
Ducati nous a donc conviés à découvrir la version ultime de sa Monster sur le circuit d’Ascari proche de Malaga. Pour l’occasion, la bête se pare d’un R majuscule pour afficher ses prétentions racing. On sait en effet que, chez les Rouges, le R est synonyme de performances et de hautes technologies. La Monster est une icône dont le coeur est le gros réservoir véhiculant l’identité de la moto.
L’élément le plus revu de la Monster est son moteur. Celui-ci est toujours le Testastretta 11° DS de la seconde génération. Pour plus de souplesse, il se pare de deux bougies par cylindre afin d’assurer une combustion optimale. Il reçoit en sus une alimentation et un échappement revus pour augmenter la puissance. Le diamètre de l’admission devient épileptique et passe à 56mm au lieu de 53mm avant de déboucher dans des culasses inédites. Ces dernières reposent sur un joint de culasse plus fin afin d’amener le taux de compression à 13:1. Le diamètre des échappements passe quant à lui à 58mm avant de déboucher dans un nouveau silencieux qui répond aux normes Euro4. Toujours pour répondre à ces drastiques normes Euro4, les bruits du moteur sont réduits au maximum avec de nouveaux pistons par exemple.
Le bloc délivre dans cette version 160cv à 9’250tr/mn pour un couple camionesque de 134Nm à 7’750tr/mn, la Monster R devient ainsi la plus puissante Monster produite par Ducati, la version S faisant 145cv et la standard 135cv. Il faut surtout noter que 75% du couple est disponible dès 3’500tr/mn. Les relances aux moyens régimes vont envoyer de la purée, comme on dit !
Bien qu’il soit identique à celui des autres Monster, le cadre a été revu pour canaliser ce déferlement de force et, à l’instar de beaucoup de modèles chez Ducati, il utilise le moteur comme élément de la structure. Le treillis est fixé directement aux culasses tout comme la boucle arrière qui est spécifique à la Monster R. Les repose-pieds passager ne sont plus sur la même platine que ceux du pilotes, mais fixés directement sous l’arrière-cadre.
La configuration du châssis est surélevée de 15mm par rapport à la Monster standard afin de permettre de plus grandes prises d’angle en ayant un centre de gravité plus haut, ce qui amène également une plus grande agilité et plus de rapidité dans les changements d’angle.
Enfin, l’accastillage se pare des plus beaux éléments avec des suspensions Öhlins. La fourche fait 48mm de diamètre et est complètement réglable tout comme l’amortisseur de même provenance qui est fixé à un magnifique monobras oscillant. Ces suspensions doivent amener une précision de pilotage et un confort hors norme sur un roadster. Il est à noter qu’un amortisseur de direction, Öhlins lui aussi, se trouve monté transversalement sur la direction.
Les freins proviennent bien évidement de chez Brembo et sont les mêmes que ceux qui équipent la Panigale. C’est ainsi que vous ralentirez via un maître-cylindre PR16 qui actionne des pinces de freins monoblocs M50 qui elles-mêmes mordent des disques de 330mm. Aucun doute qu’avec ce matériel il va y avoir de quoi planter des freinages de trappeurs ! Heureusement, un ABS Bosch de dernière génération est là pour veiller au grain.
En ce qui concerne aujourd’hui les inévitables assistances électroniques, la Monster R est dotée, comme précité, d’un ABS réglable sur trois positions, d’un mode moteur Sport, Touring et Urban, d’un antipatinage ajustable sur huit positions et enfin d’un écran TFT en couleurs peut afficher trois displays différents.
Afin d'affiner le design, les radiateurs se parent de magnifiques caches en alu brossé, ornés d’un R pendant que le dessin de la coque arrière a été complètement revu en étant tronqué au maximum pour donner une impression de selle "monoposto" (ndlr : monoplace).
Pour finir le descriptif, la Monster R est équipée avec les mêmes roues forgées que la Panigale, le pneu arrière est donc un 200 de largeur. Deux coloris seront disponibles : le traditionnel rouge avec les bandes blanches et un classieux noir à bandes rouges.
Les motos sont alignées comme à la parade dans les box du tracé d’Ascari, qui est un circuit privé appartenant à un magna espagnol du pétrole. La nuit ayant été arrosée par une copieuse averse (non non, ce ne sont pas les journalistes qui ont arrosé !) nous prenons la piste avec une heure de retard sur le planning mais ce n’est pas important car nous avons la journée pour faire connaissance avec la Monster R et pour découvrir ce magnifique tracé vallonné.
Je vais encore vous faire languir un petit moment en vous parlant de la piste. Elle est donc privée et les infrastructures alentours sont à la hauteur de la fortune de son propriétaire. Les box respirent le neuf, un lounge avec piscine est à disposition et le proprio dispose de plusieurs box et ateliers privés qui accueillent sa collection de voitures de sport. Bien évidemment, un héliport est prévu pour l’accueillir !
En ce qui concerne le tracé, il est vallonné et tortueux à souhait, on dirait presque une piste de road-race ce qui va convenir à merveille à un gros roadster sportif comme la Monster R a contrario d’un circuit de vitesse pure.
Me voilà parti en mode Urban pour découvrir la piste, celle-ci étant bien humide par endroit, vaut mieux être sur ses gardes. Surtout que dès l'entrée en piste, on rentre dans un gauche très serré et en dévers avant d’entamer une bonne accélération pour un gauche assez rapide immédiatement suivi de son homologue à droite. Le travail sur l’abaissement du poids et le centre de gravité plus haut placé me saute au visage tant il est facile de jeter la Monster R d’un angle à l’autre, et encore... je suis sûr une piste humide. Je ne vais pas continuer à vous raconter le tracé car il me faudrait au moins une encyclopédie.
Sur ce premier mode moteur, la puissance est limitée à 100cv et la réponse à la poignée est douce. L’ABS sur 3 veille également lors des ralentissements sur les taches d’humidité, ce qui sera parfait lors de roulage dans des conditions délicates. Cette première session me permet surtout de faire connaissance avec le tracé tortueux d’Ascari et ses vingt-quatre virages qu’il faut mémoriser.
Lors du deuxième run, la piste étant presque sèche, malgré quelques plaques d’humidité restant ci et là, je pars en mode touring. Le moteur, qui délivre ici toute sa puissance, m’apparaît bien plus coupleux mais là encore, l’électronique fait des merveilles en limitant la cavalerie lors des remises de gaz sur l’angle et on ne peut qu’apprécier la connexion entre la poignée droite et la horde de chevaux avalée par l’asphalte. Le twin serait-il le moteur idéal pour une moto ? Seul l’ABS encore un peu trop intrusif viendra gâcher un peu la fête, mais il ne faut pas oublier que nous sommes sur une piste et non sur route ouverte...
Dès le troisième run, je pars en mode sport et là, la Monster R me dévoile tout son potentiel. Entre le moteur qui n‘est quasiment autre que celui de feu la 1198, et le châssis revu, les limites de la moto sont exceptionnellement repoussées. Désormais, il faut doser les gaz lors de leur ouverture sur l’angle, les Pirelli Diablo Superposa SP trouvant parfois leur limite d’adhérence tout en restant très prévenant. La réponse à la poignée droite devient explosive, le twin se lançant à l’assaut de la zone rouge sans aucune retenue en tractant très fort dès les mi-régimes. C’est lors des accélérations dans les parties rapides que je regretterais l’absence d’un quickshifter, cet accessoire devenant vite indispensable une fois qu’on s’y est habitué.
La piste étant sèche, hormis deux-trois taches d’humidité dans la dernière partie du tracé qui est un long droite en descente en pleine accélération, je peux apprécier le feeling et la puissance de freinage offerte par la Monster R. Autant vous dire que celle-ci est bien plus performante que le pilote à bord... il va falloir trouver un trappeur néerlandais nourri à l’huile de castor pour arriver au bout de la puissance de freinage offerte... Deux doigts, et encore sans aucun effort, suffisent à littéralement planter le train avant dans le bitume d’Ascari. Le frein arrière remplit correctement son office de ralentisseur, bien que j'aurais aimé avoir un peu moins de course à la pédale pour l'actionner.
La qualité des suspensions Öhlins est également à saluer, bien que réglée pour la piste, la moto reste toujours très confortable et surtout très saine. Lors des gros freinages avec de l'angle, l’arrière danse un peu lors des rétrogradages mais à aucun moment le pneu ne perd le contact avec le bitume.
A l’attaque, la position plus haute des cale-pieds permet de mettre de l’angle, Ducati avance le chiffre de cinquante degrés, sans que cela ne frotte. Les appuis sont très bons, il est aisé de se déplacer de gauche à droite ; par contre, avec l’arrière très court, il n’est pas aisé de se reculer sur la selle pour adopter la position de limande derrière la micro bulle qui couvre le phare.
Le tracé comporte deux virages en banking dans lesquels on peut entrer très très fort, avec beaucoup de vitesse. La Ducati mettant en confiance, cet exercice est un vrai plaisir ! On sent les suspensions se tasser sous le poids de la moto et la force centrifuge.
Je vous avouerais très franchement que je ne me suis pas attardé sur la lisibilité du tableau de bord étant bien plus occupé à regarder où je devais poser mes roues, le tracé étant assez technique. Toutefois, le flashlight qui vous susurre aux yeux qu’il est temps de passer le rapport supérieur est très visible. Pour le reste, lors des changements de mode dans les stands, j’ai trouvé que le tableau de bord, au standard Ducati, est très complet et surtout agréable en couleurs.
Avec cette Monster R, Ducati place la barre très haut en termes d’efficacité. Les éléments de qualité ne sont pas qu’un argument marketing, ils amènent une réelle efficacité en termes de conduite, voire plutôt dans ce cas-là de pilotage, et le travail sur la répartition des masses est plus que payant. On sait déjà que la Monster R sera disponible début février 2016 pour un prix qui devrait se situer aux environs des CHF 19’000-20’000.-.
Alors prêt à craquer pour la Monster la plus performante jamais produite ? Elle devrait autant vous donner satisfaction sur une terrasse de part sa qualité valorisante que dans un col par ses performances... ou sur piste !