ESSAI
La grande majorité des pilotes moto sont des fondus de vélo, qu’ils utilisent à des fins d’entrainement physique ou parce que les sensations ressenties au guidon se rapprochent de la moto. Mais comme nous ne sommes pas tous des athlètes de haut niveau, les vélos à assistance électrique représentent une passerelle naturelle entre ces deux mondes. Yamaha s’est lancé sur ce marché l’année dernière avec trois modèles : le CrossCore RC, à vocation essentiellement citadine, le Wabash RT, un Gravel accessible et le Moro 07, un VTT performant. Ce sont ces deux derniers modèles qui nous intéressent ici.
Note de la rédac’
On vit corps et âme pour la moto. Lorsque Yamaha Suisse nous a approché pour essayer ces vélos, un arbitrage entre tous les membres de l’équipe a eu lieu. Si, pour certains, le cycliste est un obstacle gênant sur la route, pour d’autres c’est une activité sportive qu’il leur arrive même de pratiquer. Comme indiqué, c’est un outils d’entrainement prisé des pilotes.
En plus de ce point, il y a le fait que ces deux vélos ne sont typiquement pas ceux que l’on croise sur route et parce que Yamaha Suisse est un partenaire de longue date. Nous avons donc choisi de laisser une place à leurs ebikes sur notre site.
Maîtrise technique
Point de vue technologie, la marque aux diapasons possède déjà tout le savoir-faire nécessaire à la production de groupes motopropulseurs électriques. Elle équipe d’ailleurs plusieurs marques de vélo « historiques ». La batterie de 500Wh, commune aux deux modèles, est donc une production « maison », tout comme les moteurs. Le Moro bénéficie de l’unité la plus performante, délicatement baptisée PWSeries X3, alors que le Wabash se dote du modèle ST-3. Pour le cadre, c’est Giant, partenaire de longue date, qui se charge de la fabrication. Mais si c’est le Taiwanais qui s’occupe de la construction, le cahier des charges et le développement ont bel et bien été définis par les Japonais.
Wabash RT
Le Wabash RT est un vélo de type Gravel. Si vous êtes féru de bicyclette vous savez déjà ce que c’est, dans le cas contraire, sachez que cette catégorie, issue des amours coupables d’un vélo de route et d’un mountain bike, a le vent en poupe depuis quelques années. L’idée est de conserver le dynamisme d’un bike routier, ainsi que ses performances sur l’asphalte ou les chemins blancs, tout en lui ouvrant les portes des pistes forestières.
En effet, circuler à vélo sur route procure des sensations géniales, mais se faire frôler par des poids-lourds ou des automobilistes distraits n’a rien de plaisant. Un Gravel permet d’effectuer les liaisons routières de la manière la plus efficace possible, tout en se faisant plaisir sur les chemins plus ou moins roulants où l’on ne risque pas de rencontrer de véhicules thermiques.
Pour ce faire, le cadre reprend un design assez routier, mais sans aller dans les extrêmes, avec notamment un tube horizontal assez bas. Le guidon s’inspire aussi des vélos de route, mais il est plus haut et ses retours larges permettent une bonne prise pour se sentir en sécurité dans les descentes chaotiques.
Si la finition est correcte sans plus (un seul coloris proposé, soudures relativement grossières), oubliez toute notion de performance côté périphériques et aérodynamique. Aucune intégration de gaines au programme, qu’il s’agisse des freins ou du passage des vitesses, alors que les accessoires, s’ils font appel à des fabricants aussi réputés que fiables comme Shimano, ont été puisés dans l’entrée de gamme.
Réalisé en aluminium hydroformé, le cadre intègre la batterie et a la bonne idée de proposer une prise de charge en hauteur, quand d’autres vous obligent à ramper au niveau du moteur pour la trouver. Autre bonne surprise, la présence d’une selle télescopique. Même si elle ne débat que sur 60 mm (en taille M et L, pour du S ce sera 40 mm), elle s’avère bien pratique à l’usage. Tout comme le « tableau de bord » qui permet, d’un geste, de choisir son niveau d’assistance, d’avoir un œil sur sa vitesse et de connaître l’autonomie restante.
Bon à tout faire
En selle, la position est réussie, on se trouve vite à l’aise, les changements de vitesses sont doux et précis, les commandes réagissent bien et le freinage rassure tout de suite. Seul bémol, une commande de tige de selle qui impose de changer sa prise et donc difficile à activer en pleine action. Côté mécanique, le moteur est une réussite : silencieux, discret dans son assistance au pédalage, il permet, selon son état de forme et ses envies, de se faire mal dans les montées ou au contraire de se laisser porter. C’est la magie de l’électrique et ça fonctionne à merveille.
Autre bon point, il y a peu de résistance au roulement et, si la vitesse maxi de l’assistance est limitée à 25 km/h (une obligation légale), avec des jarrets motivés on peut monter à 30-35 km/h sur le plat, voire plus si l’on roule en groupe. À haute vitesse on est freiné par une aéro d’armoire normande et un poids élevé qui se fait sentir dès que ça monte un tant soit peu… Il ne faut pas hésiter à passer alors du mode Eco aux autres, plus performants, qui sont proposés et vont vous aider dans l’effort.
Côté autonomie, selon les modes engagés et le dénivelé du terrain, ça va d’un peu moins de 50 à plus de 80 km. Excellent sur le roulant, les pistes cyclables ou les chemins, le Wabash trouve ses limites dès que ça devient cassant. D’abord, l’absence de suspensions se fait cruellement sentir. On est secoué comme un prunier au guidon, ce qui accroit la fatigue. Livré en pneus non tubeless, le Wabash est aussi plus sensible aux crevaisons (j’ai testé !). Par contre, le grip des gommes est surprenant, du moins tant que l’on reste sur le sec.
Enfin, le poids élevé viendra freiner vos ardeurs : plus de 21 kg pour un bike non suspendu, c’est lourd ! Reste un engin attachant, qui vous donne envie de prendre l’air même quand on est en petite forme, doté d’une mécanique très agréable à l’usage. Et, surtout, proposé à moins de 3600 francs dans le réseau Yamaha, il fait partie des bonnes affaires de la catégorie.
Moro 07
Là, on change de monde ! Et, autant vous le dire tout de suite, en passant du Wabash au Moro, je me suis vraiment posé des questions sur l’intérêt du Gravel !
Le Moro 07 est tout ce que le Wabash n’est pas : sexy, ludique, fun… Certes, son poste de pilotage ne fait pas aussi « high tech » que son cousin plus routier, dont on regrette ici le large écran. Mais à part ça, tout est davantage orienté vers le plaisir de pilotage.
Si elle est plus performante, sa mécanique conserve les aspects positifs remarqués sur le Wabash : silence et douceur de fonctionnement sont toujours au programme. Les différents modes sont bien modulés et permettent de gérer son effort, tout comme le grip disponible, en fonction des conditions et de sa forme.
Agréable à regarder, disposant d’éléments de qualité (même si l’on n’est toujours pas dans le haut de gamme), le Moro 07 donne envie de partir à l’aventure. Et ça tombe bien : elle commence tout de suite !
Du fun en barre
Entre une géométrie de cadre relativement engagée et des roues en 27,5, le Moro devient très vite le prolongement de son pilote. C’est le prototype du bike sans histoire : on l’oublie, il se met à votre service, qu’il s’agisse de passer une marche glissante en montée ou d’attaquer dans un single, il répond présent et sublime votre pilotage. C’est simple, à son guidon on se sent bon !
L’équilibre est excellent et, finalement, on n’a jamais l’impression d’être aux commandes d’un vélo de 24,3 kg. Les suspensions Rockshox, qui débattent sur 160 mm, assurent un excellent travail. Elles encaissent les gros chocs tout en préservant l’efficacité du pédalage, alors que les freins Magura et leur étrier 4 pistons savent être à la fois puissants tout en offrant du feeling. La tige de selle télescopique (sur 125 mm en S et M, 150 en L) fonctionne à la perfection et le poste de pilotage est idéal pour se faire plaisir dès que ça devient un peu engagé.
Alors, évidemment, enivré par les sensations on a un peu tendance à se lâcher au guidon… et à ne pas trop surveiller le niveau de la batterie. L’autonomie reste largement suffisante, mais on sera plutôt entre 40 et 60 km, loin de ce que proposait le Wabash. Les jantes sont « tubeless ready », la transmission, assurée par Shimano, n’appelle guère de critique et le résultat final est enthousiasmant.
Le Moro 7 est un bike homogène, qui s’adaptera facilement à tous les niveaux de pilotage et qui vous procurera énormément de plaisir. Cerise sur le gâteau, à 4 799 francs le morceau (il existe une version 30e anniversaire avec un coloris Factory Silver à 4 999 francs), il n’est même pas (trop) cher !