Publié le: 28 octobre 2024 par Patrick Schneuwly
Ducati Multistrada V4S 2025 – L’expérience du circuit admirablement transposé à la route

Depuis 4 ans, la Multistrada motorisée par un V4 constitue la vitrine des compétences de Ducati quand il s’agit de ramener à la vie réelle l’expérience accumulée en compétition. Car faire une Panigale plus rapide s’adresse à une tranche infime de la clientèle, tandis qu’une Multistrada est capable de tout faire et peut séduire un plus grand nombre. Comment le WSBK peut-il vous mener au sommet d’un col alpin ? Ducati vous répond.

ESSAI

En partant de la peu désirable 1100, difficile d’imaginer des années après que la Multistrada serait devenue le modèle le plus polyvalent mais surtout le plus décliné de Ducati. Avec 7 versions dont une seule a encore un bicylindre en L, l’offre est généreuse, presque pléthorique. Cette saison, le renouvellement concerne 3 modèles, ceux qui ont lancé le V4 Grandturismo en 2020. Le design évolue très peu, se contentant de quelques changements de surfaces peintes ou non, avec de subtiles différences de forme.

L’accent est mis sur la technologie embarquée. Le très novateur DVO, Ducati Vehicle Observer, qui fait le gros titre sur la Panigale la plus rapide de l’histoire est aussi sur la Multistrada et ce n’est pas pour lui faire battre des chronos; du moins ça pourrait, mais c’est clairement pas le but.

Ducati a également repensé la façon dont le pilote interagit avec la moto, ce que le logiciel le laisse faire ou non pour tirer le plein potentiel du matériel mis à sa disposition. Grâce à des commandes au guidon ergonomiques et une logique de navigation améliorée, le conducteur opérera des changements bien utiles même en roulant. Il est maintenant possible de modifier le fonctionnement des suspensions électroniques des V4S et Pikes Peak sans entrer dans les menus et sans altérer le réglage par défaut d’un mode de conduite. Un changement simple, purement logiciel, mais qui peut améliorer le quotidien d’un voyageur.

Avec les modes prédéfinis par Ducati, il faut rouler en Touring ou en Sport pour profiter des 170 ch du moteur. Lors de notre journée d’essai, les conditions n’étaient pas idylliques, pourtant, avec les moyens de changer les réglages de la moto sans s’arrêter, on a pu expérimenter un bon nombre des différentes aides au pilotage. Entre Touring et Sport, la grande différence est le niveau de sécurité de l’ABS, le seuil de déclenchement du contrôle de traction et la priorité qu’accorde la suspension Skyhook en roulant.

L’ABS en mode 3, comme sur Wet, Urban et Touring, laisse la moto gérer son freinage combiné entre l’avant et l’arrière. Comme sur la R 1300 GS, une sollicitation du pied uniquement mettra si nécessaire de la pression sur les plaquettes avant. Chez l’allemande j’avais détesté ce feeling, car la pression avait l’air appliquée sans tenir compte d’être en plein virage par exemple. Le constructeur italien a eu beaucoup plus de tact dans la programmation. Toucher le frein arrière ne fera pas se relever la moto, mais plutôt que la sentir s’affaisser sur l’arrière, elle descendra sur ses appuis et laisserait le pilote resserrer sa courbe si c’était son intention. Lorsque j’entame un freinage au pied, l’électronique fait son travail puis si je souhaite prendre le frein avant il n’aura plus de course morte. Comme du liquide a été envoyé pour presser les plaquettes sur le disque, la pression est naturellement remontée au maître-cylindre. Cette sensation là, est particulière voir désagréable. Je me suis retrouvé à mettre quelques gros coups de frein sans le vouloir.

De Touring à Sport, l’ABS passe sur 2 et se comporte comme un freinage normal non combiné. La suspension ne privilégie plus le confort, mais la motricité. Si la chaussée est dégradée, je peux souhaiter ramener la suspension en mode confort: une pression sur le bouton à gauche, choix du mode et c’est réglé. La prochaine fois que je passe en sport, ce changement ponctuel de la suspension sera ignoré.

Avec la suspension électronique, il est important de renseigner la charge sur la moto lorsqu’on roule. Dans le cas de la Multistrada V4S, elle a une fonction d’adaptation automatique de la charge. Cela évitera de rouler avec trop de précharge car on a déposé ses bagages à l’hôtel par exemple. La suspension dispose aussi du système d’abaissement automatique à l’arrêt. De 840 mm elle peut descendre à 810 sous 10 km/h. On sent la différence, la descente est rapide et la remontée est plus progressive, à l’approche des 50 km/h. Un avertissement est affiché à l’écran pour informer que la suspension descendra. D’une longue pression sur le bouton suspension, la moto remonte à la demande et désactive la descente. C’est utile en tout terrain, comme on est pas sur d’atteindre les 50 km/h, mais en position basse elle a beaucoup plus de traction.

On a justement eu le loisir de faire du offroad, avec une moto adaptée avec le kit Adventure & Travel, plus au sujet de ces pack un peu plus bas. Là le mode Enduro limite la puissance à 114 ch (heureusement), retire l’ABS à l’arrière et laisse le choix de deux réglages de contrôle de traction, l’un sûr, l’autre beaucoup plus permissif. Avec les gros cales-pied très agrippants, la position debout est facilitée. D’autant plus que le guidon est à bonne hauteur pour rester en main alors que je suis assez grand.

La piste de montage qu’on emprunte monte sur un sommet où il est possible de skier en hiver. Normalement la vue est spectaculaire, aujourd’hui c’est plutôt purée de pois. Et c’est à ce moment là qu’il se met à pleuvoir, ce qui dégrade un peu plus le grip dans cette caillasse assez souple. Dans une épingle à vitesse trente lente, juste de quoi rester en équilibre je maintien un filet de gaz pour laisser la moto trouver de la traction. Facile, qui l’aurait cru avec un V4 entre les pieds.

En ligne droite je n’hésite pas à passer la deux et rattraper le pilote devant moi. Une fois lancé, la Multistrada fait preuve d’une grande stabilité, bien aidée par l’inertie évidemment. Reste que les pluies des derniers temps ont creusés des ornières sur la piste qu’il faut régulièrement croiser. Là, la roue de 19″ aide aussi à passer ce genre d’obstacles.

Cet épisode s’est déroulé avec les motos noirs sur les photos, avec valises en alu qui sont aussi dans le fameux pack avec les jantes à rayons. On peut choisir sa V4 avec des suspensions mécaniques, bien que ce soit rare. Celle-ci ou la V4 S avec suspensions semi-active peut ajouter les équipements du pack radar (régulateur de vitesse actif, avertisseur de collision et avertisseur d’angle mort). Attention, le logiciel ne permet pas d’avoir un régulateur de vitesse standard, il sera quoiqu’il advienne actif et régulera la distance avec le véhicule précédent.

Le pack qui semble essentiel, c’est le Travel (mais forcément avec Radar). Béquille centrale, selles et poignées chauffantes sur 5 niveaux et valises latérales flottantes en plastiques. Les valises alu peuvent aussi être flottantes pour être plus stables, cependant il faudra les rendre fixe avec les moyens fournis pour le tout-terrain.

Sport Travel & Radar ajoute à la moto de nouvelles jantes que j’ai essayée sur la Mulsitrada rouge, uniquement sur route. Ce sont des jantes forgées, toujours en 19″ devant et 17″ derrière, contrairement aux Marchesini qui sont sur la Pikes Peak uniquement en 17″. L’avantage des jantes forgées, elles réduisent les masses non suspendues et en rotation, ce qui rend la moto plus agiles. En partant de la concession pour un test d’une heure c’est peut-être pas flagrant, pour moi qui ait pu changer d’une moto noir à une moto rouge dans la même enfilade de virages, la différence est beaucoup plus net et appréciable. Les Pirelli Scorpion Trail II face aux Scorpion STR y sont aussi pour quelques chose. Pour améliorer une moto quelle qu’elle soit, réduire le poids des roues est un incontournable.

Une raison pourquoi craquer sur une Multistrada V4, c’est son organe. Ce 4 cylindres en V chante admirablement bien et Ducati a bien intégrer que pour rouler partout elle ne doit pas hurler. Homologuée avec 95 dB, je ne l’ai jamais trouvé désagréable. Le moteur s’exprime, s’enrage aussi après 7’000 tr/min et jusqu’à 10’000 tr/min, mais sans fausse note. En 2022, elle me semblait plus bruyante, il y avait un silencieux Akrapovič dans les pack d’équipements.

Lors de ce précédent essai, je critiquait la consommation de l’engin. À l’arrêt il désactivait les cylindres arrières, hors en passant la journée al tirer du câble le niveau de carburant baissait bien vite. Le constructeur a retravaillé la désactivation: en fonction du rapport, de la vitesse de variation de l’ouverture des gaz, les cylindres arrières sont en veille jusqu’à 3’000 ou 4’000 tr/min. Super ! À vitesse stabilisée on pourra réduire sa consommation. C’est le cas, en théorie. En pratique, le 50 en 3e est possible sur 2 cylindres. Le 80 éventuellement en 6e, mais pas le 100 hors agglomération en allemagne ou l’autoroute suisse. Dommage.

Ducati m’indique que la réactivation des cylindres, plus haut en régime ou en tournant vigoureusement la poignée, est imperceptible. Si on y prête attention, le changement de sonorité trahit l’activation, tout comme la nette impression d’avoir plus de couple dispo, un peu comme quand on quitte la zone creuse d’un 4 en ligne. Le dégagement de chaleur était aussi un point, lequel n’a pas pu être comparé à cause du refroidissement liquide supplémentaire généreusement déversé sur nous au cours de la journée. Excellent test pour le mode Wet qui rassure et parvient quand même à procurer du plaisir, comme en Enduro et Urban il y a 114 ch pour ne pas être pris de court avec une adhérence précaire. Je n’ai même pas senti une intervention du contrôle de traction, la moto est si facile.

Quand je pouvais, je profitais du régulateur de vitesse pour me reposer. Le réglage de l’interdistance est intuitif avec le +/- juste al gauche de la commande du régulateur. Celui-ci m’a quand même surpris avec un freinage assez sec en m’approchant de mon ouvreur. Surtout une question de réglage et d’habitude. Une fois installé, les déflecteur et le grand saute-vente réglable me met très bien à l’abri. Vent sur le front en position basse, au-dessus du casque en position haute, ce qui est idéal.

J’ai commencé cet essai en parlant du DVO mais ne l’ai plus du tout évoqué… Bizarre ? Pas du tout, dans toutes les situations décrites, le DVO veille. En permanence, plusieurs fois par seconde, il prend les informations des capteurs sur la moto, dont le nouveau capteur de course sur la fourche, puis fait de savant calculs pour décider quels changements de compression, détente sur la suspension, combien de frein de l’avant envoyer à l’arrière ou l’inverse, etc. Ces calculs sont effectués dans l’ordinateur à bord de la moto, qui a suffisamment de capacité de calcul. Mais à mesure que ce type d’aide se développe et progresse, peut-être qu’il faudra des processeurs dignes d’un smartphone pour calculer toujours plus.

Dans cette nouvelle version, la Multistrada V4S continue d’épater par sa polyvalence, sa faculté à toujours mieux s’adapter à la situation pour que le pilote soit serein. Que ce soit en arpentant des routes de montagne détrempée à l’adhérence précaire, sur semi-autoroute pour une période prolongée, en tout terrain si on ose se lancer, j’ai essayé tout ça. Même pour attaquer le potentiel est là, les 170 ch ne demandent que ça. L’ergonomie est parfaite, avec deux leviers réglables, une excellente position de conduite, une protection au vent adaptée à rouler longtemps, tout y est. Reste à accepter le prix débutant à CHF 25’190.- pour une V4S sans même un premier pack. La facture augmentera sans aucun doute pour composer une Multistrada à la hauteur se ses attentes.

GALERIE

FICHE TECHNIQUE

Dimensions
Hauteur de selle
840 - 860 mm.
Empattement
1'566 mm.
Poids en ordre de marche
232 kg.
Capacité du réservoir
22 litres
Électronique
Régulateur de vitesse
Oui, actif en option avec radar
Aide au pilotage
Contrôle de traction, contrôle du frein moteur, anti-wheeling, Ducati Vehicle Observer, modes moteur, démarrage en côte
Freinage
ABS
Oui, sur l'angle
Frein avant
Double disque ø 330 mm, étriers Brembo Stylema 4 pistons chacun
Frein arrière
Simple disque ø 280 mm, étrier Brembo 2 pistons
Moteur
Type
4 cylindres en V à 90°, 16 soupapes, DOHC
Cylindrée
1'158 cm3
Refroidissement
liquide
Alimentation
Injection électronique Continental, corps de papillon elliptiques équivalents à ø 46 mm, Ride-by-Wire
Partie cycle
Châssis
Cadre monocoque en aluminium, moteur à fonction porteuse
Suspension avant
Fourche inversée ø 50 mm entièrement réglable, réglage électronique de la compression et de l’amortissement en détente avec suspension Ducati Skyhook, capteur de course intégré
Course av.
170 mm.
Suspension arrière
Monoamortisseur entièrement réglable, réglage électronique avec suspension Ducati Skyhook, dispositif d’abaissement automatique
Course ar.
180 mm.
Pneu avant
120/70 ZR 19 Pirelli Scorpion Trail II
Pneu arrière
170/60 ZR 17 Pirelli Scorpion Trail II
Performances
Puissance
170 ch.
Régime puissance max
10'750 tr/min.
Couple Max
124 Nm.
Régime couple max
9'000 tr/min.
Transmission
Boîte
6 vitesses
Shifter
Oui, DQS bidirectionnel de série
Embrayage
multidisque à bain d’huile, commande hydraulique
Finale
par chaîne
Véhicule
Marque
Ducati
Modèle
Multistrada V4 S
Année
2025
Catégorie
Trail routier
Compatible A2
Non
Couleur
Ducati Red, Thirlling Black, Artic White
Prix
25'190 .- CHF
Complément du prix
V4 CHF 21'490.-, V4 Pike Peak CHF 27'990.-
Lien site officiel
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