Publié le: 29 novembre 2022 par Patrick Schneuwly
BMW M 1000 R – Déraisonnable écrit avec un M

Tandis que BMW était plutôt du genre à regarder les autre constructeurs s’écharper, ils ont semble-t-il choisi de se joindre à la bataille en greffant le moteur de leur sportive dans le roadster. Avec 210 ch on est bien placé au concours de la plus grosse, mais pour quoi faire ?

ESSAI

On savait déjà le 4 cylindres en ligne de BMW capable de développer 200 ch, mais le constructeur s’était contenté de 165 pour le premier roadster issu de sa sportive. Sur la fiche technique c’est honorable, comparé aux japonais suffisant, mais comparé aux italiens ça fait petit bras. Donc pour monter à 210 ch, la différence c’est le système Shift Cam. Avec un calage variable des arbres à cames, 27% de puissance en plus et le couple progresse également pour atteindre 113 Nm.

La M 1000 R adopte un look des plus agressifs, avec des ailerons apportant 11 kg d’appui à 220 km/h. Il y a de nouveaux rétroviseurs en bout de guidon, dans lesquels on ne voit rien passé 50 km/h. La couleur blanc est celle de base, avec la décoration aux couleurs Motorsport. Elle existe également en noir, mais il faut craquer pour le pack d’accessoire M Compétition à 6’400.-.

Au delà du look, des pièces mécaniques changent aussi pour ce modèle M. Les pinces de frein sont les Nissin bleues avec maintenant un maitre cylindre radial. La suspension est remplacée par des composants Marzocchi mais qui restent à réglage électronique. Le T de fourche est un modèle taillé dans la masse pour gagner en rigidité.

On peut régler la précharge de fourche de façon mécanique, le reste se passe sur le tableau de bord grâce au Dynamic Damping Control. Les réglages Road et Dynamic sont explicites, puis Race Pro 1 et Race Pro 2 laissent la possibilité d’affiner son setup et de faire des comparaisons A/B.

Les jantes, enfin, sont les forgées du catalogue BMW, montée de série et chaussées de Bridgestone RS11. Si on craquait pour les pièces compétition, on repère immédiatement les jantes carbones mais aussi les nombreuses pièces taillées dans la masse (commandes reculées réglables, leviers, etc.) ou encore les habillages en fibre de carbone.

J’avais énormément aimé la S 1000 R lors de mon essai. La tâche devrait être d’autant plus facile de me convaincre que la M 1000 R est le roadster que j’attendais. Plus de puissance, de l’aéro, des plus gros freins, une gueule plus méchante, etc. Mais je ne m’emporte pas, il faut essayer consciencieusement cette machine à coller les yeux au fond des orbites.

Les premiers tours de roue sont timides, on est tout près de la plage et le sable rend les routes un peu glissantes. À bas régime, le moteur donne juste ce qu’il faut pour se déplacer dans un centre urbain. Ça broute un peu, c’est difficile de faire une reprise pour un rapide petit dépassement. Rien de nouveau au pays des 4 cylindres en ligne !

Les premiers lacets se prennent en mode Road qui accorde le DDC en Road également. Dès le premier freinage je réalise l’énorme différence entre un maitre-cylindre axial et radial et les pinces de frein Nissin. Le freinage est expéditif, effleurez le levier et vous êtes envoyé vers l’avant. J’étais heureux d’avoir un ABS performant pour certaines entrées de courbe un peu téméraires où je pouvais encore freiner sur l’angle.

C’est encore une fois l’électronique qui interviendra pour juguler une glisse en remise de gaz en début de dépassement. Direction légèrement tournée, la roue arrière ne demandait qu’à s’échapper. Tout en douceur, le contrôle de traction intervient pour maintenir le cap et continuer sa route. La M 1000 R est logiquement bardée d’électronique, presque autant que la sportive, à l’exception du capteur d’angle de direction qui vient de faire son apparition sur la RR.

Une fois passé les 6’000 tr/min, le moteur s’exprime vigoureusement, et passé 10’000 jusqu’à 15’000 il montre encore un autre visage. Ces 3 facettes de la M 1000 R se résument comme le calme, le vent et la tempête. En zone calme, on utiliserait bien la moto pour un trajet quotidien, sans s’assourdir ni agacer le voisinage. Puis dans un deuxième temps, le bruit se fait plus présent, une quantité plus importante de couple vous tend une première fois les bras. Troisième phase, le moteur se met à hurler, le couple déboule et on est à 4’000 tours du rupteur. Autrement dit, je n’ai jamais eu de rupteur sur route. Le moteur est tellement plein qu’il en offre presque trop. Notre guide est (trop) discipliné et on peine à trouver un moment pour faire une accélération complète.

En théorie, la transmission finale raccourcie avec une dent de plus à la couronne, et les rapports 4/5/6 eux aussi plus court devraient permettre d’utiliser davantage de la plage de régime. C’est sans compter les routes andalouses qui semblent en pratique trop courtes pour la M 1000 R. Le moindre bout rectiligne est trop vite avalé pour avoir à changer de rapport. Les accélérations sont fulgurantes, autant que les freins sont violents.

En guise de pause de midi, on investit le paddock du circuit d’Almeria, où BMW a installé leur hospitality de WorldSBK rien que pour nous. Le parking devient une salle de réception sur deux étages. La saison est finie, autant utiliser le matériel à disposition. Mais avant de se lester, c’est l’occasion de partir en piste pour quelques tours. Aller plus fort que ce qu’on aura droit de faire tout le reste de la journée.

La piste, en jean Kevlar avec un blouson textile, je n’étais pas à l’aise. Sur un circuit que je n’ai même pas reconnu en vidéo ça n’a pas aidé non plus. Reste que, la piste fermée c’est un peu plus son élément à ce monstre de 210 chevaux. Ouvrir grand sans réfléchir et se voir reculer sur la selle car mon jean n’y adhère pas, on peut trouver ça aussi dangereux que grisant. On a immédiatement le sourire tant la poussée est dantesque. Sur la ligne droite du circuit où on prend facilement 230 avec le roadster, nos bras prennent une taille en longueur du fait de l’absence de protection au vent. Pourtant on est serein, la moto pourrait donner plus si un bac à gravier n’était pas en embuscade au bout. Le moteur ne montrait aucun signe d’affaiblissement. Pire, on n’était pas encore en fond de 5. Imaginez les vitesses atteintes alors que la boite a été raccourcie !

L’Andalousie, c’est le verger de l’Europe, toute l’année y pousse nos divers fruits et légumes qu’on consomme sans rapport avec la saison. Quel est le rapport ? Et bien cela me permet d’aller aux fraises avec mes trajectoires ! Circuito Almeria réserve deux virages à droite qui me sautent au visage après une butte. Pensant être trop vite j’amorce un freinage en appui et me prépare à une trajectoire alternative qui m’enverra tutoyer le bord de piste.

Que neni, la moto encaisse avec tout juste un petit mouvement entre mes jambes qui cherchent le grip. C’est l’ABS Pro qui est intervenu : dans un cas extrême, il détecterait une perte d’avant pour libérer le frein au dernier moment. Sur le niveau 2, le mode Race de l’ABS, il permet des prises de frein même avec une moto déjà sur l’angle. Je ne rate la corde que de peu et me remets en chasse de l’ouvreur.

Il y a également le Brake Slide Assist sur cette moto. Toujours en mode Race il régule la glisse de l’arrière sans pour autant l’interdire. Avec un régime moteur suffisant, on peut écraser la pédale de frein, l’ABS va limiter la pression, la moto va se mettre en légère dérive et pour la maintenir, le moteur continuera à entrainer la roue arrière (le système ABS est plus lent pour réguler dans cette situation). Faudrait-il encore oser tester ceci. Après cet intermède « j’aurais pu faire un jardin zen dans le bac à graviers », allons nous restaurer.

Du circuit on va se diriger vers la mer qui se trouve derrière des collines, ce qui nous promet des routes tortueuses dans le relief. Fidèle à lui-même, le guide ne cramera pas son fusible de motard et nous gardera à des vitesses raisonnables à notre grand désarrois. Lors que nous élevions le rythme, la M 1000 R laissait entrevoir le potentiel démesuré dont elle fait preuve.

Sur la S 1000 R j’avais déjà été marqué par la stabilité et la neutralité du châssis. La M aussi est imperturbable. L’équilibre loué par le passé est au rendez-vous et c’est d’une grande facilité de diriger la moto. Nos motos ont des jantes forgées, je n’ose imaginer son agilité avec des jantes en carbone et ce grand guidon droit. La suspension fait un travail remarquable de filtrage tout en donnant les bonnes informations au pilote.

Et c’est là que je pourrais commencer ma longue conclusion. Sans électronique, cette moto se serait pas. Pour la route, c’est aussi déraisonnable que de faire un moteur boxer de 1800 cm3. BMW pouvait le faire, donc ils l’ont fait. Il y a encore quelques années, ça ne passait pas la rampe de la commercialisation, ça restait un délire d’ingénieur. C’est bien parce que la machine peut énormément assister le pilote qu’on peut se la procurer.

Ensuite il y a le badge M qu’elle arbore fièrement. BMW ne peut pas faire du M mou du genou, elle doit en imposer ou même s’imposer face à toutes les autres. Cela la dédouane d’être excessive, elle est M tout simplement. Sa place serait sur un circuit, mais un circuit rapide qui n’a pas de ligne droite pour ne pas subir la prise au vent.

Dans le contexte de la route, la puissance est hors normes mais il y a également le freinage. Passer au radial avec d’énormes pinces de frein rend chaque prise de levier expéditive. On ferme sa main avec douceur, puis on reprend les gaz avec respect. Sans ça, la balade devient passablement physique à force d’encaisser des G. Le(a) passager(ère) qui endure ça avec plaisir tient vraiment à vous…

La M 1000 R excelle dans le domaine de la performance, l’autre domaine où elle se distingue c’est dans le bestialité. Dans la liste des objets à posséder pour affirmer son statut, elle tient une bonne place. À condition de pouvoir se l’offrir, compter 22’700.- pour une blanche sans les accessoires présents sur la moto d’essai (silencieux titane, leviers CNC). Ajoutez 6’400.- pour le pack M compétition sur la moto noir. Chère, mais parfaitement aligné avec ses concurrentes. Ne reste qu’à savoir si c’est celle qui vous mettra la plus grosse baffe.

GALERIE

BILAN

ON A AIMÉ :

La tenue de route imperturbable

Le look forcément méchant

Les aides à la conduite si perfectionnées

ON A MOINS AIMÉ :

Les freins trop extrêmes

Pas vraiment adaptée à la route

Pack compétition obligatoire pour l'avoir en noir

FICHE TECHNIQUE

Dimensions
Longueur
2'090 mm.
Largeur
812 mm.
Hauteur de selle
840 mm.
Poids en ordre de marche
199 kg.
Capacité du réservoir
16.5 litres
Électronique
Régulateur de vitesse
Oui
Aide au pilotage
Launch Control, Pit-Lane-Limiter, Wheeling Control et Brake Slide Assist, Slide Control
Freinage
ABS
ABS sur l'angle
Frein avant
Étriers M/// 4 pistons radiaux et double disque flottant ø320mm
Frein arrière
Étrier double piston, disque ø220mm
Moteur
Type
Quatre cylindres en ligne, quatre temps, quatre soupapes en titane par cylindre, des arbres à cames d'admission variables BMW ShiftCam
Cylindrée
999 cm3
Refroidissement
liquide
Alimentation
Injection électronique, longueur variable du tube d'aspiration
Partie cycle
Châssis
Cadre périmétrique en aluminium, moteur à fonction porteuse
Suspension avant
Fourche télescopique inversée, Ø 45 mm, précontrainte du ressort, amortissement réglable en détente et en compression via DDC
Course av.
120 mm.
Suspension arrière
Bras oscillant inférieur en aluminium, Full-floater pro, jambe de suspension centrale, amortissement de l'étage de traction et de compression réglable via DDC, précontrainte du ressort réglable dia DDC
Course ar.
117 mm.
Pneu avant
120/70 ZR 17
Pneu arrière
200/55 ZR 17
Performances
Puissance
210 ch.
Régime puissance max
13'750 tr/min.
Couple Max
113 Nm.
Régime couple max
11'100 tr/min.
Transmission
Boîte
6 rapports à commande par crabots avec denture droite
Shifter
Shift Assist Pro
Embrayage
Bain d'huile multidisques (anti-dribble) avec autorenforcement
Finale
par chaîne
Véhicule
Marque
BMW Motorrad
Modèle
M 1000 R
Année
2023
Catégorie
Roadster
Couleur
Couleurs Motorsport sur noir ou blanc
Prix
22'700 .- CHF
Lien site officiel
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