Le lancement du modèle avait été fait en grande pompe à Londres, avec groupe de rock et course de drag sur scène. Pour notre essai, Triumph voit grand et a emporter sa météo locale pour vraiment nous servir la Bobber avec les routes humides et le ciel gris qui avait déjà suivi tout son développement.
Une fois n’est pas coutume, la balade commence sur le mode pluie pour se faire à la position de conduite et au comportement de la moto sans se faire surprendre sur les routes humides. Je constate tout d’abord que le premier rapport est assez long dans cette configuration de pignon et de couronne. En ville, j’aurais pu laisser le 3e rapport au garage, tandis que sur l’autoroute autant la 5e que la 6e ne servent qu’à économiser du carburant.
J’avais beaucoup aimé le caractère moteur de la T120 et de la Thruxton. Avec les changements apportés sur le Bobber, c’est encore une réussite des ingénieurs de Hinckley. Le ride by wire est réactif comme il faut et le couple disponible déboule progressivement. Dès le ralenti, la moto reprend pratiquement sans à-coup puis pousse progressivement jusqu’à 4’500 tr/min. Au-delà il devient plus brutal, plus vivant et vous le fait savoir avec son lot de vibrations dans les reposes-pieds. C’est amusant de conduire ainsi, cependant l’esprit Bobber se perd un peu au profit d’un aspect plus roadster.
Après un bon tiers de l’itinéraire d’essai, pas la moindre gêne due à la position à l’horizon. La selle réglée en position haute et avancée, j’ai comme l’impression que mon séant en a exactement pris la forme. Avec le réglage de selle plus en arrière, on renforce l'esprit Bobber et perd en confort de conduire.
L’ensemble des suspensions qui équipent cette Bonneville n’est pas réglable. C’est un parti pris qui a donné lieu à de nombreux essais pour trouver la course optimale que devaient avoir la fourche et l’amortisseur. Avec 90 mm devant et 77 mm à l’arrière, le choix s’avère judicieux. Mis à part en compression très rapide où l’amortisseur ne suit pas, le comportement est sain et confortable.
Ce choix du non réglable est simple. Conçu comme monoplace dès le départ, l’écart de poids d’un pilote à l’autre, en plus divisé entre l’avant et l’arrière, ne faisait plus qu’une faible différence de contrainte sur les suspensions. Le confort de conduite était alors convenable pour un large éventail de conducteurs. D’ailleurs, je dois admettre être encore en bonne forme en descendant du Bobber. Après une journée complète de route je n’ai pas subi la moto, je n’avais qu’à en profiter.
Seul le freinage n’a pas convenu à ma conduite. J’ai dû me réconcilier avec le frein arrière pour réussir à ralentir et arrêter le Bobber sans perdre le rythme. Le frein avant est identique à la Bonneville T100: un simple disque ø 310 mm avec étrier Nissin 2 pistons. En début de course du levier de frein, le mordant met pas mal de temps à se faire sentir. À l’attaque, ce dont le Bobber est tout à fait capable, le frein avant n’est selon moi pas à la hauteur. De plus, passer au double disque demanderait de changer la fourche. Le seul choix est de s’y habituer.
Sur route sinueuse, le Bobber n’est pas agile en tant que tel, mais il se laisse mettre sur l’angle pratiquement sans effort. Les reposes pieds frotteront évidemment par terre, mais la garde au sol est bien suffisante pour l’usage qu’en feront le plus grand nombre de clients de cette Bonneville.
Le meilleur souvenir que je garderai de cette moto, en plus du plaisir de rouler sur de belles routes désertes, c’est le grondement produit par le moteur et les échappements. Un vrombissement déterminé, hargneux, rageur même à l’approche du rupteur. Un bruit qu’on prend plaisir à écouter tout au long de la journée, mais qui ne prend pas le pas sur les autres émotions. Une bande son taillée sur mesure pour chaque balade au guidon du Bobber.
Cette Triumph se destine sans aucun doute à une clientèle s’attachant plus à l’objet qu’au plaisir qu’il procure. Quelque part ils seront perdants, ne sachant pas à côté de quoi ils passent en la laissant dans leur garage le plus clair du temps. Ceux qui vont se l'approprier, la personnaliser et enfin la feront rouler chaque jour qui le permet dans l’année auront compris. Cette Bonneville Bobber est pleine de qualités dynamiques, croyez-le ou non. Essayez-la, elle vous le prouvera.