à un échappement “débouché” produit un son complètement dingue (coucou, H2R).

Positionnement
Selon moi, cette Z H2 SE ne fait pas partie de la même catégorie qu’une Superduke ou une Streetfighter V4 par exemple, deux machines qui n’ont presque rien à envier à des superbikes, mais elle est par contre beaucoup plus adaptée à un usage routier que ces dernières. En témoignent son confort, son ergonomie et sa philosophie très “sport GT”. La consommation moyenne affichée par la moto durant mon essai de 2 semaines est dans la moyenne des motos de cette cylindrée, à être qui autorise une autonomie d’environ 210 km avant réserve.

Verdict !
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre avant d’essayer cette moto, mais je dois dire que je n’ai pas été déçu. Comme souvent chez Kawa, le rendu final est un subtil mélange de douceur et de bestialité, comprenez par là qu’elle accepte aussi bien de rouler tranquillement et de profiter du paysage que d’attaquer en essorant la poignée sans relâche. Le défaut de confort relevé l’an dernier lors des essais presse de la Z H 2 “classique” a été selon moi complètement gommé, et les suspensions électroniques y sont pour une grande part. Pour autant que vous les ajustiez bien à votre mode de conduite. Et le fait d’être l’unique roadster de la production actuelle équipée d’un compresseur donne à la SE un comportement moteur unique avec un goût de reviens-y.
GALERIE
BILAN
ON A AIMÉ :
le moteur explosif
la douceur d'utilisation
le ride by wire
le compresseur !
ON A MOINS AIMÉ :
le son moteur trop discret
le style "à prendre ou à laisser"
le tableau de bord, brouillon