Une 1ère impression… déroutante
Au moment de monter à bord, un autocollant bizarre attire mon attention. Sur les valises, une inscription en anglais stipule qu’il est formellement interdit… de s’asseoir dessus. Anecdotique bien sûr. Mais je reste curieux de savoir par quel cheminement intellectuel cet autocollant a fini apposé ici. Bon, cela m’aura au moins donné le sourire. J’enfourche la moto et suis immédiatement à l’aise. Les commandes tombent naturellement sous la main mais la hauteur de selle relativement importante (840mm) pourra en rebuter certains. La selle semble d’ailleurs confortable, malgré une inclinaison assez prononcée sur l’avant. Démarrage de la belle verte, et on a beau s’y attendre, le bruit du moteur surprend. Bien que discrète au ralenti, la sonorité du bloc de 1043cm3 est typique d’un quatre-en-ligne, avec un timbre presque métallique. Le fait d’avoir quatre pistons entre les jambes est déroutant, et ce n’est que le début. Je vais être franc, la Versys a complétement chamboulé mes repères. Je me suis très fréquemment fait surprendre à rouler bien plus vite que la législation ne l’autorise. Pas parce que je suis un rebelle, mais simplement car j’ai pris l’habitude de rouler à l’oreille, et que sur un trail, on a généralement entre les jambes un bon gros bicylindre, voir un gromono et que le cocktail sonorité/vibrations est en général assez prononcé. Ici, rien de tout cela. J’ai l’impression que la moto dans son ensemble est enveloppée dans de la ouate. J’enclenche la 1ère, sans un mot, sans un bruit. Elle passe comme dans du beurre. Décollage en douceur, et me voilà parti à la découverte d’un monde nouveau.
En ville, on frise la perfection
L’impression qui domine est bien celle de la douceur. Douceur de la boite, donc, mais aussi douceur de la selle, des commandes et du moteur. Ce dernier est quasi exempt de vibrations, hormis dans le haut du compte-tour, et offre une onctuosité à laquelle je ne suis pas habitué sur un trail. Très agréable dès les plus bas régimes, il est docile et offre une souplesse bienvenue en milieu urbain. Associé à une partie-cycle équilibrée et à un train avant agile, je m’extirpe avec aisance du centre-ville congestionné de Genève. Il faudra juste faire attention aux valises, car la largeur de l’arrière dépasse de peu celle du guidon. Gaffe lors des dépassements ou des remontées de file. Le peu de que j’entrevois du moteur dans ces conditions est vraiment positif. La Versys 1000 Grand Tourer, avec armes et bagages, est d’une polyvalence rare pour un usage quotidien. Très maniable, facile à béquiller, avec une bonne capacité d’emport et un échappement discret à bas régime, elle semble à l’aise partout. Le Japon aurait-il réinventé le couteau Suisse ? Je prends la direction du canton de Vaud, afin de voir ce que la Versys a vraiment dans le ventre.
Autobeurk
Qui dit touring dit trajets autoroutiers. Et c’est là, à mon grand étonnement, que ses principaux défauts m’ont sauté au visage. Et le premier que j’ai ramassé en pleine face, justement, c’est le vent. Malgré un pare-brise réglable en hauteur sur plusieurs positions. L’opération se fait à l’arrêt en quelques minutes, très facilement via deux molettes. Mais cela n’a rien changé. Les turbulences m’ont secoué sur l’ensemble du parcours, générant une forte pression sur le torse. Paradoxalement, la tête n’était pas trop impactée. Peut-être est-ce dû à ma taille (1m84) mais je n’ai pas réussi à trouver de bon réglage afin de limiter ces turbulences. Au niveau des jambes par contre, la protection semble assurée de façon plus que correcte, bien que je n’aie pas eu la chance de tester la Versys sous la pluie. Dommage, encore une fois, que les poignées chauffantes ne soient pas – plus, selon le concessionnaire – incluses dans cette dotation « Grand Tourer ». Idem pour le régulateur de vitesse, qui prends tout son sens sur de tels trajets, souvent un mal nécessaire pour rejoindre des contrées plus excitantes.
En route !
Me voilà sur les petites routes du Jura. Et là, la belle verte est dans son élément. Les suspensions, si elles ne sont pas de plus rigoureuses en conduite sportive, amènent un confort bienvenu, de bon augure pour de futurs voyages. D’ailleurs, au terme de 300km, la fatigue ne se fera absolument pas sentir et on pourrait aisément repartir pour un tour. La selle est un juste compromis entre moelleux et fermeté, et seule sa pente m’a quelque peu dérangé, pour l’interdiction de changement de position qu’elle impose. Reste qu’on prend du plaisir à la balancer d’un virage à l’autre. On pourrait penser que son poids (250kg tout plein faits) pourrait donner quelques sueurs froides mais non, l’équilibre est parfait, le train avant vif et la moto assez joueuse dans les enchainements. La répartition des masses est idéale et on ne ressent pas la moindre inertie. Elle se laisse guider du bout des doigts et met immédiatement son pilote en confiance. Le freinage est facilement dosable, et suffisamment puissant pour rouler avec fluidité sans arrière-pensée. Equipée de l’ABS et d’un contrôle de traction réglable sur trois niveaux, on se sent en parfaite sécurité quelques que soient les conditions. D’autant qu’en cas d’adhérence précaire, on peut compter sur un mode « Rain » apaisant encore le caractère du moteur. Mais celui-ci fait déjà preuve d’une grande souplesse, inégalable dans la catégorie, avec des reprises possibles au plus bas du compte-tour. Les montées en régimes sont progressives et les 120 chevaux annoncés sont bien là, distillés de façon assez linéaire. Attention, je ne dis pas que le moteur est mollasson. On peut compter sur sa force pour s’extraire des épingles. De discrète au démarrage, la sonorité est devenue plus présente, avec un feulement typique d’un 4 cylindres, qui participe d’ailleurs grandement aux sensations procurées. Ne cherchez pas ici d’explosivité, de rage ou de hargne, le moteur vous emmène avec force et vigueur d’un virage à l’autre, dans une douceur de fonctionnement très agréable. J’aurai personnellement apprécié une plus grande vivacité, avec un bon coup de pied au c… à mi-régime. Mais la Versys tire sa force de son homogénéité. Son moteur est une force tranquille et son châssis est un savant équilibre entre tenue de route et confort de suspensions. Une main de fer dans un gant de velours, comme on dit. Sauf que dans ce cas précis, on a l’impression qu’une couche de ouate supplémentaire a été rajoutée tellement l’ensemble est doux et agréable. Il n’y a que sur la gestion de la poignée de gaz que le tableau s’assombrit un peu. Le ride-by-wire donne en effet des petits à-coups, tant à la coupure et qu’à la remise des gaz. Pas rédhibitoire, mais gênant à la longue. Encore un petit détour par les chemins de traverse, juste l’occasion de vérifier que malgré son côté routier prononcé, les chemins et les cailloux n’effraient pas notre belle japonaise. Ce n’est pas sa destinée première, mais elle s’en accommodera avec aisance, pour le plus grand plaisir de son pilote.