Le freinage est sans surprise italien, confié à Brembo avec deux disques de 320mm pincés par des étriers radiaux à quatre pistons à l’avant et un disque de 220mm pincé par deux pistons à l’arrière ; le tout supervisé par une centrale Bosch ABS 9 Plus pour freiner aussi fort que tard. Enfin, la Brutale 800 est la première machine du marché à être équipée des Pirelli Diablo Rosso III en sortie d’usine, un pneu sport parfaitement adapté au tourisme avec la poignée dans l’angle.
La regarder et dire ce qu’elle cache, c’est bien, mais il est vraiment temps de grimper dessus ! La première impression est très bonne, la position est naturelle et tout à fait semblable à un autre roadster. Le grand guidon droit donne la sensation d’une direction extrêmement légère, cependant à peine on commence à tourner qu'on est déjà en butée. Les aptitudes de la partie-cycle sont passées avant le rayon de braquage.
Je fais mes premiers mètres avec appréhension. Cette direction qui bouge à un doigt, cet embrayage hydraulique mou comme de la guimauve, le poids de la machine que je sens à peine. Le moindre coup de frein me stoppe net. Un petit rond-point, un travers et c’est l’angoisse : je ne sais plus conduire une moto ? Me voilà en présence de celle que je serai incapable de dompter ? Riez pas, ça m’est arrivé...
En cartographie normale, je monte le contrôle de traction de 4 à 6 pour me rassurer. Après un bout de voie rapide, on quitte l’agglomération de Marbella direction Ronda et les montagnes. En milieu de matinée, la route offre déjà un excellent grip. Encore hésitant, je laisse vite passer les meilleurs pilotes pour ne pas m’imposer un faux rythme.
Les kilomètres commencent à défiler et je m’adapte doucement à la Brutale. Pas facile de ne plus du tout utiliser l’embrayage. La route est essentiellement composée de grandes courbes rapides et le grip qu’elles offrent me mettent plus en confiance pour augmenter la cadence. L’accélération est phénoménale, le moteur semble ne jamais s’arrêter de pousser. Pas le temps de chercher le rupteur que le prochain virage me saute déjà au visage. Avec les nouvelles normes, le son de l’échappement est logiquement en retrait. Incomparable au bruit d’une Triumph Street Triple (R) ou d’une Yamaha MT-09. Selon moi, il a quelque chose d’automobile, les furieuses montées en régime en plus.
Léger freinage, déhancher, tourner, recommencer. Les ingénieurs avaient raison : avant, la Brutale portait ce nom car c’était une sportive dépouillée. Maintenant, c’est une force brute, mais accessible à chacun. Je me sens beaucoup plus détendu qu’au départ, je profite d’un passage calme pour remettre le contrôle de traction sur 4 et la cartographie sport. Les virages s’enchaînent et voilà que je dépasse un collègue, puis un autre.
Cette route quasi déserte figurera désormais dans mon top 10 des routes à avoir parcourues. Maintenant dans la roue d’un pilote que j’arrive tout juste à suivre, je mesure tout le potentiel de cette Brutale. Après tout juste une heure à son guidon, je me suis décrassé d’un petit break hivernal, mais surtout je me surprends à aller plus fort que ce que j’en ai l’habitude. Laissez-la moi une saison pour voir…
La nouvelle MV Agusta rempli parfaitement sa promesse d’être un roadster incroyablement maniable et agile. Avec la gomme tendre des Rosso III et la suspension revue, elle est littéralement rivetée au sol. Inscrite sur sa trajectoire, elle est imperturbable. Que ce soit sur un asphalte irrégulier, avec quelques vagues sur la chaussée ou dans un parcours très sinueux, on passe encore à des vitesses inavouables. La recette du bonheur, c’est peut-être arriver gaz en grand sur un virage, tomber deux rapports comme dans un jeu vidéo avant de lécher les freins, puis tout lâcher et se jeter à la corde pour repartir à toc en laissant le contrôle de traction juguler la dérive.
Cette bécane m’a rendu fou, mais je dois être honnête et vous peindre le tableau en entier. Son ordinateur de bord archi-complet et paramétrable sur une dizaine de points gagnerait à avoir plus que le bouton SET et OK pour le parcourir. Accessible en permanence, il faudra pas mal de pratique pour s’en servir en roulant. La position de conduite est très agréable, mais il semble que j’ai exactement la taille critique pour me mettre deux arêtes du réservoir droit dans les genoux. Pas de problème en virage cependant, seulement en ligne droite lorsque je serre le réservoir pour faire corps avec la moto, c’est assez désagréable.
Cette MV Agusta Brutale m’a touché au plus profond de mon âme de motard. L’air de rien, elle s’est invitée dans le coin de ma tête où il n’y avait de la place que pour ma Super Duke. Son moteur qui semble pouvoir tourner toujours plus vite, ses freins qui vous stoppent en une poignée de mètres, sa partie-cycle incroyablement facile, qui pardonne et qui laisse même le motard moyen se chercher une nouvelle limite. Ce roadster est un chef d’oeuvre, aussi beau à regarder qu’à rouler. Mettez-lui de quoi la faire chanter et vous serez comblé avant de probablement finir interné.