ESSAI
“From Ocean to Desert”, tel était l’en-tête de l’invitation de Bridgestone à essayer le Battlax Adventure Trail AT41 (c’est son nom complet, je m’épargnerai autant que possible de l’écrire à chaque fois). Les endroits qui se prêtent à ce genre de voyage ne sont pas nombreux. Au Chili il y a une plage qui sépare tout juste l’océan du désert, le voyage serait très long pour un petit quart d’heure de route.
Dans l’ouest américain on peut aussi passer du Pacifique au désert du Nevada assez facilement, mais là aussi le voyage est long. Sur le continent Australien on ne manque pas d’occasion de le faire, mais 24h d’avion ça dissuade. Pas besoin d’aller aux antipodes de la planète pour une telle expérience, il suffit de franchir les Pyrénées.
L’Espagne est déjà le théâtre de nombreux essais tout au long de la saison, le plus souvent sur la côte méditerranéenne. Cap sur le Nord, avec la ville thermale de San Sebastian où la famille royale allait jadis en cure d’eau de mer. Tout proche de la frontière française, entre les montagnes et le golfe de Gascogne, le climat ne se compare pas à celui de l’Andalousie. Il fait un pauvre 13° en milieu de matinée, taux d’humidité élevé et brouillard dans certaines vallées. Mi-Mai on attendait mieux.
Le roadbook fait une boucle de près de 700 km sur deux jours avec une étape à la limite de la réserve du désert des Bardenas. Un parc de 5 trail et de 4 maxi-trail est à notre disposition. Mon groupe prendra les maxi le premier jour et changera le deuxième jour. Il y avait: Ténéré 700, 890 Adventure R, F850 GS et Rallye, Norden 901, Multistrada V4S, Africa Twin, 1290 Super Adventure R et l’incontournable 1250 GS.
Le point commun à toutes ces motos: les photos constructeur les montrent au bout du monde, 90% de ces motos ne quitteront probablement jamais la route une fois remise au propriétaire. Mais c’est la possibilité de partir au bout du monde qui est vendue, pas le voyage. Chacun rêve de faire cette route incroyable, s’achète la moto qui en est capable mais ne le fera pas. C’est grossièrement pour cet usage qu’est commercialisé le AT41.
Pour son utilisation, il copie la répartition du A41 sorti en 2018 c’est-à-dire à 90% d’usage routier. Son dessin est lui plus tout-terrain, ce qui fait dire que le look est 80-20. Seulement 10% moins offroad et déjà tailladé pour faire ressortir de timides crampons. Ces sculptures en quasi quadrillage ont pour avantage d’augmenter les volume d’eau évacuable sur toute la circonférence du pneu. Ce qui explique l’amélioration des performances sur le mouillé par rapport au A41 qui reste sur le marché.
Le design bloc est travaillé de sorte à ce que le pneu ne devienne pas plus rigide avec le temps. C’est avec des profondeurs de rainures différentes que ceci est possible. Le pneu arrière adopte la construction 3LC, comprenez par là que les bandes extérieures sont plus tendres en surface. pour ce qui est du dessous et sur la bande centrale c’est de la gomme plus dure.
Autre particularité de la construction, afin d’avoir un comportement identique entre le pneu diagonal 90/90 et le radial 120/70, leurs entrailles sont très différentes. Le diagonal exploite la ceinture mono spirale en acier (MSB) alors que l’autre renferme des fibres d’aramide tissées de façon croisée pour atteindre le résultat visé.
Pour commencer notre périple, on a brièvement longé l’océan comme pour donner le coup d’envoi avant de s’enfoncer dans les montagnes. J’avais l’impression de rouler dans la vallée d’Aoste. Dans les Trois Couronnes, les routes sont sinueuses, on ne roule pas vite, la faute à un brouillard persistant que l’on traverse.
Le goudron n’est pas extraordinaire, humide voire carrément mouillé par endroit. C’est un très bon test pour une monte pneumatique qui progresse surtout dans ces conditions. Selon le fabricant, le patinage arrière se produit plus tard qu’avec le A41. La confiance vient rapidement et à mesure que les virages s’ouvrent je sors plus vite. Aucune hésitation, les 160 chevaux de la Super Adventure passent facilement au sol. Dans cet environnement, difficile de croire qu’on roulera dans le désert dans l’après-midi.
On emprunte ensuite quelques axes principaux qui serpentent dans les reliefs, à chaque montée il y a 2 voies pour dépasser les camions. On se stabilise à une vitesse assez élevée, l’occasion de constater une première fois que malgré le dessin bloc, le bruit de roulage est le même qu’avec un autre pneu routier. La forme de l’AT41 est bien ronde, le comportement est prévisible et apporte de la sérénité. On peut pencher progressivement la moto sans surprise.
En prenant la Multistrada V4S, je suis très clairement confronté à un autre point intéressant. Avec plus de 800km à mon actif sur la moto, la différence de comportement avec la monte de notre test me frappe. La géométrie de l’italienne charge davantage l’avant, on ressent plus vite son comportement. Les gommes d’origine donnaient un comportement vif à la moto, se mettant rapidement sur l’angle alors qu’avec les Adventure Trail, pencher la moto se fait plus lentement.
Pour la pause déjeuner, on a droit à un château, pas un relais et château, mais plutôt une bâtisse du Xe siècle située à proximité de Pampelune. Courte escale avant de faire le tour du Lac artificiel de Yesa et son eau bleu turquoise. Le côté Nord est une route extraordinaire avec le lac d’un côté et de belles formations rocheuses de l’autre. Rive Sud par contre, la route est presque à l’abandon. Bosselée au possible mais ça tombe bien, on est là pour tester du pneu !
Les virages ne sont pas très fermés mais s’enchaînent très vite, difficile d’aller vite quand la moto est sans cesse perturbée par les bosses du revêtement. Ce que je retiens, c’est que je me sentais en sécurité sur la moto malgré tout. Le grip et la sensation de contrôle étaient là. Le reste du groupe a roulé bien plus vite que moi, donc le problème était bien entre la selle et le guidon, pas ailleurs sur la moto.
Quelques kilomètres plus tard, on quitte la route pour une piste de poussière qui nous amène aux Bardenas. Debout sur les cale-pieds, je dois reprendre les automatismes de la conduite maxi-trail off-road comme avec la Tiger 1200 au Portugal. Je suis quand même perturbé, car j’avais des vrais pneus à crampons. Les Bardenas, c’est une réserve naturelle où on ne fait pas ce qu’on veut : pas plus de 4 motards en groupe, maximum 50 km/h, interdiction de quitter la piste. Malgré cette faible vitesse max, je me suis fait poser en quelques virages. Heureusement au premier arrêt je recolle et ne me laisse plus distancer. Les paysages sont à couper le souffle, le contraste avec les montagnes de ce matin est saisissant.
Ant-Production, le prestataire événementiel de Bridgestone, nous réserve une nuit étape assez inattendue. D’abord on a suivi la conférence de presse en plein air, avec un feu de camp et une lumière tamisée de fin de journée. Puis chacun avait une nuit dans une bulle transparente pour dormir la tête dans les étoiles à l’orée du désert. L’expérience est mémorable, le cadre est idéal pour un voyage en trail routiers et nous permet de raconter une belle histoire.
Sur le parking a lieu la passation des maxi-trails pour prendre ceux de moyenne cylindrée. J’enfourche une Norden 901, une moto que j’attendais de pouvoir essayer. On arpente des routes typiques d’arrière pays, déjà à des vitesses inavouables de bon matin. La preuve que même vite, le comportement de l’AT41 reste sain. Si vos aventures vous mènent à l’Île de Man ou l’autobahn allemande, vous pourrez chercher le fond de votre compteur sans arrière-pensée.
Je passe un bon moment sur la Husqvarna, malheureusement trop court pour un essai à proprement parler. Je reconnais bien la parenté avec une certaine KTM mais ne peut pas dire quelles sont les différences. La dose de couple supplémentaire est appréciable et autant la position que la suspension sont confortables. La centralisation des masses avec le réservoir bas me plait aussi. Il n’y a que la protection au vent qui fait défaut pour la tête et les épaules.
Je troque l’autrichienne pour une allemande après avoir fait quelques photos sur route. Une petite étape de piste s’annonce et après seulement quelques kilomètres la F850 GS Rally me plait bien malgré son look un peu abject. Avant de la prendre, personne n’avait activé le mode Enduro Pro pourtant bien utile. Je m’empresse de le faire pour être à l’aise et faire une boucle offroad pour de nouvelles photos et vidéos.
La couche de graviers sur la piste est plus importante qu’hier et il faut faire des virages relativement serrés. Mon manque d’expérience me fait choisir une mauvaise ligne avec beaucoup de gravier et les 10% de faculté off-road du pneu sont peut-être insuffisants. Je manque de perdre l’avant mais reste sur mes roues et dès qu’il s’agit de remettre gaz le grip est précaire. C’est ce que Bridgestone a décrit la veille comme une limite du Adventure Trail : un sol trop meuble comme de la boue ou du sable mais aussi des rocailles trop grosses ou saillantes. Avec de la vitesse et de l’aisance ça passait facile, mon excès de prudence a rendu ce passage plus difficile.
On revient sur une piste plus conventionnelle, longue et qui serpente un peu à travers champs. Toujours sur la retenue quand je ne suis pas sur du goudron, je me laisse finalement aller à accélérer et pour la première fois mettre la 4e et rouler à plus de 100 km/h. Encore plus de route, une pause repas avec du vin sans alcool (si si, ça existe) et même de l’autoroute plus tard, on se hisse au monastère San Miguel de Ararar par une petite route d’accès en béton. Des vautours décollent juste au-dessus de nos têtes pendant notre ascension, avec un panorama incroyable. Ce genre de route peut être piégeuse et fait pas mal souffrir les pneumatiques. Là encore, simple formalité pour le Bridgestone, il est prêt à faire tout ce qu’un motard en voyage voudrait faire.
La dernière portion est toujours en montagne, le tracé est sinueux à souhait et le groupe semble vouloir attaquer, la seule dernière torture que nous n’avons pas fait endurer à nos AT41. Les motos donnent tout ce qu’elles ont, notre guide cravache sa BMW et on avance à un bon rythme. Jusqu’à un droite autour d’une maison et qui se referme. Optimiste, je freine des quatres fers pour ne pas partir dans le décor et grâce à l’ABS sur l’angle je m’en sors. Au prochain arrêt on me propose d’enfourcher la Ténéré 700 mais je préfère décliner. Après tant de kilomètres tout à coup ne plus avoir les mêmes aides à la conduite me fait souci.
On approche de la côte, sur une route où il semble y avoir toujours du vent et l’océan est pas mal agité. Une dernière corniche nous attend avant de retourner à San Sebastian après plus de 600 km en selle. Deux journées intenses, j’en ai pris plein les yeux et l’itinéraire était idéal pour voir toutes les situations que ce pneu peut endurer. Si le pneu arrière parcourt la même distance qu’un A41, le pneu avant est lui susceptible de faire 50 à 60% de kilomètre en plus. Mieux adapté à l’usure sur les épaulements dû au poids de ces motos, il s’avère par conséquent plus endurant.
Le Adventure Trail AT41 porte la mention M+S et certaines tailles sont homologuées UM pour être utilisées avec une chambre à air si la jante le permet ou l’exige. Il est disponible en 4 tailles pour l’avant et 5 à l’arrière.
- Av. 100/90-19 M/C TL (UM)
- Av. 110/80R19 M/C TL
- Av. 120/70R19 M/C TL
- Av. 90/90-21 M/C TL (UM)
- Ar. 150/70R17 M/C TL (UM)
- Ar. 170/60R17 M/C TL
- Ar. 150/70R18 M/C TL (UM)
- Ar. 140/80R17 M/C TL (UM)
- Ar. 130/80R17 M/C TL (UM)
Disponible dès maintenant chez les revendeurs, il satisfera les propriétaires de trail d’abord par son look à crampon, puis par ses aptitudes routières très poussées qui laisse la place à un peu de tout-terrain si l’envie vous prend. En quelques mots, un pneu qui correspond à un marché de trails toujours plus sophistiqués mais qui ne font pratiquement que de la route.