Photos de Triumph, David Zimmermann, Sara Holczer
ESSAI
En complément du test détaillé de Patrick, nous avons eu l’opportunité de la tester non seulement en duo, mais également en tout-terrain, histoire de répondre peut-être aux interrogations que se posent ceux qui roulent en binôme, la cylindrée et le confort de la grosse Tigresse se prêtant particulièrement bien à cette catégorie de motards.
Pour tester la Triumph Tiger 1200 Rally Pro, on s’est inscrit au Sardegna Gran Tour, un évènement de 4 jours destiné aux gros trails avec au choix des traces GPS route et tout-terrain pour chaque étape. Depuis la Suisse, c’est un trip de 6 jours et 2’000 km tout rond !
Un confort et une protection impériale… pour les grands
S’il y a un point qui m’avait marqué concernant la Triumph Tiger 1200 avec laquelle j’avais participé au Paris-Dunkerque en 2016, c’était son confort. J’avais avalé d’une traite les 800 km du retour et j’étais encore capable de m’assoir après ça ! La protection au vent de l’immense bulle est ma référence ultime en terme de confort pour ma taille (1.82m). Je pouvais même rouler la visière ouverte sans turbulences.
Avec la Triumph Tiger 1200 Rally Pro, le trajet jusqu’à Milan et le retour depuis Livourne suffiront à nous convaincre que niveau confort, Triumph n’a pas fait de compromis avec cette nouvelle version. À son guidon, on peut sans aucun problème envisager des étapes de 600 km et plus. Ma compagne n’a également rien eu à redire. Elle a particulièrement apprécié l’ergonomie des poignées passager et a mentionné qu’elle était assise passablement plus haut que d’habitude (on roule en Aprilia Caponord 1200) ce qui était un peu déroutant au début, mais qui est finalement devenu un avantage, car elle disposait d’un champ de vision beaucoup plus important au-dessus de mon casque.
Avec la selle standard réglée en position basse (875mm), sa hauteur est juste bien pour mes 182 cm. Je touche par terre mais sans pouvoir poser les talons. En position haute (890 mm), je me retrouverais sur la pointe des pieds. La position de conduite est excellente, tout est hyper naturel et relax. Le réservoir est fin et ne dérange pas les jambes, ni en position assise ni debout. Enfin, le large guidon offre une excellente prise en main.
Il vaut mieux mesurer au moins 180 cm pour être à l’aise avec la Rally Pro ou la Rally Explorer Pro (la même avec un réservoir de 30 litres). En option il existe une selle basse (-20 mm) et si vous êtes vraiment limite, vous aurez certainement meilleur temps d’opter pour la version GT avec jante avant de 19’ au lieu de 21’. Celle-ci offre une hauteur de selle de 850 mm.
Une excellente protection au vent
Le saute-vent de la nouvelle Triumph Tiger 1200 Rally Pro est beaucoup plus étroit et moins haut que sur celle que j’avais testé il y a 6 ans qui était, il est vrai, énorme… Il est réglable en hauteur au moyen d’une barre horizontale sur laquelle il suffit de tirer ou pousser d’une seule main.
Le verdict tombe dès qu’on entre sur l’autoroute. En position haute, il est parfait pour ma taille, les turbulences passent au-dessus de mon casque. Je trouve que c’est une vraie réussite, car visuellement, il n’est guère différent de ce qu’on voit sur d’autres bécanes, et tous, même si certains sont un peu mieux que d’autres, créent des turbulences dans mon casque. Je pense que c’est simplement le meilleur que j’ai pu tester et croyez-moi, je suis pénible sur ce point. Celle de ma Caponord 1200 par exemple, est beaucoup plus grand, mais génère des turbulences très désagréables. J’ai dû lui ajouter un déflecteur pour régler le problème.
Ergonomie
La moto est équipée d’origine de poignées chauffantes, et c’est tant mieux parce qu’il faisait seulement 2°C quand nous sommes passé le col du Simplon en descendant à Milan.
Le petit bouton pour les activer est bien positionné, directement sur la poignée gauche, mais j’ai trouvé l’efficacité du chauffage insuffisante. Le lendemain, avec la pluie et des températures ne dépassant pas les 12 °C, j’ai roulé toute la journée avec celles-ci réglés en position 3 (le max) sans vraiment avoir l’impression que mes mains chauffaient.
L’ergonomie des repose-pieds est bonne, ils sont suffisamment larges pour être confortables en position debout. Les gommes peuvent être enlevé pour la conduite en tout-terrain. Le guidon est large et offre un excellent contrôle de la moto. L’angle de braquage est particulièrement grand, mais attention aux manœuvres à basse vitesse. On est quand même sur une moto de près de 250kg tous pleins fait !
Le 3 pattes anglais, une raison à lui tout seul d’acheter la Triumph Tiger 1200 Rally!
S’il y a bien un point qui différencie la Tiger 1200 de toutes ses concurrentes c’est son moteur, le seul 3 cylindres de la catégorie.
Ce nouveau bloc de 1160 cm3 a reçu la même modification T-Plane qu’on a vu apparaitre sur la 900 en 2020. Cette modification qui introduit un ordre d’allumage irrégulier des cylindres avait apporté à la 900 une bonne dose de caractère qui manquait cruellement à la 800, aussi bien au niveau du bruit que des « bonnes » vibrations qui nous rappellent qu’on ne roule pas avec une moto électrique. Sur la 1200, c’est encore mieux !
D’une souplesse exemplaire, le 3 pattes reprend à 1’800 tr/min sans taper et accepte d’évoluer en ville en 6ème à 50 km/h. J’ai particulièrement profité de son couple camionesque présent dès les bas régimes. L’intérêt d’un gros moteur n’est pas vraiment sa puissance, mais surtout son couple, d’autant plus quand on roule en duo.
Le shifter bidirectionnel fonctionne à merveille et dès qu’on l’a essayé, on ne peut plus s’en passer. Je n’ai quasiment plus utilisé l’embrayage de tout le voyage pour changer les rapports. J’ai d’ailleurs trouvé étrange qu’à la poignée on ait un embrayage hydraulique, mais qu’au niveau du moteur on trouve un câble…
Triumph aurait pu se contenter de mettre simplement un câble comme sur la 900, c’est tout de même le système le plus simple et le plus fiable qui soit…
On peut très bien piloter cette nouvelle Tiger tout en souplesse, en ne dépassant jamais les 5’000 tr/min sans pour autant se trainer la nouille tant son moulin déborde de couple.
Sachez toutefois que si l’on décide d’aller voir ce qui se trouve au-delà des 5’000 tr/min, la tigresse dévoile carrément un tempérament sportif ! Ça pousse très fort jusqu’à 9’000 tr/min avec une bande son rauque et agressive que j’ai particulièrement apprécié. Le 3 cylindres sonne davantage comme une machine de course qu’un tracteur, comme les bicylindres auxquels nous sommes habitués.
Les vibrations commencent à se faire sentir à partir de 5’000 tr/min dans les mains d’abord, puis dans la selle et les cale-pieds au fur et à mesure que le moteur prend des tours.
Ça ne m’a pas dérangé parce que quand je roule sur le couple il n’y a rien à redire, et quand j’essore un peu la poignée, ça accélère tellement fort, que toute ma concentration est dédiée à la conduite et là, les vibrations deviennent le cadet de mes soucis…
Un moteur qui ne dégage quasiment pas de chaleur
Il y a un autre point que je désire soulever par rapport à cette nouvelle Tiger. Elle ne dégage aucune chaleur, ni au niveau des jambes, ni de l’entrejambe, ni de la selle. Ce n’est de loin pas le cas de certaines de ses concurrentes européennes pourvues de V-Twins dont le cylindre arrière vous grillent les cacahouètes dès que vous évoluez en trafic urbain.
D’ailleurs si vous avez bien regardé la photo de son moteur, on n’y voit pas de radiateur. Triumph a monté les radiateurs latéralement. Ils sont d’ailleurs si bien cachés derrière les plastiques noirs, en bas du réservoir, qu’on ne les voit quasiment pas. Ce n’est pas courant, mais d’autres marques l’ont déjà fait par le passé, comme Benelli sur les TNT 899 et 1130 et Honda sur la Varadero et la VTR.
En plus de l’architecture moteur qui joue en notre faveur, le flux d’air chaud qui sort des radiateurs quitte la moto sur les flancs et non face à vos jambes comme c’est le cas en général. Bien joué les ingénieurs de Triumph ! L’idée est d’ailleurs excellente également pour des raisons d’exposition du radiateur, qui face à la route en tout-terrain a tendance à être la cible d’impacts de cailloux et gravier. Les radiateurs placés sur les côtés ne sont exposés qu’en cas de chute.
Seule alternative à BMW avec un cardan de la catégorie
Le cardan est un avantage indéniable pour les grands rouleurs, car il ne nécessite quasiment pas d’entretien par rapport à une chaine. La Triumph Tiger 1200 est d’ailleurs, dans cette cylindrée, la seule alternative à la marque bavaroise à proposer ce type de transmission finale.
Cette nouvelle version de la Tiger perd son monobras avec cadran intégré pour un bras oscillant plus classique, mais apparement plus léger de 1.5 kg.
Ce n’est qu’à faible vitesse et à bas régime qu’on sent un à-coup à la remise des gaz, mais ce n’est qu’un détail par rapport aux avantages de ce type de transmission.
Consommation
Notre consommation moyenne vérifiée sur la totalité du voyage est de 6.5 l/100km. Les 20 litres du réservoir offrent donc une autonomie de 300 km. Sachez que la version Rally Explorer offre 10 litres de contenance supplémentaire pour une autonomie approchant les 450 km.
Le tout-terrain en duo c’est faisable ?
Vous avez déjà fait du tout-terrain en duo ? Non ? Nous non plus ! Le Sardegna Gran Tour nous a donné la possibilité de choisir chaque jour des itinéraires tout-terrain. En général on a suivi la trace off-road le matin jusqu’à la pause déjeuner puis on a terminé l’étape durant l’après-midi par la trace routière, car tous les participants se retrouvent au même endroit pour manger. Au total, on a dû rouler entre 400 à 500 km d’off-road.
Une fois le mode « enduro » sélectionné, les réglages des suspensions électriques s’ajustent, tout comme l’ABS, le Traction Control et la gestion du moteur qui est encore plus souple et soft qu’en mode « route ». Si vous avez lu le test de Patrick, vous savez que la Triumph Tiger 1200 Rally Pro est équipée de suspensions Showa semi-active. Le réglage de la précharge se faisant automatiquement, celle-ci va s’adapter à la charge sur la moto, que vous soyez seul ou en duo afin de toujours offrir la précharge idéale. En plus de varier selon le mode choisi (sport, route, enduro, perso) la suspension est réglable sur 7 niveaux de dur à souple.
J’ai testé le mode « enduro pro » sur quelques centaines de mètres en solo quand ma compagne prenait des photos. Toutes les assistances y sont désactivées et la roue arrière patine à la moindre rotation de la poignée de gaz… C’est un truc de malade ! À réserver qu’à des gars qui maitrisent, autrement ça risque de couter cher et de faire mal !
Par rapport aux autres gros trails que j’ai eu l’occasion de rouler en tout-terrain, sur la Tiger 1200 je roule systématiquement 1 rapport au-dessus, parfois 2. De 30 à 60 km/h, je suis quasiment toujours en 3ème ou en 4ème, le moteur étant parfaitement souple à ces régimes.
Ayant eu de la pluie durant les 2 premiers jours, on a évolué sur un terrain plutôt glissant. J’ai perdu un peu l’avant à quelques reprises, la faute, entre autres, aux pneus au profil routier. Une seule fois, j’ai laissé tomber la moto, quasiment à l’arrêt. Je l’ai relevée seul, en me faisant mal au dos à la même occasion. Elle a peut-être perdu 25kg, mais ça reste un sacré poids à relever ! C’est beaucoup plus la difficulté à la relever qui risque de vous limiter dans la pratique du tout-terrain, que la moto elle-même, qui passera partout là où ses concurrentes passent également.
Les 2 derniers jours sur l’ile se feront enfin au sec et au soleil avec une température qui dépasse les 25°C. Les pistes sont plutôt faciles et sans difficultés techniques. On s’aventure surtout sur des chemins de terre, des pâturages ou des chemins sablonneux parfois. On peut sans problème évoluer à 50-60 km/h en toute sécurité. Quelques montées assez raides sont un peu plus techniques, particulièrement les virages en épingle, mais rien d’insurmontable. De manière générale, c’était des chemins plutôt faciles.
J’ai vraiment été assez bluffé par les suspensions. La moto est restée confortable dans toutes les situations et je pense qu’on n’a jamais tapé au fond des 220 mm de leur course.
Le kiff sur les routes sardes au revêtement parfait
La Sardaigne c’est aussi les petites routes sinueuses au goudron parfait. Si sur les pistes on se gardait une bonne marge de sécurité, sur la route, on a pu se lâcher un peu. La Tiger avale les courbes de façon précise sans nécessiter d’efforts important pour la mettre sur l’angle. Tout est facile à son guidon. On se croirait plus au guidon d’un roadster qu’un trail de 250 kg ! Le freinage est au-delà de toute critique et son poids, ce n’est finalement que lors des manœuvres à basse vitesse qu’on le sent.
Je profite de l’énorme allonge de son 3 pattes pour monter les tours et me délecter de cette superbe bande son en enchainant les courbes en 2ème ou en 3ème, le kiff ! En plus de sonner bien, l’échappement d’origine est pour une fois vraiment réussi d’un point de vue visuel également. Il est très fin et son volume doit faire à peine la moitié de celui de certaines de ses concurrentes.
Navigation dans les menus un peu laborieuse
Il n’est pas possible de passer du mode « enduro » aux autres modes de conduite sans s’arrêter complètement avant de changer de mode. J’ai trouvé ça assez énervant, car les pistes sont souvent reliées par des liaisons d’asphalte et je n’ai pas envie de m’arrêter complètement à chaque fois que le revêtement change pour choisir le bon mode. J’ai fini par laisser le mode enduro durant toute les étapes hors-pistes et c’est très bien allé comme ça.
Le reproche que je pourrais faire à cette moto concerne l’accessibilité des informations et la navigation dans les menus. Honnêtement, je n’ai pas trouvé ça intuitif et il m’a fallu plusieurs jours pour m’y habituer. Prenez par exemple le kilométrage total de la moto ; il est caché dans le menu service. L’écran TFT possède une excellente résolution et est très lumineux, mais j’ai l’impression que les ingénieurs ont passé plus de temps à élaborer son design et ses coloris plutôt qu’à penser à son utilité première, à savoir afficher des informations. On y trouve la vitesse, le compte-tour, l’heure, la température extérieure et la jauge à essence. Pour le reste, on doit choisir entre afficher le kilométrage partiel, l’autonomie restante ou la température du moteur mais on ne peut pas afficher plusieurs informations en même temps. Après 3 jours, j’ai fini par m’y habituer. Ce n’est pas un point qui me freinerait dans l’achat de cette moto, mais y’a moyen de faire mieux et plus intuitif.
Mon dernier reproche concerne le cruise control activable depuis le comodo gauche. Celui-ci est moins ergonomique que chez la concurrence allemande qui s’active d’un simple mouvement de l’index. Sur l’anglaise, il faut l’activer au moyen du pouce en lâchant à moitié la poignée. Rassurez-vous, ça fonctionne aussi, et je l’ai utilisé durant toute la partie autoroutière du voyage, mais sur une bécane à 22’000 balles, on peut se permettre d’être un peu pinailleur.
Le bouton joystick qui permet de naviguer dans les menus ne mériterait pas non plus le prix Nobel de l’ergonomie. Situé à droite du klaxon, il est petit et long et pas forcément simple à utiliser avec des gants. On peut facilement se tromper de bouton et klaxonner si l’on ne prête pas attention à ce que l’on fait. Un plus pour les commodos rétro-éclairés, c’est vraiment cool quand on roule de nuit.
Triumph Tiger 1200 Rally Pro – Verdict
Après 2’000 km à son guidon, je vous avoue qu’on l’aurait bien gardé dans notre garage tant elle nous a plu cette Triumph Tiger 1200 Rally Pro.
Triumph a frappé très fort avec cette nouvelle itération et tout particulièrement pour ceux et celles qui roulent en duo. Le confort à son bord y est impérial aussi bien au niveau de la selle que des suspensions ou de la protection au vent. Si vous n’aviez le droit qu’à une seule moto (je sais c’est dur) la Tiger s’accommodera aussi bien en solo qu’en duo d’une étape autoroutière de 600 km, d’une journée à enchainer des cols avec vos potes en roadster ou d’un weekend sur des pistes d’un Hard Alpi Tour ou d’un évènement off-road de Cocoricorando.
La Triumph Tiger 1200 Rally Pro s’affiche à partir de 22’600 CHF et la Rally Explorer à partir de 24’350 CHF. Face à la concurrence, à équipement similaire, on se trouve dans la même catégorie de prix.
Choisir la Triumph plutôt qu’une de ses concurrentes c’est avant tout une question de goût et d’individualité. Elle se distingue de ses concurrentes aussi bien au niveau de sa motorisation que de son look plutôt réussi, tout particulièrement dans sa version avec le cadre blanc et les plastiques kaki.
Un grand merci à Triumph Suisse pour le prêt et à Motos Vionnet à Sâles pour la disponibilité.
GALERIE
BILAN
ON A AIMÉ :
moteur plein de caractère
confort de la selle conducteur comme passager
excellente protection au vent
suspensions semi-actives bluffantes
shifter
polyvalence
une vraie moto pour le duo
ON A MOINS AIMÉ :
navigation dans les menus pas intuitive
accessibilité du cruise control
réservée aux grand (min 1.80m)
chère...