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Publié le: 9 octobre 2023 par Patrick Schneuwly
Kawasaki Ninja ZX-4RR – L’école du pilotage sur piste

Bien des années après la mode des vraies sportives 400, Kawasaki signe un nouveau pari de faire revivre ce segment qu’on pensait définitivement disparu. Après les motos à compresseur, ils prouvent leur talent de motoriste avec un petit 4 cylindres qui passe les normes antipollution et qui marche !

ESSAI

La présentation du modèle a logiquement réveille de la nostalgie chez ceux qui ont connu la grande époque des ZXR 400 ou VFR 400. C’était fin 80, début 90. Plus récemment on a évidemment vu des motos porter des noms de sportives, mais mûes par des mono ou bicylindres, avec des positions de conduite redressées. Des Roadster déguisés, autant de piments que de la Thomy Mild. Tandis que cette ZX-4RR elle a de vrais gènes de sportive. À côté de la reine ZX-10R elles ne fait pas du tout jouet. C’est du tabasco rouge, pimenté à la hauteur de ce qui est écrit sur l’emballage.

Vu de loin, il faudra connaitre exactement les détails qui différencient la 4 d’une de ses grandes-soeurs. Les feux LED lui donnent un look immédiatement identifiable comme une membre de la famille Ninja. L’ouverture RAM Air en plein milieu est aussi caractéristique. Parlons aussi du silencieux, un unique tube en inox sur le côté droit, on pourrait le confondre d’un modèle à l’autre. Même les disques de freins, la ZX-4 se permet un double disque à l’avant comme les deux soeurs.

Concentrons-nous sur ces disques de freins, ils ont un diamètre de 290 mm et des étriers inédits avec 4 pistons, mais des paires de taille différentes. Ceux du haut font ø32 mm et en bas ø30 mm. Les durites sont en plastique et les relient à un maître-cylindre axial dont le levier se règle en 5 positions, idem pour le levier d’embrayage. Une centrale ABS Nissin, la plus légère du marché, est ajoutée et ne peut pas être désactivée autrement que sans le fusible.

Pour la suspension, Kawasaki ne fait pas dans la demi-mesure avec une fourche inversée Showa SFF-BP (une fonction par tube, gros piston) et réglable en précharge. Seul le diamètre des tubes de 37 mm laisse deviner que la moto est plus légère.

En Suisse, nous n’aurons que la version RR, haut de gamme, avec un amortisseur cloné sur la ZX-10 et spécialement adapté à la petite sportive. C’est un Showa BFRC Lite entièrement réglable et installé à l’horizontal.

Regardons un peu du côté des roues, design léger à 5 rayons et avec une monte pneumatique de 120/70 ZR17 et 160/60 ZR17. D’origine ce sont des Dunlop GP300 mais lors de l’essai nous avions des Pirelli Rosso III. Donc dans mon verdict, pensez bien que la moto sortie du magasin aura ça de différent.

Un placement produit audacieux

Lorsqu’une marque crée un nouveau modèle, le département marketing s’agite pour définir le client cible, sa place dans la gamme et les concurrents de la moto sur le marché. La ZX-4RR se situe entre la Ninja 400 et la Ninja ZX-6R 636, tandis que sur le marché elle serait une des rares rivales de la R7 : équipement aussi qualitatif, position assumée, puissance inférieure, prix plus élevé.

Deux sportives 400 Kawasaki, la Ninja ZX-4RR de 2023 et la ZXR400 produite entre 1989 et 1999.

Le coeur de la Ninja ZX-4RR, son 4 cylindres, fait tout le caractère de la moto. S’il peut monter rapidement en régime, et jusqu’à 15’000 tr/min, c’est grâce à ses arbres à cames forgés et son volant moteur allégé. Le faible moment d’inertie permet de tourner facilement rapidement. Les canaux d’admission sont usinés en deux fois, avec deux angles différents pour que le flux soit plus direct. L’état de surface est fini au sable fin pour être le plus lisse possible.

Pour commander le moteur, c’est une poignée de gaz électronique permettant d’avoir le KTRC : Kawasaki TRaction Control. Il est réglable en 3 positions et désactivable. Comme aide électronique il y a aussi deux niveaux de puissance moteur et des modes de pilotage qui combinent le réglage des deux paramètres qui précèdent.

La véritable surprise de ce moteur, ce sont les 77 ch. (80 avec admission d’air forcée) qu’il développe. Des bicylindres plus gros sortent moins que ça. Seulement rien de magique là-dedans, il faut aller à haut-régime pour trouver des chevaux. Et là-haut il faut traiter convenablement les gaz d’échappement. C’est une des raisons pourquoi le collecteur 4 en 2 en 1 relie rapidement les 4 tubes. Plus loin dans la ligne d’échappement sont installés 3 catalyseurs avant le silencieux, pour facilement remplacer celui-ci et rester dans la légalité. On avait d’ailleurs la chance de profiter du son du silencieux en carbone Akrapovic. Flatteur, rageur et quand même discret dans l’environnement.

Le constructeur japonais a beaucoup travaillé sur la gestion de la chaleur dans sa sportive. Un moteur 4 cylindres occupe pas mal de place en largeur et s’approche donc des jambes du pilote. Derrière le radiateur il y a un ventilateur à la suite duquel vient un extracteur breveté par Kawasaki. Il évacue l’air chaud efficacement vers les côtés et loin des jambes du pilote. En même temps, les entrées d’air sur les carénages apportent ce qu’il faut d’air frais au moteur.

Moto pour apprendre à piloter

Notre essai de la Ninja ZX-4RR se déroulera exclusivement sur circuit, celui que Calafat, proche de Barcelone. Donc pour nos impressions de roulage sur route il faudra repasser. Je peux éventuellement dire qu’elle braque bien, car je devais passez autour d’un pied de tente pour revenir à ma place au paddock, mais mon expérience simili-urbaine s’arrête là.

Si on a déjà passé un peu de temps sur un circuit, on entend souvent des commentaires comme : la meilleure école c’est le 2-temps et la 600 c’est le top pour apprendre à entrer vite en courbe car avec une 1000 pas besoin d’être doué, il suffit d’entrer fort, pivoter la moto et souder pour sortir. Parfait ! La Ninja ZX-4RR conjugue un peu ces deux mondes : des sensations accessibles sans rouler très vite, un moteur qui demande du régime pour marcher donc important de conserver son élan dans les courbes. Si on veut la faire aller vite, il faudra suivre le manuel de pilotage point par point.

J’apprends à connaître la moto en même temps que j’apprends la piste de Calafat. Première session, ajoutez-moi une appareil photo au cou et une banane je devenais le parfait touriste en goguette. Mais quelque part c’est un avantage, avec l’expérience les opportunités de redevenir un temps débutant sont rares.

Même si Kawasaki indique avoir rendu la position plus sportive que sur la Ninja 400, j’avoue être surpris d’être relativement droit. Les demi-guidons sont assez haut par rapport au T de fourche. Pour piloter, j’essaye de me reculer au maximum sitôt entré en piste, mais mon séant est rapidement bloqué contre la selle passager. Un pilote 1m85 se sent donc à l’étroit sur cette sportive.

Mes premiers tours se font avec ABS et KTRC, sans qu’ils m’entravent dans ma découverte de ce circuit plutôt technique. Il y a peu de relief, plusieurs virages se ressemblent donc j’ai de la peine à trouver du rythme. Même lors de freinage appuyés (comment ça, j’aurais oublié où va la piste ?) la centrale Nissin ne bronche pas. Quant au contrôle de motricité, ce ne sont pas les chevaux ou le couple du moteur qui feront glisser la roue arrière dans ces conditions idylliques. En conditions précaires c’est une autre histoire.

L’essai continue et je m’habitude peu à peu au tracé. Je suis en difficulté en bout de ligne droite ou ça passe vite, mais la distance qui me sépare ensuite du prochain virage me semble courte, je reste sur la réserve. Un autre enchainement fait droite gauche droite, avec une crète dans le gauche qui cache ce qui suit. Trop optimiste et c’est bac plutôt que le droit.

Donc je reprends la piste en voulant forcément trouver de l’aisance pour ne pas être ridicule en photo. Lorsqu’on entre en piste, c’est la seule fois qu’on se sert de l’embrayage. Une fois lancé, on profite du shifter bidirectionnel de la version RR. Il fonctionne dès 2’500 tr/min, mais à mon goût il accroche pas mal. Le temps de coupure me semble parfois long et de série on ne peut pas le faire fonctionner facilement en inversé.

La position des reposes-pied est bien étudiée, pour piloter occasionnellement mais surtout pour tous les jours c’est très bien. Le sélecteur de vitesse peut un peu être déplacé, la pédale de frein en revanche est trop basse à mon goût, je la cherchais pour me stabiliser sans la trouver les premières fois. J’ai aussi un peu gratté de goudron avec la pointe du cale-pied, on ne peut pas exiger d’elle une garde au sol de bête de course.

Avec le rythme qui augmente, je me rapproche du seuil de déclanchement des aides. À la remise de gaz sur l’angle, je n’ai jamais vu de témoin s’agiter, c’est l’avantage d’une puissance contenue. Du côté de l’ABS, mon collègue italien avec qui j’ai partagé la moto a demandé à l’enlever pour constater la différence. Pour moi ce n’est pas un problème j’ai suivi. À mon niveau, je n’ai pas vu de grosse différence dans ces conditions.

Bien que le moteur n’a pas affolé le contrôle de traction en soudant sur l’angle, si on a le bon rapport de boite les relances en sorties de courbes sont intéressantes. Le couple de 39 Nm disponible à 13’000 tr/min nous extirpe des virages et permet de réaccélérer. La puissance est satisfaisante, il faut simplement avouer que le poids de 189 kg peut sembler élevé. La Ninja 400 fait 21kg de moins, mais c’est un bicylindre, en revanche la R7 ne fait qu’un kg de moins.

Sur la dernière Ninja, ce poids et le couple qui vient en fin de régime est un handicap pour prendre de la vitesse, et maltraite forcément les pneus au freinage, heureusement il ne se sent pas du tout pour ce qui est de l’équilibre et de l’agilité. La centralisation des masses est bien faite et la réparation avant/arrière est similaire aux 2 autres Ninja ZX de la gamme.

À Calafat, il y a un virage à gauche derrière le paddock qui est suivi d’un pif-paf droite gauche. Pour être rapide, la théorie dit d’accélérer tôt après le gauche en redressant la moto, passer droit limite non respect des limites de piste, puis jeter la moto sur l’angle gauche et souder. La moto se déporte inévitablement et il faut la ramener pour aller au freinage suivant. Je crois que c’était mon moment favoris à chaque tour. Le comportement de la ZX-4RR procure ici des sensations addictives et on veut forcément recommencer.

Ce retour en arrière vers des supersports plus accessibles autant en prix qu’en niveau de pilotage mais sans sacrifier le comportement (en déguisant un roadster par exemple) est dans le cadre de notre essai sur piste une vraie réussite. Le fun factor est extrême, et je ne dis pas ça car faire du circuit avec n’importe quelle moto est amusant, mais parce que la Ninja ZX-4RR s’y prête parfaitement. En Vmax on n’utilisait pas la 6e, donc il y a encore un peu de marge pour un circuit plus grand. Les quelques reproches que je lui fais sont pour la plupart des résultats de compromis pour être plus facile à prendre en main, ou moins onéreuse. Cela aide à prendre du recul et juger cette moto.

Verdict

Cette journée au guidon de la Ninja ZX-4RR m’aura apprise que j’aime particulièrement piloter sur l’élan, soigner sa trajectoire et exploiter l’agilité de la moto pour espérer garder du rythme. C’est certain, il n’y a rien à dire sur son agilité. La basculer d’un angle à autre est un régal. Et là, sortir toute la fougue du 4 en ligne pour se relancer le fait rugir jusqu’à 15’000 tr/min. Un régal pour les oreilles.

L’équipement de cette Ninja est à la hauteur d’une moto coûtant moins de CHF 10’000.- : un bon freinage qui a tenu le coup malgré l’usage sur piste, des suspensions qui ont une fenêtre de réglage, tableau de bord TFT avec fonctions bluetooth, etc. Reste que je ne peux pas répondre si c’est une bonne moto pour la route, seul un second essai pourra nous donner un aperçu d’un usage quotidien.

Reste aux clients de faire leur chemin jusqu’à elle…

Histoire de bridage

Pour brider une moto, elle doit faire maximum 70 kW, donc celle-ci est éligible. Cependant, le moteur est fait pour sortir des chevaux et du couple à haut-régime. S’il faut couper à 35 kW, le régime moteur maximum sera de facto réduit, à un niveau ou le couple disponible sera probablement assez faible. Contrairement à un bicylindre qui peut avoir du couple à bas régime.

Donc si on la bride elle perd tout son charme. Si on ne la bride pas, seul un titulaire du permis A peut la conduire sur route. Peut-on compter sur ceux qui ne la prendrons que pour la piste pour faire des ventes ? Faut-il céder à l’appel du bridage ? C’est la question à laquelle Kawasaki doit maintenant répondre.

Histoire de bridage, bis !

Nous sommes en 2024 et maintenant la Kawasaki ZX-4RR est devenue un modèle existant en 35 kW ! Elle est bien sur le site officiel de Kawasaki, au prix de CHF 10’290.-, soit 300.- de plus que la version 58.7 kW. Elle est disponible immédiatement dans le réseau et peut être essayée dans divers garages.

GALERIE

BILAN

ON A AIMÉ :

Une gueule de vraie Ninja

Un moteur de caractère avec 77 chevaux

Une bête agile qu'on veut apprendre à piloter

Kawasaki qui ose faire quelque chose de différent

ON A MOINS AIMÉ :

Assise un peu courte pour 1m85

Un poids comparativement important

Pas de vitesses inversées sans changer de pièces

FICHE TECHNIQUE

Dimensions
Longueur
1'990 mm.
Largeur
765 mm.
Hauteur de selle
800 mm.
Empattement
1'380 mm.
Poids KERB
189 kg.
Capacité du réservoir
15 litres
Électronique
Aide au pilotage
Riding mode, KTRC, KQS
Freinage
ABS
Oui
Frein avant
Double disque ø 290 mm, étriers radiaux 4 pistons
Frein arrière
Simple disque ø 220 mm
Moteur
Type
4 cylindres en ligne, DOHC, 4 temps
Cylindrée
399 cm3
Refroidissement
liquide
Alimentation
Injection direct électronique
Partie cycle
Châssis
Treillis en acier haute résistance
Suspension avant
Fourche inversée Showa SFF-BP réglable en précharge
Course av.
120 mm.
Suspension arrière
Mono-amortisseur Showa BFRC-lite
Course ar.
124 mm.
Pneu avant
120/70 ZR 17
Pneu arrière
160/60 ZR 17
Performances
Puissance
77 (80 avec Ram-Air) ch.
Régime puissance max
14'500 tr/min.
Couple Max
39 Nm.
Régime couple max
13'000 tr/min.
Transmission
Boîte
6 vitesses
Shifter
KQS bidirectionnel de série
Embrayage
Multi-disques à bain d'huile
Finale
par chaîne
Véhicule
Marque
Kawasaki
Modèle
Ninja ZX-4RR
Année
2023
Catégorie
Sportive
Compatible A2
Oui
Couleur
Vert Lime / noir Ebony
Prix
9'790 .- CHF
Lien site officiel
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