RECIT DE VOYAGE
Après plus de 10 ans d’existence et rassemblant aujourd’hui près de 500 participants par édition, le Hard Alpi Tour (HAT pour les initiés) est devenu au fil des années un évènement majeur de l’adventouring en Europe.
Over2000riders, l’association à la base de cet événement mythique, ne campe pas sur ses lauriers et s’efforce de proposer régulièrement des nouveautés. Parmi plusieurs nouveaux évènements dont le Bitumenduro et 2 nouveaux weekends Adventour Fest, l’évènement phare de cette année 2023 sera sans aucun doute le HAT MASTER BALKANS. 7 jours de moto dans les Balkans au travers de 8 pays, combinant tourisme, tout-terrain et régularité.
Initialement prévu en 2020, le HAT Master Balkans est annulé comme beaucoup d’autres événements à cause du Covid et il subira le même sort l’année suivante. En juin 2022, l’organisateur décide de faire un test grandeur nature, afin de valider l’itinéraire, dont les reconnaissances datent maintenant de plus de 2 ans.
Acidmoto ayant été le premier média francophone à participer et communiquer sur le Hard Alpi Tour et ses différentes déclinaisons depuis 2014, c’est pour nous un immense plaisir et un honneur d’être le seul média invité à prendre part en avant-première à cet événement. Cette occasion unique nous permettra de voir les coulisses de la préparation d’un tel événement et de vous le faire vivre de l’intérieur.
Avec le HAT Master Balkans, je tiens également une occasion en or pour proposer à Aprilia Suisse un test longue duré de la nouvelle Tuareg 660.
Rendez-vous en Slovénie
J’ai rejoint Divaca en Slovénie en soirée, après une longue et monotone étape routière de 730 km, avec des températures dignes de l’été pour ce début juin 2022. C’était l’heure de rencontrer l’équipe qui s’occupera des repérages.
On a d’un côté des membres de l’organisation Over2000riders, 100% italiens, avec Jonathan, Marco et Alberto tous les trois à moto et Charles, le père de Jonathan, Roberto, Claudio et Roseta dans des véhicules 4×4 de support.
Ils ont même une remorque pour transporter les motos.
Puis, on a Jan, venu de Croatie. C’est une sorte de one-man-package tanto guide, interprète, pilote de drone, facilitateur, le tout avec toujours une bonne grosse dose de déconnade… Il connaît les pistes que l’on traverse comme sa poche. Malheureusement, suite à une blessure au pied, il a dû laisser sa moto chez lui et sera passager de la voiture de Charles. Sam et Tony, deux potes de Jan nous accompagneront aussi à moto durant respectivement les 2 et 3 premiers jours.
On commence sous la flotte
Jan nous avait bien mis en garde : Vous allez crever de chaud dans les Balkans, prévoyez juste une tenue de cross ! Heureusement que je ne l’ai pas écouté ! On attaque les 2 premières étapes sous la pluie et avec une température qui descendra même jusqu’à 6°C le premier jour !
Avec ma combi en Gore-Tex Klim Carlsbad, je n’ai pas le souci d’être mouillé. En revanche, je ne m’attendais tout de même pas à de telles températures. Il me manquait une doudoune et une paire de gants chauds pour être vraiment à l’aise.
Pour mes compagnons de route, c’était encore moins drôle. Ils étaient équipés pour du chaud et se sont retrouvé avec un équipement pas vraiment adapté.
Le passage des frontières se fait sans problème. En 2 jours, on passe de la Slovénie à la Croatie pour arriver en Bosnie en un peu plus de 600 km. On roule principalement sur des pistes de forêt, et notre trace nous fait éviter tant que possible des zones peuplées. Des pistes qui auraient été bien roulantes par temps sec sont devenues boueuses et très glissantes à cause de la pluie. J’ai manqué de m’envoyer au tapis à plusieurs reprises.
Les étapes sont longues, et si l’on ajoute le temps de prendre quelques photos et quelques pépins techniques comme une crevaison çà et là ou une KTM 950 récalcitrante, on se retrouve facilement à rejoindre l’hôtel après la tombée de la nuit, comme cette étape où l’on arrive à Mostar peu avant 23 heures.
On a beau passer des frontières, niveau culinaire, d’un pays à l’autre, je n’ai pas noté de différence. En général on a de la viande, beaucoup de viande, principalement sous forme de saucisses et de grillades, le tout accompagné d’une copieuse ration de frites molles et baignant dans l’huile. Enfin, autant vous dire qu’après des journées de 10 à 12 heures sur la route, on ne fait pas les difficiles.
Même si notre mission principale est de reconnaître les pistes et de s’assurer qu’elles soient praticables également pour un gros trail, ce voyage de reconnaissance est également nécessaire pour tester les hôtels, qui je dois dire, sont vraiment pas mal du tout. Nous, les motards, sommes également chargés de tester 2 types de transpondeurs émettant à des fréquences différents (toutes les 5 secondes et toutes les 60 secondes).
Charles et Jan, dans leur 4×4, peuvent suivre notre progression en temps réel. Ce système est très pratique pour localiser une personne en cas d’accident et est déjà utilisé sur le HAT depuis quelques éditions. En plus, par sécurité et pour faciliter la communication on est également tous équipés de talkie walkie. C’est un système spécial qu’ils ont loué pour l’événement. Ils n’ont pas de limitation de portée et sont sensés fonctionner même s’il n’y a pas de réseau téléphonique ! Je pense que ça doit fonctionner par satellite.
De la Bosnie au Monténégro
On quitte Mostar avec un timing à l’italienne, c’est-à-dire plus ou moins 2 heures de retard. Le froid et la pluie c’est de l’histoire ancienne. A Mostar le thermomètre affiche déjà 30°C quand on s’apprête à partir en fin de matinée. Les pistes sont franchement cool, tout comme les paysages.
Je me sens de plus en plus à l’aise au guidon de la Tuareg, et surtout, chaque jour j’en deviens plus fan. Les ingénieurs de Noale nous ont pondu une sacré moto! La partie cycle est vraiment incroyable et tout particulièrement la position debout me convient à la perfection, à tel point que je roule la plus grande partie du temps debout, même sur la route.
La KTM 950 de Tony refait des siennes et s’arrête de façon intempestive de plus en plus souvent. Incapable de régler le problème, on finit par appeler notre assistance pour la charger sur la remorque. Par la même occasion, on apprend par des locaux que le passage de frontière qu’on voulait initialement prendre pour se rendre au Monténégro, n’est pas ouvert aux étrangers. Ce qui nous oblige à prendre la frontière principale et à faire un détour routier.
En début de soirée, on arrive à Zabljak au Monténégro, une ville touristique de montagne, l’équivalent de Verbier ou Zermatt chez nous. C’est un mix intéressant de bâtiments flambants neufs, comme notre hôtel, et de baraques déglinguées, le tout dans un cadre magnifique.
Après Sam le jour précédent, c’est Tony qui nous quitte aujourd’hui. Il doit repartir vers l’Italie, sans vraiment avoir trouvé la source du problème de sa 950 Adventure.
Afin de compenser le retard qu’on est en train de prendre sur le planning, on décide de se séparer en 2 groupes. Jonathan et Alberto partent ensemble tester une partie de la trace qu’on aurait dû faire hier et moi je pars avec Marco faire le reste. A 60 ans, Marco est à la retraite depuis près de 10 ans! Je ne sais pas, ce qu’ils ont comme système en Italie, mais ça fait rêver ! Autant vous dire que des voyages à moto, il a eu le temps d’en faire ! Marco roule sur la vénérable Honda Dominator 650 de Corrado Capra, le grand boss d’Over2000riders. Elle est passablement modifiée, notamment au niveau des suspensions et de la tête de fourche et n’aura pas montré le moindre signe de faiblesse de tout le voyage.
Les journées sont vraiment agréables et je dois dire que les paysages sont magnifiques, tout particulièrement depuis la Bosnie.
Mon coup de cœur sur ce voyage, c’est le Monténégro. On est dans un environnement absolument incroyable. C’est sauvage, montagneux, les pistes sont vraiment sympas et on ne croise quasiment personne à part quelques paysans et leurs animaux. Difficile de faire mieux !
Le passage de la frontière pour entrer au Kosovo se fait sans histoire, mais on doit acheter une assurance obligatoire à 20 euro. Notre équipe de soutien en voitures aura quant à elle un peu plus de fil à retorde, car ils ont perdu la plaque d’immatriculation de la remorque. Des coups de fils et un retour dans une administration du Monténégro seront nécessaires pour trouver une solution.
Les effectifs se réduisent
Nos effectifs se réduisent jour après jour. A présent c’est Alberto, avec qui je partage la chambre depuis le début du voyage qui s’est blessé lors d’une chute et se retrouve forcé de continuer la route dans la voiture pour la prochaine étape.
Nous ne sommes plus que 3 motards avec Marco et Jonathan pour effectuer les reconnaissances au Kosovo. Le Kosovo est un pays vraiment surprenant. On peut trouver dans la même rue une bicoque en ruine avec une demi-douzaine de carcasses de vieilles Polo et Golf dans le jardin et juste à côté, un espèce de palace hollywoodien mélangeant sans le moindre complexe tous les styles d’architecture connus depuis la Grèce antique. Bien évidemment, le tout entouré d’une barrière ou d’un mur de 3 mètres de haut.
Rapidement, on quitte les zones habitées pour s’aventurer dans l’arrière-pays. Après quelques heures de route, on se voit obligé de faire demi-tour une première fois lors d’une montée caillouteuse sacrément raide. Seule Jonathan avec sa KTM EXC 450, une vraie enduro, parvient à monter jusqu’en haut. Avec ma Tuareg, je me plante au beau milieu et impossible de repartir. Je creuse un trou et peut laisser ma moto plantée en attendant le retour de mes coéquipiers. On devra se mettre à 3 pour sortir mon Aprilia de cette mauvaise posture.
On redescend pour tenter une piste alternative. Cette fois, nous sommes arrêtés par une coulée de neige impossible à passer.
Rebelote, on fait marche arrière et on trouve une alternative à travers des champs. Les choses auraient pu en rester là, si ce n’est qu’en fin de journée, vers les 18h30, on attaque la dernière section. Si j’avais su dans quoi on s’embarquait, j’aurais catégoriquement refusé de m’y aventurer avec une moto aussi lourde que la Tuareg. On passera plus d’une heure à franchir ces quelques kilomètres de chemin défoncé. Les ornières sont si profondes qu’il est impossible de ressortir la moto ni de tourner. Ajoutez à tout cela une bonne dose de boue, et quelques centaines de moustiques qui nous collent aux basques et vous obtenez un cocktail pas forcément délicieux. Comme d’hab, c’est bien évidemment dans les pires galères qu’on tire les meilleures photos, et ce n’est pas l’exception qui infirmera la règle. Heureusement, on parvient à s’en tirer, et c’est une fois tirés d’affaire en voulant prendre une photo de mes collègues face au coucher de soleil que je perds l’équilibre et laisse tomber ma moto pour la première fois du voyage…
On rejoint la route pour les 60 derniers kilomètres qui se feront de nuit avant d’atteindre l’hôtel 5 étoiles à Brezovica vers 21 heures. L’endroit est moderne, hyper chic avec sauna et tout le tralala, mais on n’aura pas le temps d’en profiter.
Initialement, il était prévu d’arriver en Albanie le vendredi soir, mais avec le retard qu’on a pris, il a été nécessaire d’ajouter une journée au planning pour terminer les reconnaissances des étapes en Macédoine et en Albanie. Sur un tel événement, l’organisateur ne peut pas prendre le risque d’envoyer des clients sur des traces qui n’ont pas été repérées. Imaginez un peu la cata quand vous avez une demi-douzaine de participants avec de gros trails plantés dans des ornières à la tombée de la nuit…
Retour au bercail
J’avais prévu d’aller jusqu’au bout avec l’équipe d’Over2000riders, mais après réflexion durant la nuit, je décide de repartir vers la Suisse le lendemain matin. J’ai tout de même 1’800 km de route à faire en 2 jours pour rentrer chez moi depuis le Kosovo et le lundi matin, je dois rendre l’Aprilia au garage et retourner au travail ! Heureusement, Alberto s’est suffisamment remis de sa chute pour pouvoir reprendre le guidon à partir de demain.
Cette opportunité de partager le quotidien et les défis de la préparation d’un événement pareil avec les organisateurs m’a ouvert les yeux sur l’immense travail nécessaire en amont afin de s’assurer que tout se passe pour le mieux lors de l’événement. Il faut également savoir que la totalité de l’équipe d’Over2000riders présente sur ces reconnaissances est composée de bénévoles.
Ces reconnaissances m’ont également permis de découvrir des régions magnifiques dans des pays que j’ai déjà visité par le passé. C’est une toute nouvelle facette que je découvre de ces pays, et tout particulièrement la Bosnie et le Monténégro. Voyages dans l’arrière-pays sur des pistes peu fréquentées que je n’aurais très probablement jamais eu l’occasion de découvrir moi-même. C’est aussi ça l’avantage de ne pas avoir à se soucier de son itinéraire et de pouvoir juste profiter de rouler en suivant une trace GPS.
J’en profite pour remercier chaleureusement toute l’équipe d’Over2000riders pour leur gentillesse et leur motivation à créer de tels évènements pour notre plus grand plaisir et par la même occasion, je remercie également Aprilia Suisse pour le prêt de la Tuareg 660 et la confiance qu’ils m’ont accordé pour ce test de 4’400 km. C’est à contre-coeur que je la dépose au garage et que je repars sur ma vénérable Africa Twin 650…
Pour ceux qui sont intéressés à participer à la première édition du HAT Master Balkans, vous trouverez toutes les informations ici.