Publié le: 13 juillet 2023 par Phoukham Phothirath
Le Swiss Moto Legend Trophy 2023 vécu de l’intérieur – Le journal de Miss Gex

Nous laissons la parole à Miss Gex, qui participe au championnat Swiss Moto Legend Trophy 2023 avec le numéro de départ 985. Sa chronique s’intitule « Le Journal de Miss Gex » et elle narrera son vévu de l’intérieur. Voici donc son premier récit (sur les trois prévus), qui revient sur  la fameuse course de côte de Boécourt – la Caquerelle, une épreuve qui a eu lieu le premier weekend de Juillet dans le canton du Jura, Suisse.

UN REPORTAGE EN TROIS VOLETS AU COEUR DU SWISS MOTO LEGEND TROPHY 2023

Préambul(l)es

Je me présente : je m’appelle Miss Gex (de mon vrai nom « Suzuki » et de mon prénom « GSX-R 750 ») et, bien qu’on ne demande pas son âge à une dame, je suis née en 1988 et j’ai donc 35 ans cette année. Dans le monde des hommes, 35 ans, c’est juste le bel âge. Dans le mien, celui de la moto, c’est un âge déjà canonique. Je suis une MILF (Motorcycle I Like to Fancy a ride – Moto que j’ai bigrement envie de rouler) et je viens d’un autre temps. Que, véridique, les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Je suis donc une relique du passé, d’un temps sans radars automatiques ni téléphones portables, où l’on roulait sans électronique, celui d’un monde sans assistance aucune. Pour résumer, moi MILF, je vous ramène direct aux balbutiements de la sportive moderne, la période dorée pour certain(e)s.

Voici quelques détails me concernant : mon cœur est un 4 cylindres gros de 750cm3 (la cylindrée star à l’époque…), à refroidissement par air/huile, avec 112 chevaux pas percherons qui sont plutôt hauts perchés dans les tours, et, somme toute, assez peu de couple pour relancer tout ça. J’ai aussi un peu de gras, un petit peu d’embonpoint, selon les critères de beauté actuels, surtout avec ces sylphides anorexiques bardées de « RR », d’acronymes et de puces électroniques qui parcourent les routes de nos jours…

Les deux soeurs Suzuki: la 999 est une 1100 de 1986 et la 985 est la 750 de 1988

J’ai été choyée par mon ancien propriétaire, un fin « connoisseur » comme ils disent outre-Atlantique, qui m’a concocté une très belle robe et transmis une belle ligne… d’échappement, de beaux flancs de carénages, un beau maquillage  euh une belle peinture, je veux dire, et un bel arrière bien affiné et élancé. Je porte ainsi une belle robe seyante rouge et blanche pour tous les jours. Et qui me va à ravir… Il m’a entièrement préparée à la course avec des éléments freinés, des carénages fixés au quart de tour, des bacs de rétention au cas où je perdrais mes fluides… Je n’ai pas de béquille latérale et, aussitôt qu’on s’arrête, on doit venir prendre bien soin de me béquiller afin que je ne verse pas… Pas pléthore de pièces spéciales valant une fortune mais des modifications bien pensées, dans le règlement du championnat Swiss Moto Legend Trophy (SMLT). C’est un championnat de régularité réservé aux motos immatriculées jusqu’en 1999 – la différence de chronomètres entre les deux montées de course doit donc être la plus faible possible. On y croise des Yamaha RDLC 350 de 1984, des Honda NC30 (la « Baby » RC30, ma préférée avec le martèlement caractéristique de son petit v4 de 400cm3), des RC 30, des Honda RS125 de Grand-Prix, une floppée des sœurs à moi (Suzuki GSX-R 750 et 1100), des Yamaha R6 et R1 (une de 1998, magnifique dans sa robe rouge et blanche, comme moi, haha), mais aussi Miss Trixxie (Yamaha TRX 850). Il y a aussi des Kawasaki GPZ 1100 plus que bien préparées, même une Harley Dyna, optimisée jusqu’au bout du bout des étriers Beringer et débordant de décibels et de broaaap (« joie de vivre », dans l’argot de Milwaukee). Bref, nous sommes en terre de biodiversité malgré tout.

Les deux soeurs au départ des bords du Lac.

Et c’est avec le propriétaire actuel que je repars en campagne pour cette saison 2023.  Sur mon flanc gauche, je porte encore les stigmates de notre dernière rencontre avec le bitume lors d’un roulage sur le Circuit de l’Auxois (Pouilly), à la fin avril. Mon pilote en est profondément chagriné (doux euphémisme !). Et il a eu du mal à remonter la pente, ce qui est dommageable pour faire des courses de côte, même en anciennes. Du coup, nous avons très peu roulé lors d’une deuxième journée de roulage organisé par la Fédération Motorisée Valaisanne (FMVs, dont mon pilote fait partie) sur ce même circuit, malgré les encouragements des copains et des amis venus en masse. De même, lors d’un roulage AcidTracks sur le circuit de Bresse, nous avons pu faire quelques tours de manège enchanté et des sessions à rythme modéré (des mauvaises langues disent qu’on a « bouchonné »).

« Je penche donc j’ai chu ».

Mais contre toute attente, et avec du travail sur lui-même, il a repris un peu de cette confiance qui manquait. Et enchainé des tours. Moi ça va – il m’a changé le levier d’embrayage mais a laissé les vilaines balafres sur mes flancs de carénages. C’est ainsi que, après avoir raté la première course à Marchaux en France voisine, notre vénérable Foux (Phoukham Phothirath, licencié à l’AMC Sanetsch, VS) nous a inscrits sur la course de côte de Boécourt La Caquerelle (JU). C’est une épreuve qui compte pour le Swiss Moto Legend Trophy (SMLT & SSCLT), un championnat de régularité réservé aux motos immatriculées jusqu’en 1999. Nous y avons participé en 2022 et terminé 13ème. Depuis 2022, il y a aussi les side-cars dont le plateau est devenu très étoffé cette année.

Pour Boécourt, je ferai donc le voyage depuis les bords du Lac (Léman !) avec la grande sœur, la Suzuki GSX-R 1100 1986 de Éric Leiser (#999). Comme en 2022. Nous sommes donc fièrement sanglées sur la remorque et solidement attachées. En route donc pour le canton du Jura ! On y retrouvera les copains et copines du championnat suisse de la montagne (Superbike, Supersport, Open), celles et ceux du FHRM (Freunde Historischer Renn-Motorräder) et autres SMLT et SSCLT. Boécourt n’accueillera pas les pilotes du championnat d’Europe cette année…

Sur place, on retrouve les copains et l’on découvre des voisins formidables: Pascal, Seb et leurs les amis  nous aident à décharger et monter les barnums. Les deux GSX-R, nous sommes bien installées et les formalités administratives sont vite expédiées par nos pilotes respectifs. Cette année, les casques ECE 22-05 reçoivent leur pastilles FMS une dernière fois car l’an prochain ils devront obligatoirement respecter la nouvelle norme ECE 22-06. Dans le paddock, certains étaient en avance et arboraient dejà de magnifiques heaumes ECE 22-06. Nous repartons avec nos bons vieux Arai une année encore, dont un que mon pilote a fait signer par des pilotes de renom (in memoriam: Raül Torras)

Les courses du Samedi

Essais

Après le briefing, on se reconcentre. Et on monte gentiment, on refait connaissance avec cette belle montée, ses trois chicanes (ne pas taper dedans, comme l’an dernier, ce qui a été « récompensé » par 2 secondes de pénalité et un gros bleu au genou droit), et sa partie intermédiaire légèrement gondolée sur le côté droit avant un long gauche qui commande une petite ligne droite puis le virage à droite de la buvette, le long des AirFence (structures gonflables remplaçant avantageusement les bottes de paille) et le gauche avant la ligne d’arrivée. Par temps humide, il y a des lignes blanches à couper donc « mollo » et « circonspection » sont deux consignes à suivre à la lettre. Du coup, la première montée d’essai s’est faite tranquille, mais vraiment tranquille, pas de quoi s’affoler les soupapes ! Puis on retrouve le rythme de l’année dernière lors de la seconde montée d’essai : la chronométrée. Là on se dit qu’on peut encore grapiller quelques chouïas de secondes, ici et là, et là aussi. Et surtout LÀ !

Courses

C’est une belle journée, avec de bonnes montées malgré des conditions assez changeantes : l’expérience qui rentre ou les sensations qui arrivent par wagons entiers, vivre l’instant présent. Et la vitesse qui vient, et le plaisir qui revient ! Je le sens : mon pilote est tendu comme un string américain, il s’isole, rentre dans sa bulle, reprenant ses rituels d’avant-course. Course1, on monte un peu plus lentement que lors de l’essai chronométré… Maintenant il s’agit de remonter dans les mêmes rythmes pour la course2 car en régularité la différence de chrono entre les montées de course doit être la plus faible possible. Un exercice qui est tout sauf facile.

Resultats

La #999 finit 5ème au classement de ce Samedi, avec Eric « Iceman » Leiser à son guidon. Nous finissons 20ème sur 27 partants, avec 2.47s d’écart entre les deux montées de course, une gouffre à ce niveau ! Cependant, c’est beaucoup mieux que l’année dernière où nous avions fait P25 le Samedi… Bref, tout le monde il est content, et on scrute avec anxiété le ciel qui s’est assombri, ce qui nous fait de belles promesses d’une aube humide. On redescend au paddock, tout en saluant spectateurs et remerciant les commissaires et bénévoles. En ralentissant pour taper dans les mains des plus jeunes, frissons garantis dans les gicleurs !

Bravo au podium du jour : P1 pour Séverine Gothuey (Honda RS125), P2 pour Olivier Audétat (Kawasaki ZX9R) et P3 pour Peter Aeschlimann (Suzuki GSX-R 1100) !

Les courses du Dimanche

Essais

Orage, ô désespoir ! Pluie fine, puis pluie battante. Mon pilote fait finalement l’impasse sur la première montée d’essai libre, sous la pluie. Oui, il a fait sa petite princesse! Et il m’a délaissée un instant pour aller encourager et, accessoirement, filmer ses petits copains qui montent et redescendent. Et aussi pour regarder comment il pourrait mieux passer les fameuses chicanes…

La montée chrono (2nde montée d’essai) doit être faite si l’on veut pouvoir faire les courses du jour. Elle se fait donc sur des œufs, car ça glisse au pays des merveilles et de la damassine tout en haut du tracé, là où il faut couper deux fois les ligner blanches pour recoller à la trajectoire…. Au final, un chrono minable mais safe, pas de casse et nous pouvons faire les deux manches de course ! Puis le soleil repointe timidement le bout de ses rayons, le vent est là – c’est la pause de midi. Le tracé va sécher. Y’a bon espoir en tout cas.

Concentration

Courses

Pour la course1, il fait bon, chaud même, presque caniculaire par rapport à la veille (haha). Pour un peu on se serait cru en 2022, quand nous étions sous le cagnard… Le plaisir, du moins l’excitation qui l’accompagne, est de nouveau là et on est dans son élément – j’aime beaucoup ce tracé. Les sensations sont bonnes, nous ne roulons pas (trop) au-dessus de mes pompes, on a une bonne base de chrono, dans les mêmes temps que 2022.

Pour la course2, mon pilote et moi, on va essayer de se caler sur ça, accélérer aux mêmes endroits, et faire les mêmes erreurs aux mêmes moments! Mais en attendant mon pilote va se chercher une bonne saucisse de veau pour se sustenter ! Avant que les choses sérieuses ne (re)commencent!

Quelques averses qui nous ont fait craindre le pire pour la deuxième montée de course. Tout finit par sécher les conditions sont quasiment identiques à celles que l’on a eues pour la course1. Y’a plus qu’à !

Boule au ventre pour lui, petite ratatouillade pour me mettre en première pour moi, on se positionne en prégrille. Petite interruption de course suite à une glisse (pilote OK, forza Gilles). On s’élance ! Les chicanes sont toutes une poésie pour nous, on arrive soit trop vite, ne soit pas assez, ou alors très près. Bref jamais comme il faut. Ça repart mollement, il essore comme un dératé dans la partie roulante. Il est trop lourd, le Foux, et j’arrive pas à prendre mes tours. La relance est laborieuse (et c’est peu de le dire…), bref on perd du temps… Puis on arrive sur les 7’000trs/min et là, miracle, mon cœur s’emballe. Et on décolle, enfin ! Et hop, on donne un dernier coup de rein dans l’enchaînement qui suit« La Buvette ». À la descente, je pâlis à la vue du produit absorbant répandu sur la zone de freinage avant la droite de « La Buvette », ça a tenu !

Résultats

Nous terminons 7ème au classement du dimanche (sur 26). Youpiii, avec une différence de 0.34 seconde entre les deux montées de course! Je suis monté légèrement plus vite en course2: finalement le petit coup de rein était de trop. Ça reste serré-serré et un super résultat mais d’autres ont fait mieux! Dont le jeune voisin de paddock Pascal (#919, rencontré lors de l’entraînement sur le Circuit de Pouilly-en-Auxois) qui est devant pour 0.02 sec : il est 5ème ex-æquo et pour sa deuxième course du championnat.

Avec la 5ème place d’Éric le samedi, et ma 7ème du dimanche, on repart satisfaits de notre week-end de courses dans le Jura !

 

Podium

Bravo au podium du jour : P1 pour René Hohl (Honda CBR 600), P2 pour Franck Milliot (Suzuki GSX-R 750) et P3 pour Reto Hunziker (Kawasaki GPZ 1100 R)!

Prochaines étapes

Nous ferons l’impasse sur les courses du Gaschney (Alsace, France) pour avoir le temps de trouver quelques pièces et requinquer un peu mon carénage et mon carter gauche mis à mal. Mais aussi stabiliser quelque peu les finances bien mises à mal par la saison 2022 (pas loin des 15kCHF, inscriptions/assurances/entrainements/roulages et mon achat compris). Mon pilote travaille désormais à temps partiel… Plus de temps mais moins d’argent. Beaucoup moins…

Ensuite ce sera le Petit Abergement, une épreuve organisée par l’Union Motocycliste de l’Ain (UMA), dans le Haut-Bugey (01). C’est encore un très beau tracé, avec des courbes rapides et de belles lignes droites, et une chicane qui a vu pas mal d’embardées en 2022…

Un récit assurément à suivre exprssément dans ces colonnes avec « Le journal de Miss Gex », numéro de départ #985. En attendant vous pouvez voir le résumé de notre weekend en vidéo, concocté par Christophe Vernay (CRT Productions). Pour la vidéo complète des autres catégories et des supersoniques, c’est par ici ! Attention, spoiler alert: missiles sol/sol et (parfois) sol/air!!

Remerciements

Crédits photo : Christophe Lambert (IG : @t𝘰𝘧𝘣𝘪𝘨𝘴𝘩𝘢𝘻𝘢𝘮), Dominique Schaechtelin (TRUSK Images) et Denis Guyot/AcidTracks

Crédits vidéo : Christophe Vernay (CRT Productions)

Miss Gex et son pilote voudraient aussi remercier: le motoclub AMC Sanetsch (dont le pilote est membre), la Fédération Motorisée Valaisanne (FMVs), Alain Duroy/Valdam’s Racing et Tortue Team.

Brèves de compteur

*Next, please! Mon pilote le ressent : je me sens plus dans mon élément sur une côte que sur un circuit. De lourde et pataude, je reprends mes esprits et mon équilibre dès que la pente s’inverse et je raffole de ces longs virages avec des appuis constants. Et ça tombe bien, il y aura de ça sur le tracé de la prochaine épreuve. Hâte !

*Copains & Co. Ça fait bigrement du bien de revoir les copains du SMLT! Et une confirmation : les nouveaux et jeunes coureurs engagés en Swiss Moto Legend Trophy sont de véritables avions de chasse

*Broaappp ! Quoiqu’on en dise, une Harley survitaminée en course de côte, c’est sacrément jubilatoire à voir et entendre passer. Les grosses gamelles, ça change des 4 cylindres qui hurlent et vous déchirent les tympans haha. Faut juste refaire le bitume après son passage, re-haha!

*Chicane On a encore un peu de mal avec les chicanes. Et ici, à Boécourt, il y en a trois! Un autre point à travailler pour l’année prochaine et en vue de la prochaine course au Petit Abergement!

*Des voisins en or ! Pascal Masnari (dit « Le Squale », le 919 qui a fini 5ème pour 0.02 sec devant nous le dimanche. Coooomment ça, on a encore du mal à le digérer?! Haha), Seb Sauteur et tous leurs amis sont des voisins de paddock en or. Merci pour votre aide et les discussions, c’est le pur esprit de la course de côte. Surtout, ne changez rien, les gars, vous êtes au top.

*Boécourt Moto Racing Team. Une très belle organisation cette année encore par le Boécourt Moto Racing Team, malgré les quelques turpitudes et imbroglios administratifs (championnat européen), que l’on nous a bien expliqués au briefing. Merci et dommage !

*Des co-équipiers en or. Un énorme merci à mes super « co-équipiers », Nathalie Lair et Éric Leiser (#999) du Rustic Team.

*Sustentations et tentations. Il n’y a pas à dire! Dans le Jura, on sait accueillir et la table y est fort bonne et très copieuse, qu’on se le dise !

*SMLT et SSCLT: Merci et bravo à notre inoxydable Jean-Luc Ronchi pour le plateau étoffé et dynamique en side-cars (Swiss SideCar Legend Trophy) et la continuation du SMLT !

GALERIE