PROJET MÉCA
J’ai donc décidé de ne pas les attendre et d’adapter un moteur et tout l’électronique d’une 1290 Super Duke R 2018 (2e génération, celle avec l’ABS sur l’angle, le régulateur de vitesse et le shifter) acheté accidenté, dans le châssis d’une superbe 1190 RC8R que je suis allé dénicher dans la campagne Parisienne. Celle-ci partage la même architecture de gros bicylindre autrichien que la Super Duke mais dans une version plus ancienne : moins de couple, moins de puissance, pas de ride by wire, ni de traction control ou d’antiwheeling. Pas de shifter non plus, pas d’écran TFT, et quelques défauts de fiabilité à l’époque. Autant de raisons qui m’ont poussées à greffer toute cette nouvelle technologie dans la partie cycle ultra efficace, précise et agile d’une RC8R 2011.
Une fois la patiente en ma possession, je l’ai mise à nue et l’ai délestée de son moteur et son faisceau d’origine, puis la greffe a commencé…

Faisceau et électronique :
Pour commencer je me suis adonné à une sorte de Tetris mécanique pour placer le nouveau faisceau et ses nombreux boîtiers électroniques. Le Neiman keyless se monte en lieu et place de l’ancien, il aura juste fallu récupérer les pièces du bloque guidon d’origine pour les adapter dans celui-ci.
Après une centaine de soudures pour adapter le faisceau, la centrale IMU gyroscopique (qui gère aussi l’antiwheeling et le traction control), l’ECU, et le boitier éthanol Thorn Bikes trouvent désormais tous les trois leur place sur une platine créée pour l’occasion sous le réservoir, dans l’espace laissé libre par la nouvelle admission Rottweiler performance plus compacte.
Les Ram air d’origine ont été conservé pour souffler directement sur les boitiers et une feuille d’isolation thermique a été placée entre ceux-ci et le moteur.
Le MCU (boitier de gestion électronique de la moto) se loge désormais sous la batterie lithium Skyrich, moins haute et moins lourde que l’origine. Le capteur de rotation de la roue avant a été adapté sur la fourche de RC8 assez facilement et l’arrière a nécessité le rajout d’un morceau de patte d’étrier de 790, soudé sur celle de RC8. Les pistes ABS ont été récupérées sur d’autres modèles de moto ayant les mêmes entraxes et nombre de trous que les disques de RC8.

L’adaptation de la partie éclairage quant à elle n’était pas des plus simples non plus. Particulièrement au niveau du phare, qui une fois passé en full led a nécessité la fabrication d’un faisceau sur mesure afin d’avoir un fonctionnement total sur les comodos de 1290.
Le compteur TFT couleur se monte désormais sur une platine maison, et la place restante en dessous permet le positionnement d’un boîtier d’acquisition de données 3DMS de chez Rider’s E-Novation.
Enfin, le régulateur de tension est fixé sous la coque arrière, refroidi par un ventilateur de PC pour pallier au manque d’air dynamique à cet endroit.
Partie moteur :
Pour cette partie, le bloc de 1290 possède les mêmes points d’ancrage que celui de la 11, plutôt facile donc. Mais en voyant le bloc hors de la moto, je n’ai pas pu m’empêcher de l’ouvrir intégralement.
Une boite de RC8, plus longue sur les 3 premiers rapports (efficace, sur une moto qui ne demande qu’à lever) et plus courte sur les suivants a remplacé la boite d’origine. Carter de boite de Super Duke avec pignonnerie de RC8, vous suivez toujours ?
Une légère préparation des culasses au passage (reprise d’étanchéité soupapes, polissage de l’échappement et du dôme), une paire de tendeurs de distribution Dirt-tricks et une révision complète avant de remonter le tout.
L’admission Rottweiler performance choisie pour son potentiel tout en permettant un gain de place non négligeable a elle aussi été retravaillée au niveau du dôme pour pouvoir passer sous le réservoir.
On trouve d’ailleurs à l’intérieur de celle-ci deux venturis maisons en carbone ultra courts (35mm) pour aller chercher un peu plus de haut régime.
Le bloc injection de 1290, plus gros car intégrant le moteur ride by wire, aura nécessité la modification d’un support moteur pour permettre son placement.
La ligne complète titane Akrapovic Evo 1 (de RC8), et une carto by Thorn Bike viennent finaliser le tout, portant la Pmax à 174cv à la roue et 14,8mkg de couple de 6 à 8’000 tours… soit environ 25cv et 2mkg de plus qu’une RC8r classique passé sur le même banc.
Partie châssis / esthétique
Pour conserver le design d’origine de la RC8R, j’ai simplement modifié légèrement le texte « 1190 » présent sur les 2 flancs avant et la coque arrière, et ai rajouté un petit logo chromé sur le réservoir façon série limitée. De nombreuses pièces carbone ont été ajoutées pour habiller la dame, une trappe réservoir quart de tour powerparts ainsi que les bouchons de bocaux anodisés du même catalogue.

Bien que déjà très efficace et bourrée de réglages, la partie cycle a elle aussi été légèrement améliorée, commandes reculées KTM Powerparts, Disques Brembo T-drive montées sur des jantes forgées PVM faisant gagner 4kg de masses non suspendues. Maître-cylindre HEL Performance et Bracelets ABM entièrement réglables, on note aussi la pose d’un rigidificateur de sélecteur en alu taillé masse dessiné par Etienne Guillot, un autre frappé du RC8.
Il a aussi fallu créer une patte de support inférieur de radiateur, les blocs de Super Duke utilisent les mêmes moules mais scient ces ancrages du passé avant de quitter l’usine d’assemblage moteur.
Premiers essais sur piste
Trois journées à Magny-cours m’ont permis de toucher du doigt le potentiel de cette machine, et de la comparer à un RC8 d’origine piloté par un ami de même niveau que moi. Résultats très prometteurs, en sortie de courbe le proto atomise la 8, qui lui rend d’ailleurs plus de 10km/h en bout de ligne droite. Elle a aussi bien tenue tête aux 4 cylindres japonais, ne rendant que quelques mètres au freinage d’Adélaïde avant de les reprendre dans les virages suivants.


L’antiwheeling fonctionne aussi mieux que sur la Super Duke, il est plus doux, certainement grâce à cette boite plus longue et ce châssis limitant le cabrage sans pour autant l’ interdire.
Le Quickshifter+ intégré au carter de boite de superduke quant à lui est un pur régal sur circuit, avec un downshift et un frein moteur réglable au compteur (msr) et permettant de se concentrer sur les gros freinages de ce circuit en tombant les rapports sans réfléchir. L’écran TFT s’est avéré très lisible à son emplacement et affiche l’essentiel en mode track : rapport engagé, shift light, niveau de traction control…
Quelques soucis électroniques sont survenus après une journée de roulage avec le bloc abs qui se mettait en défaut, coupant le shifter et le MTC, mais j’avais fait l’erreur de ne pas boucher les orifices hydrauliques quand j’ai décidé de laisser le freinage en direct de la rc8, sans passer par ce bloc.
Je pense avoir fait le tour en détail de ce projet que je me suis régalé à mener, j’espère qu’il vous plaira, je prévois d’en profiter un peu avant de retenter l’aventure mais cette fois avec moteur et électronique de 1290 3eme génération (après 2020), améliorant encore de nombreux points.

GALERIE
Alexy, le mécanicien à l’origine de ce projet, est à retrouver sur Facebook Mecalex Moto Istres et Instagram @Van_moto_and_co.