
Quand je parle de la petite sœur du Scrambler, c’est bien sûr en rapport avec ses dimension globales, plus mesurées. Car les deux sœurs de la famille Street partagent de nombreux gènes. A commencer par le moteur, un bicylindre de 900cm3 refroidi par eau. Si si, vous avez bien lu. Les ailettes fraisées du bloc calé à 270° et les caches en alu brossés qui semblent protéger des carburateurs ne sont là que pour le style, fort réussi d’ailleurs. Un discret radiateur prends place à l’avant, en prenant soin de de ne pas dénaturer l’esprit de la moto. Car nous sommes ici en présence de l’ultime descendante de la mythique Bonneville, une moto dont le nom tire son origine du record de vitesse établit par la marque en 1956, sur les « Bonneville Salt Flats » de l’Utah, aux Etats-Unis. Voici donc sa descendante, version 2019. La base commune développe à présent 65cv, à 7500tr/min, soit une puissance en hausse de 18% par rapport à la version précédente, sortie en 2016. La partie-cycle évolue également afin d’encaisser cette vague de puissance supplémentaire avec un nouveau train avant composé d’une fourche KYB de 41mm de diamètre ainsi qu’un système de freinage confié à Brembo, avec un disque de 310mm pincé par des étriers à 4 pistons opposés. Le réservoir n’embarque plus que 12 litres, mais avec une consommation annoncée de seulement 3,9l/100, l’autonomie devrait être largement suffisante. A confirmer lors d’un prochain test sur la durée. L’électronique est également identique, avec un accélérateur électronique ride-by-wire, un ABS et un antipatinage désormais déconnectables, un embrayage assisté antidribble et deux modes de conduites (Road et Rain). Dernier point commun, malgré une grosse différence de style et de gabarit, le poids, qui reste contenu à 198kg à sec.
Alors, par rapport au Scrambler, qu’est-ce qui change, concrètement ? L’angle de chasse est légèrement plus fermé (25,1° contre 25,6° sur le Scrambler) et donc l’empattement se trouve forcément réduit, passant de 1445mm à 1415mm. Remplacez la roue avant en 19’’ par une de 18’’ et l’agilité devrait s’en trouver grandement améliorée. La moto est un peu plus basse de 64mm (760mm de hauteur de selle contre 790) et son guidon moins large de 50mm. Déjà impressionné par le gabarit contenu du Scrambler, je dois avouer que du haut de mon mètre quatre-vingt-quatre, je redoute un peu l’exercice, de peur de ressembler à un crapaud sur une boite d’allumette, comme on dit. Au niveau du moteur, le couple est identique, soit 80nm, mais disponible un peu plus tard, à 3800tr/min. La puissance également identique, mais ce sont les courbes qui différent légèrement, pour mieux coller à la personnalité de chaque machine.
Au niveau visuel, bien sûr, aucune chance de confondre les deux. La Street Twin est un joli exercice de style, savant mélange de vintage et de modernité, qui sait flatter la rétine. Le feu arrière à LED en est un brillant exemple, lui qui est de forme ovale, mais ne laisse paraitre en feu de route qu’un unique cerclage donnant l’illusion d’un phare rond.
De loin, la moto semble très classique. Mais quand on s’approche, une multitude de petits détails accrochent le regard. Du logo Triumph sur le cache de l’ampoule de phare avant (seul le feu arrière est à LED) à l’inscription « Bonneville » sur l’entourage du compteur, des nouvelles jantes à bâtons en aluminium usiné au bouchon de réservoir chromé, décentré et frappé du nom de la marque.
Les designers ont vraiment soigné les finitions et cette moto est vraiment valorisante. La ligne est très fluide, et il s’en dégage une forme de classe à l’anglaise. Seule faute de goût, le garde-boue avant, peint sur le Scrambler, mais mat sur la Twin, et donc en plastique brut qui détonne par rapport au degré de finition élevée de la moto.
Les aspects pratiques ne sont certes pas le point fort de cette Street Twin, mais on pourra tout de même noter quelques efforts, comme des leviers réglables en écratement, des valves de gonflage intégrées aux bâtons des jantes et une prise USB sous la selle. En option, un système de capteur de pression peut être ajouté à l’achat, tout comme des poignées chauffantes. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de les tester (si si !) et elles fonctionnent très bien. Réglables sur deux niveaux et parfaitement intégrées, avec un unique bouton sur la poignée gauche, on regrettera juste qu’il n’y ait pas de témoin lumineux allumé en permanence lorsqu’elles sont enclenchées. L’indication de leur fonctionnement, ainsi que de leur niveau de puissance, apparaitra ponctuellement dans la fenêtre LCD du petit compteur. Lequel, minimaliste à souhait, ne comprends qu’un cadran à aiguille, le régime moteur étant une des options d’affichage numérique de l’ordinateur de bord, commandable au guidon, au même titre que l’heure, les trips ou le décompte avant réserve, entre autres infos. Seule la jauge à essence, le choix des modes moteur et le témoin de rapport engagé restent constamment affichés. Au niveau de la protection, pas de mauvaises surprises, l’acheteur saura à quoi s’attendre. Et même après la pluie, le simple fait de prendre la route sur une chaussée détrempée suffira à vous repeindre dans les moindres détails.
Voici pour les particularités techniques et fonctionnelles de cette petite Street Twin. Prenons place sur la nouvelle selle, plus épaisse de 10mm, et voyons comment se présente la moto en dynamique. Accessible, avec une hauteur de seulement 760mm, la moto est fine, très fine, et on a presque l’impression que les genoux vont se toucher lorsqu’on serre le réservoir. Les jambes sont certes plus pliées que sur sa grande sœur, mais j’ai tout de même de l’espace pour m’installer à bord.
Première impression, un rien déstabilisante pour moi, les commandes qui sont fortement inclinées vers l’avant, imposant une position de conduite nettement plus en appui qu’imaginée. Un coup de démarreur et le twin vertical prends vie, dans une sonorité déjà bien présente. Et ce n’est pas un euphémisme, tant ce moulin est vivant et plein de pêche. Un poil rustre, il relance la machine avec entrain dès 3000tr/min, ne rechignant pas à monter jusqu’aux 7500tr /min de la puissance maxi. Les vibrations sont toutefois assez présentes dans le haut du compte-tour, et on se plait à évoluer entre 3000 et 5500tr/min, zone du couple maxi. Il faut savoir que les courbes de puissance et de couple ne sont pas tout à fait les mêmes que sur le Scrambler, et c’est vrai qu’en terme de sensations, la Twin donne la sensation d’en avoir plus pour son argent. Le poids a beau être le même, la position de conduite, l’agilité et la façon dont la puissance est distillée changent la donne. A son guidon, tout semble plus facile que sur le Scrambler, et on a l’impression de gagner en efficacité. La nouvelle fourche d’un diamètre de 41mm travaille bien, et absorbe les petites aspérités de la route avec brio. Le freinage est plus que correct, offrant une puissance et un mordant qui, sans être violents, s’avèrent d’une efficacité redoutable pour parer à tout imprévu. Un banc de sable poussé par le vent en plein milieu d’un virage, par exemple.
En termes de tenue de route par contre, je suis plus circonspect. Et c’est principalement dû à la monte d’origine, les Pirelli Phantom n’étant clairement pas à leur avantage sur route mouillée. Dans des conditions de déluge telles que nous les avons vécues lors de cet essai, climat océanique oblige, le grip de ces pneus a clairement été pris en défaut, et j’ai vu certains de mes collègues faire de belles bananes avec leur pneu arrière, malgré les assistances. Sur route sèche en revanche, je n’ai pas rencontré de problème particulier et le feeling était au rendez-vous, procurant un gros plaisir de conduite sur les petites routes du Portugal. Je n’ai pas noté de différence notable entre les modes « Road » et « Rain », qui agissent principalement sur le niveau d’intervention desdites assistances ainsi que sur la progressivité de la poigné de gaz, mais je ne peux constater que je ne me suis pas fait de grosse frayeur, malgré le rythme élevé imprimé par l’ouvreur de mon groupe. La partie-cycle, quant à elle, ne fait pas preuve d’une extrême rigidité et permets de sentir l’âme de la Bonneville vivre dans les courbes. Tout cela participe grandement au charme dégagé par cette machine, digne héritière de la T120TT de 1963. Le confort de selle est excellent, et le son accompagnant les montées en régime est jouissif, sourd et ronronnant à la fois. Très franchement, à part au niveau de l’esthétique, je ne vois pas de raison de craquer pour les - néanmoins - sublimes Vance&Hines du catalogue d’accessoires. Car cette moto, chouchou des préparateurs, dispose d’un catalogue de plus de 140 pièces dédiées à sa customisation, allant de selles type café racer aux clignotants compacts à LED en passant par des têtes de fourche et des kits de suppression de garde-boue arrière. Triumph propose d’ailleurs deux kits de base (« Urban Ride » et « Café Custom »), dont les infos et photos figurent en fin d’article.
Les quelques 17500 propriétaires ayant cédé à ses avances depuis 2016 ne s’y sont pas trompé : la Twin est une charmante moto, plaisante et facile à prendre en main. Et elle se bonifie encore cette année, avec un train avant de qualité et une puissance accrue. L’électronique se fait de plus en plus présente, mais toujours de façon très discrète, et le moteur est un vrai régal, emmenant son pilote d’une épingle à l’autre dans un grondement typique de la firme anglaise. Elle distille de belles sensations et attirera immanquablement le regard sur votre passage. Une belle découverte, assurément.
Disponibilité à la mi-janvier 2019, au tarif de 10'490.- CHF (hors frais de transport et de mise en route)
Le kit Urban Ride :
Le kit Café Custom :