Après la pluie nocturne, c’est un brouillard matinal qui nous attend pour nos premiers tours de roues sur la RS. Une rapide mise en garde du staff nous est faite : les pneus Pirelli Supercorsa SP sont flambants neufs, donc attention sur les routes mouillées… C’est donc tout naturellement que je sélectionne le mode pluie pour faire connaissance avec la bête, mode pluie au passage qui ne castre en rien la puissance de 123cv disponible, il ajuste le contrôle de traction et l’ABS.
La légèreté de la Street n’a pas changée, je me sens comme à la maison, c’est une moto qui met immédiatement en confiance et mes 1m72 sont très faciles à caser sur la moto avec les deux pieds bien au sol grâce à l'étroitesse du réservoir. Dans ces conditions délicates je louerais la qualité des commandes, le maître-cylindre Brembo est dosable à deux doigts et l’embrayage est doux à souhait, comme quoi il est possible de n’avoir aucun effort à faire à la poignée gauche avec une commande à câble. Le débattement du sélecteur est assez court et les rapports rentrent comme dans du beurre que ce soit avec ou sans le quickshifter.
Et que dire de la bande-son… en gagnant en centimètres cube, la Street a gardé ses vocalises mais avec un timbre un peu plus rauque, durant tout l’essai on aura parlé du roooaaar Triumph. Par contre, au passage le sifflement de la distribution, typique à la marque, a disparu. Le nouvel échappement n’apporte donc pas uniquement un look.
Les conditions de roulage s’améliorent au fil du temps et des kilomètres parcourus, bien que la route soit encore passablement humide, il est tout à fait possible de mettre du gaz et un peu d’angle pour profiter de la vivacité du châssis. Sur les petites routes de montagne, la moto se balance sans effort d’un angle à l’autre tout en étant moins nerveuse. J'ai vraiment l'impression d'avoir la roue avant plantée dans le sol.
Le freinage, largement surdimensionné pour la route permet de ralentir la RS avec un effort minime sur le levier droit. Le feeling apporté est tout simplement exceptionnel et l’ABS Continental veille au grain et agit de façon tout à fait transparente.
Par contre, dès 5'000tr/mn le premier point noir me saute au visage (j'ai pourtant passé l'âge de l'acné juvénile), les rétros se brouillent et deviennent illisible, déjà qu'ils sont petits sur la RS.
J'ai immédiatement ressenti le travail des ingénieurs sur le trois cylindres, c'est un peu comme si la Street que je connaissais était sous perfusion de vitamines. Le moteur reprend dès les bas-régime sans sourciller et sa force s'accentue au fur et à mesure de la montée en régime. Un sacré caractère mais super docile. Surtout que vu le faible poids à tracter, les relances sont immédiates et musclées sans être piégeuses.
Les kilomètres s'enchainent pour rejoindre le tracé de Catalunya et le soleil fait son apparition tandis que la route sèche. Après une bonne série de virolets serrés, qui mettent en évidence la qualité des suspensions, celles-ci absorbant les défauts de la route sans broncher, nous empruntons une portion d'autoroute. La protection n'est pas le fort de la Street, dès 120 km/h on prend bien le vent dans le casque et après (hum vous n'avez rien entendu) il faut rentrer la tête. Un saute-vent disponible en accessoire fera l'affaire si vous décidez de voyager avec votre RS.
Nous voici enfin sur le tracé de Catalunya. Après un rapide repas et un briefing, nous décidons de prendre au plus vite la piste pour profiter du soleil. C'est ma première expérience sur ce magnifique circuit qui a vu tant de passe d'arme en moto. Heureusement pour la première session un instructeur est là pour nous montrer les trajectoires.
Je pars directement en mode Track afin d'avoir un minium de contrôle de traction et d'ABS. Le circuit est magnifique et ses enchaînements rapides mettent en valeur la stabilité du châssis de la Street. Une fois posée sur l'angle la moto ne bouge plus sauf en cas de besoin de correction de trajectoire. Cette stabilité est également louable dans la longue ligne droite, qui finit par une légère descente. Bien qu'accroché au guidon en fond de 6, la moto ne bronche pas !
En usage piste, le shiftlight présent sur l'ancien modèle fait défaut tant le moteur a de l'allonge. J'ai fait bon nombre de rupteur avant de trouver les bons rapports selon les courbes. Par contre, le shifter fonctionne merveilleusement bien et permet de passer les rapports à la volée dans un minimum de temps.
D'ailleurs, ayant l'habitude de rouler en boîte inversée sur piste, une erreur de rapport m'aura valu une magnifique traversée du bac à gravier en fond de 3 dans la courbe n° 9 nommée la Campsa. J'ai bien cherché parmi le menu mais n'ai pas trouvé le mode off-road… mais cela m'aura permis de constater que la Street, grâce à son grand guidon, peut traverser un bac à sable sans encombre, pardon m'sieur Triumph, promis je ne recommencerais plus.
En mode track l'ABS repousse ses limites, ça ne m'aura pas empêché de le couper complétement pour ma dernière session afin de repousser encore le limites du freinage. Celui-ci avec les magnifiques étriers M50 et le maître-cylindre qui proviennent de chez Brembo ne souffre d'aucun reproche même en mode hyper intensif. Aucune surchauffe ni changement ressenti à la poignée droite.
Et une fois la journée terminée, quel plaisir de renfiler une tenue un peu plus légère pour enfourcher à nouveau la Street Triple et retourner à l'hôtel prendre une bonne douche bien méritée.
Alors la nouvelle Street est-elle une réussite et va-t’elle continuer sa longue carrière ? Oui sans aucun doute ! Et dans cette version RS elle risque de faire trembler bien des sportives que ce soit dans les cols ou sur piste où elle imposera sans problème son agilité diabolique ainsi que son freinage puissant et endurant sans oublier les relances musclées dues à son trois cylindres magique. En clair la Street Triple RS est parfaite pour prendre son pied sur la route en allant s'éclater, au sens propre, sur circuit.
Et pour Triumph cette version arrive à point nommé surtout quand on sait qu’au sein de la DORNA on envisage à terme de remplacer la catégorie Supersport par une catégorie Roadster Cup… La Street risque de donner du fil à retordre à ses concurrentes.
Au niveau du prix, avec ses CHF 13’200.- cette version RS pourra paraître de prime abord chère, mais si on la compare aux autres roadsters de moyenne cylindrée ou même de cylindrée supérieure, vu la qualité des équipements qui l'équipe elle reprend l'avantage car il n'y aura rien à rajouter pour rouler sur celle qui a bouleversé la catégorie en 2007 et qui entend bien continuer à le faire pendant longtemps.